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aucune désignation divine, font voir que la tribu pouvait être nommée sans qu'il y intervînt aucune notion divine ou déduction religieuse. Conviendrait-il de généraliser, d'induire que toujours le nom du clan a précédé le nom du dieu et l'idée du dieu, et qu'ainsi, non seulement Kaleb et Irham sont antérieurs à Kalb-el et Irham-el, mais encore que ce Kaleb et cet Irham, avant d'être des dieux, ont été de simples tribus ? Nous n'en savons rien au juste ; et il n'est point évident que l'acte de dénommer un clan, aux premiers jours des organisations humaines, soit antérieur aux conceptions divines proprement dites. Il est de simple prudence, ici, de continuer à considérer que Irham, ou Iakob, ou Raou, si tant est que ces formes simples ont existé avant les formes complètes en -el, ont pu désigner, dès l'origine, le dieu en même temps que le peuple.

Répétons, d'ailleurs, que el peut tomber, et que dans le nom de peuple, la spécification explicite Beni est en quelque sorte facultative. En fin de compte, les quatre formes s'emploient conjointement et dans la fonction pareille, Beni Kalb-el et Kalb-el, Beni Kaleb et Kaleb primordial; on possède Beni Isra-el et Isra-el, Iakob-el, Beni Iakob et Iakob, Beni Hamor et Hamor, Ioseph-el et Ioseph, Iptah-el et Iptah, Iabn-el et Iabne.

Les noms ainsi arrêtés dans cette forme multiple, on les trouve, ou bien spécialisés comme noms de villes, ou bien désignant des peuples ou tribus, et dans ce dernier cas, en même temps, l'éponyme de la tribu, tenant une place plus ou moins grande et chargé de fonctions plus ou moins complexes dans la généalogie et la légende. Pour nommer un personnage de cette catégorie, on emploie souvent la forme développée en -el, mais la figure n'en est pas moins devenue. toute humaine, notamment dans les généalogies: Isma-el, les Araméens Betou-el et Kemou-el, l'Edomite Raou-el, Imou-el fils de Siméon. De manière générale, le caractère divin que les noms du type Isma-el et Kalb-el comportaient à l'origine est, extrêmement oblitéré ou tout à fait détruit dès une époque très ancienne. Un exemple particulièrement

frappant du phénomène nous est fourni par le cas d'Israeltribu, qui aux tout premiers jours de sa formation nationale, au désert, a complètement oublié le dieu Isra-el des anciennes phases de l'évolution du nom, au point d'adopter un dieu tout différent Iahve1, celui même peut-être du sanctuaire de Kadesh près duquel s'étaient arrêtés les nomades.

Par ailleurs, en Egypte, nous avons le bonheur de trouver des monuments qui permettent d'assigner une date à laquelle cette évolution du vieux nom tribal et divin était déjà arrivée à son terme, et le caractère divin du nom tellement oublié, qu'il ne représentait plus seulement des personnages de légende, mais appartenait aussi à des hommes, à des personnalités réellement vivantes. Nous avons cité plusieurs fois, ci-avant, Iakob-el et Ioseph-el dans la liste palestinienne de Thoutmès III, vers 1500 av. J.-C.; ce sont des noms de peuples, qui rentrent dans les séries de l'évolution telle que nous l'avons analysée, dernier stade. Mais voici que nous n'avons pas envisagé encore. A l'époque dite des « Hyksôs », vers 1700-1650 av. J.-C., on trouve en Egypte, sur de nombreux scarabées-sceaux du type caractéristique des petits monuments asiatico-égyptiens de cette période, des personnages, des chefs de clans immigrés qui s'appellent Iakeb et Iakeb-ar (ou -er), transcriptions exactes du Iakob hébreu qu'on possède et de son développement restitué Iakob-el. Les Sémites qui portent ces noms s'arrogent en Basse Egypte, dans quelque principauté minuscule, la qualité pharaonique, s'intitulent << Fils du Soleil », et l'un des ces Iakeb-er, entourant son nom du cartouche ovale, affiche en outre un nom solaire du type des titulatures pharaoniques authentiques et complètes, Merousirre: par où l'on voit en toute certitude que ces

1. Le nom de Iahve est une forme verbale en I- comme Isma, Iakob, Iabne, etc.; le sens, comme on sait, paraît être « Il souffle «. Le développement Iahve-el semble ne pas s'être formé. On croirait volontiers que Jahve, comme les autres noms construits de même, a été primitivement le nom d'un clan, mais on conçoit que nulle trace du fait n'ait pu subsister dans le texte.

2. Recueil des inscriptions et discussion dans Weill, La fin du Moyen Empire égyptien, p. 184-7, 790-1, 858-9. - L'égyptien écrit quelquefois Iapek ou Iakeb, et l'on trouve aussi Iapek-her et lakeb-her, au lieu de la forme en -er la plus fréquente,

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Noms de piples ou tribus :

Irham et Ierah -el (texte biblique).

Iakob (texte biblique) et Iakob-el (listes de Thoutmès III et de Ramsès II).

Ioseph (texte biblique) et Ioseph-el (liste de Thoutmès III). Kaleb et Kalb-el (texte biblique).

Noms de villes :

Iptah et Iptah-el (texte biblique).
Iabne et Iabn-el (texte biblique).

