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parenthèse, qu'un autre groupe de tribus du désert, plus proches cousines d'Israel, est rattaché à Edom1.

Abraham, Isaac et Jacob situés de cette manière, sont envoyés, par la légende israélite, en Canaan, où ils voyagent et séjournent, prenant possession du pays et fondant les sanctuaires. Laissant de côté, pour un aperçu d'ensemble, la différenciation des sources et les faits de substitution de personnages à divers stades de la rédaction, on trouve qu'à Hebron, ou à Beer-sheba, ou à Bethel, ou à Sichem, voire à Gerar en Philistie, tous élèvent des autels ou plantent des arbres, « invoquant le nom » de la divinité, et sont favorisés de l'apparition du dieu lui-même, qui en termes insistants leur promet le pays entier en propriété pour leur descendance". Sous la tendance parfaitement nette et uniforme de ces récits on distingue, toutefois, deux manières d'imaginer et de raconter les choses, deux formes traditionnelles très dissemblables et qui constituèrent, peut-être, deux « cycles » indépendants avant d'être fondues en un corps légendaire unique. L'une d'elles est celle d'une légende d'immigration pastorale paisible, dans laquelle la population primitive du pays reste dans l'ombre, paraissant seulement pour reconnaître aux nouveaux venus, amicalement, des droits, ou leur consentir des acquisitions: très agréable et tranquillisante, cette version est de beaucoup la mieux conservée. L'autre forme est la légende d'une conquête à main armée, directement inspirée et transposée de la réalité historique; elle ne subsiste que dans l'épisode violent de Sichem3 et dans une brève allusion restée enchâssée en une autre place1.

1. Edom, dont les épouses sont cananéennes, donne naissance à douze éponymes de tribus, et en plus, par l'intermédiaire de son aîné Eliphaz, à un bâtard édomitehorite qui est cet Amalek particulièrement haï d'Israël. Un clan d'Amalek était, primitivement, Kaïn, dont Israeël se fit un allié au temps des guerres de Saül, et chez qui certaines formes légendaires allèrent chercher un personnage important de la légende de Moïse (voir Weill, loc. cit. dans Rev. des Ét. Juives, LVII, 1909, p. 200-205).

2. Gen., XII à XXXV; le détail sera étudié plus loin.

3. Gen. XXXIV.

4. Gen. XLVIII, 22.

Observons encore, touchant l'ordonnance générale du récit, qu'étant donné que les ancêtres, qui représentent le peuple, avaient séjourné en Palestine, et que par la suite s'accomplit la conquête historique réelle, il fallait bien que, dans l'intervalle, on eût à enregistrer une sortie de la Palestine et un séjour du peuple au dehors : à l'élaboration de quoi furent employées — de quelque manière qu'on explique leur formation primitive-les légendes du séjour en Egypte et de l'Exode, et, ajoute Ed. Meyer, l'histoire de Joseph, composée de toutes pièces pour servir à la combinaison1. Ceci n'intéresse que très indirectement notre sujet.

Arrivons à la composition du personnage des patriarches. Ces ancêtres, dans E comme dans J, sont des figures généalogiques, on l'a dit tout à l'heure, mais on est immédiatement arrêté par le fait que ce ne sont pas des éponymes de grandes collectivités, de nations ou de tribus, que leurs noms ne sont pas ceux des peuples qu'ils représentent. Au bas de l'échelle, Joseph n'est pas un nom de tribu, et il ne représente même pas une tribu, nous y avons donné attention, mais un groupe de tribus. Abraham et Isaac n'ont rien de commun, par le nom, avec les ensembles ethniques plus ou moins vastes qu'ils embrassent. Jacob équivaut à Israel, en son entier, de même qu'Esaü est Edom, et Laban, les Araméens ces équations sont forcément artificielles, et l'opération arbitraire qu'elles supposent a laissé sa trace dans l'histoire de Jacob, à qui le nom d'Israel est imposé, en remplacement du sien, par un décret spécial de la divinité, et dans l'histoire d'Esaü, où l'appellation Edom est expliquée par un jeu de mots3. Mais avant le stade de ces identifications? Il faut bien que Jacob et Esau, qu'Isaac, qu'Abraham et Laban aient désigné autre chose que les entités ethniques auxquelles ils furent par la suite affectés. Et certes, comme l'observe excellemment

1. Meyer, Israeliten, p. 228-229.

2. Gen. XXXII, 28, XXXV, 10.

3. Gen. XXV, 29-30. Noter, à ce propos, la glose explicative: « Esau, c'est Edom », qui s'inscrit avec insistance en fin des tableaux ethnographiques d'Edom (Gen. XXXVI, 8, 19, 43).

Ed. Meyer', il y a des cas où les patriarches représentent le peuple, mais on en relève d'autres, et précisément dans les portions les plus authentiquement primitives de la légende --le combat de Jacob avec le dieu, toute l'histoire d'Abraham, toute l'histoire de Jacob dans lesquels nul sens d'histoire de clan n'est possible à reconnaître. Il faut bien, répétons-le, que les figures intéressées soient primitivement autre chose que des représentations ethniques et généalogiques.

Quoi qu'elles aient été au juste, dans le principe, il est presque visible immédiatement que ces figures sont palestiniennes indigènes, cananéennes, et ont été empruntées par la légende israélite après la conquête; cette situation peut être considérée comme certaine depuis la révélation, en 1886, de Jacob-el et Joseph-el noms de peuples en Palestine vers l'an 1500. La difficulté commence seulement lorsqu'on aborde le problème de définir les lignes et les fonctions des personnages préisraélites. Cette difficulté provient de ce que Jacob, Joseph et autres étaient déjà arrivés au terme d'une longue et complexe évolution lorsque les combinateurs israélites s'emparèrent d'eux, et qu'en la figure de chacun se superposaient des figures de plusieurs stades, successivement déduites, peu compatibles entre elles et toutes plus ou moins complètement conservées. Indiquons immédiatement que Jacob, par exemple, avait été très anciennement, et sans doute simultanément, nom de tribu, nom d'un dieu, et nom de ce même dieu considéré comme l'ancêtre de la tribu, tout cela sans qu'on puisse voir certainement, entre ces représentations, quelles sont celles qui ont précédé les autres; que la signification divine du nom, en stade ultérieur, s'était oblitérée, l'ancien nom divin restreint à la désignation du peuple, et, dans une autre direction, le dieu réduit à la condition d'un héros légendaire, dont une fonction importante consistait à avoir «< découvert » un lieu sacré et fondé un culte ; qu'en fin de compte, le nom héroïque était arrivé à pouvoir appartenir à des hommes véritables. Tout cela subsistait, inextricable

1. Israeliten, p. 250.

ment mêlé, lorsqu'arrivèrent les Israélites, dont les emprunts, qui visaient surtout les légendes de fondations et de fondateurs de sanctuaires, englobèrent en même temps des éléments très divers de toute la tradition locale; et après qu'une version israélite des légendes eût été constituée, elle fut remaniée et amendée, en nombre de places, aux stades successifs de rédaction des livres. On comprend que pour retrouver l'histoire du Jacob et de l'Isaac qui nous sont transmis de la sorte, il fallut du temps et de la peine, et que le travail d'analyse ne soit pas complètement achevé, peut-être, à l'heure actuelle.

IV

ELABORATION DES FIGURES CANANÉENNES: LA TRIBU, L'ÉPONYME DIVIN ET HUMAIN, LE VIEUX DIEU RÉDUIT A LA CONDITION HÉROÏQUE.

Ed. Meyer a résumé, en 1906, l'histoire de ses variations anciennes en la matière1, parallèlement au développement de divers travaux. Ayant cru d'abord, après Nöldeke et nombre d'autres, que Jacob, Isaac, etc., étaient d'anciens héros, dérivés de figures primitives de dieux, il fut conduit, par la considération du Jacob-el et du Joseph-el précités de la liste de Thoutmès III, noms de lieux ou de tribus, à admettre que les formes Jacob, Joseph, et aussi Isaac, provenaient de l'abréviation des formes complètes en -el, et ainsi représentaient également des noms de tribus ou de lieux; ce qui se rencontrait, à peu près, avec l'idée déjà proposée par Stade, que Jacob et Isaac étaient d'anciennes tribus éteintes. Meyer n'avait plus considéré comme figure divine, dès lors, que celle d'Abraham. Mais cette vue restreinte fut obstinément combattue par Bern. Luther, dont les travaux finirent par convaincre Meyer de la nature divine de Jacob et d'Isaac de la forme primitive. Ainsi revenu à la théorie antérieure à 1886, il devait s'y tenir désormais2.

1. Meyer. Israeliten, p. 249-250.

2. Voir Ed. Meyer, Gesch. des Altertums, I, II, 3e éd. (1913), § 308.

1

En fin de compte, d'ailleurs, Meyer se borne à considérer que la tribu et le dieu portent le même nom. Il note que Jacob, Isaac, Joseph « étant des noms de dieux, on comprendrait par là même qu'ils fussent en même temps en liaison particulièrement étroite avec des tribus, voire comportassent le caractère de noms de tribus 1», et encore que «< sur la liaison étroite qui unit le dieu de la tribu avec ses gens, repose la possibilité d'avoir donné à la tribu ou à sa résidence urbaine des noms comme Isma-el, Ierachm-el, Isra-el, Jacob-el, Iabn-el, dans lesquels la bénédiction conférée par le dieu s'exprime sous la forme d'une définition caractéristique de son nom ou plutôt de sa nature : il entend, il a pitié, il dispute, il ruse, il fait bâtir2. >> On peut admettre cela, bien que le fait invoqué de << liaison étroite » ne suffise pas tout à fait à expliquer comment le nom du dieu aura passé à la tribu, ou le nom de la tribu au dieu. Encore moins voit-on quel était l'objet que tout à fait primitivement le nom désignait, si c'était le dieu ou si c'était la tribu. Toutefois, l'homonymie une fois acquise, on aperçoit le mécanisme d'une sorte de régularisation, consistant à considérer et à désigner les gens de la tribu comme fils » du dieu homonyme, obtenant ainsi, pour le peuple, un nom de forme complète dont il nous est témoigné par quelques exemples, Beni Iakob à côté de Iakob tout court, Beni Israel à côté d'Israel, Beni Kalbel avec Kalbel, Beni Hamor avec Hamor. Par où l'on voit que le dieu apparenté avec la tribu, à l'origine, était promptement arrivé à être regardé comme son ancêtre.

Presque partout,d'ailleurs, Beni est tombé ou a toujours été omis, et le nom de l'ancêtre divin en -el sert directement à représenter le peuple. De plus, le composant final -el peut être supprimé (ou sous-entendu); on connaît un certain nombre de cas où le nom de peuple de ce type est conservé sous les deux formes, celle qu'on pourrait appeler la radicale, à côté de la forme développée en -el :

1. Meyer, Israeliten, p. 252.

2. Meyer, ib., p. 297.

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