Il est généralement admis que la forme complète en -el est la régulière, la radicale employée seule étant une apocopée de sens équivalent. Observons, cependant, que dans le cas celui de presque tous les noms du tableau qu'on vient de voir

où le premier élément est une forme verbale en I-, la forme simple Irham, Iabne, « Il compatit », « Il fait construire », donne grammaticalement un sens aussi parfaitement complet que le complexe Irham-el, Iabn-el, « Dieu compatit », « Dieu fait construire »; tout à fait de même d'ailleurs, que lorsque ce premier élément du nom est une forme verbale de catégorie grammaticale différente, comme on l'observe en Nathan, « Il a donné », à côté de Nathan-el, « Dieu a donné ». Cela donne lieu de se demander si la forme primitive du nom ne serait pas la forme simple, Irham « Il compatit », etc., définition de la personne, du dieu ou du peuple nommé, la forme complète avec -el résultant d'un développement de deuxième stade.

La même question se pose en termes plus pressants, peutêtre, lorsque le premier élément du nom en -el est, non plus une forme verbale, mais un substantif ou un adjectif, comme dans Raou-el, Betou-el, Kemou-el, Adab-el, et le Kaleb Kalb-el déjà cité, parce qu'alors la traduction de la phrase constituée par le nom est beaucoup moins certaine. A coup sûr, il est facile d'interpréter Raou-el « Ami de Dieu », Kalb-el « Chien de Dieu »; mais devant un nom tel que Gad-i-el, n'a-t-on pu

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comprendre « Dieu est mon bonheur »1, et l structure de cette apposition n'est-elle pas confirmée par fait que, d'autre part, Gad est un nom de divinité locale, et qu'ainsi l'on pourrait traduire, aussi vraisemblablement, « Mon Gad est Dieu » ou «< Dieu est mon Gad » ? Et si l'on fait ainsi, pourquoi ne point interpréter, de même, Raou-el par « Dieu est ami », ce qui laisserait entrevoir la possibilité d'une forme radicale et primitive Raou « Ami », nom d'un dieu et d'une tribu, dont la forme transmise, en -el, serait seulement un développement ?

Cette manière d'analyser les choses est extrêmement tentante dans le cas de l'un des noms considérés tout à l'heure, celui de Kaleb, le « Chien », qu'on connaît à l'état pur en même temps que sous ses formes développées Kalb-el, Beni Kaleb, Beni Kalb-el. Car un Kaleb « Chien » primitif, nom de dieu ou nom de tribu, en oubliant même toute indication de survivance totémistique, comme on a souvent essayé d'en retrouver dans ce domaine 3, serait simplement à ranger, s'il s'agit d'un dieu, à côté de ces cultes animaux ou à représentations animales dont on a les souvenirs dans le Iahvetaureau des temples de Bethel, de Dan et de Samarie, le serpent Nehustan de Jérusalem, conservé d'un vieux culte du Lévi primitif, le lieu sacré de Debora, l' « Abeille », à Bethel, un lieu sacré de Rachel, la « Brebis », vers le sud. Et s'il s'agit, pour ce Kaleb primitif, non d'un dieu, mais d'un peuple, on relève que nous connaissons d'autres clans nombreux à nom d'animal, les Beni Hamor et leur père Hamor, l' « Ane » de Sichem, le clan d'Akbor, la « Souris », chez les Edomites, des clans « Chameau », « Porc » et « Puce » en Israel, ainsi que des noms de personnes « Poisson », « Corbeau », « Loup », « Serpent» et encore une fois « Souris », dans les domaines. israélite, midianite et ammonite.

Les noms de ces dernières catégories, qui ne comportent

1. Nomb., XIII, 10. Cette vieille interprétation de Gesenius m'est obligeamment signalée par R. Dussaud.

2. Isaïe, LXV, 11.

3. Voir Meyer, Israeliten, p. 308-309.

aucune désignation divine, font voir que la tribu pouvait être nommée sans qu'il y intervînt aucune notion divine ou déduction religieuse. Conviendrait-il de généraliser, d'induire que toujours le nom du clan a précédé le nom du dieu et l'idée du dieu, et qu'ainsi, non seulement Kaleb et Irham sont antérieurs à Kalb-el et Irham-el, mais encore que ce Kaleb et cet Irham, avant d'être des dieux, ont été de simples tribus ? Nous n'en savons rien au juste ; et il n'est point évident que l'acte de dénommer un clan, aux premiers jours des organisations humaines, soit antérieur aux conceptions divines proprement dites. Il est de simple prudence, ici, de continuer à considérer que Irham, ou Iakob, ou Raou, si tant est que ces formes simples ont existé avant les formes complètes en -el, ont pu désigner, dès l'origine, le dieu en même temps que le peuple.

Répétons, d'ailleurs, que el peut tomber, et que dans le nom de peuple, la spécification explicite Beni est en quelque sorte facultative. En fin de compte, les quatre formes s'emploient conjointement et dans la fonction pareille, Beni Kalb-el et Kalb-el, Beni Kaleb et Kaleb primordial; on possède Beni Isra-el et Isra-el, Iakob-el, Beni Iakob et Iakob, Beni Hamor et Hamor, Ioseph-el et Ioseph, Iptah-el et Iptah, Iabn-el et Iabne.

Les noms ainsi arrêtés dans cette forme multiple, on les trouve, ou bien spécialisés comme noms de villes, ou bien désignant des peuples ou tribus, et dans ce dernier cas, en même temps, l'éponyme de la tribu, tenant une place plus ou moins grande et chargé de fonctions plus ou moins complexes dans la généalogie et la légende. Pour nommer un personnage de cette catégorie, on emploie souvent la forme développée en -el, mais la figure n'en est pas moins devenue toute humaine, notamment dans les généalogies: Isma-el, les Araméens Betou-el et Kemou-el, l'Edomite Raou-el, Imou-el fils de Siméon. De manière générale, le caractère divin que les noms du type Isma-el et Kalb-el comportaient à l'origine est, extrêmement oblitéré ou tout à fait détruit dès une époque très ancienne. Un exemple particulièrement

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