dération particulière, c'est que le service du temple d'Éléphantine se faisait exclusivement par la main des prêtres, constitués en caste, sans le concours de Lévites, comme l'ordonne la législation du Pentateuque. C'est là justement un trait singulièrement caractéristique du rite falacha qui ne connaît que trois classes cléricales : les prêtres, les clercs (Dabtaras) et les ermites; les Lévites brillent par leur absence. Voilà donc une analogie, passée inaperçue, entre l'organisation cultuelle des Falacha et celle des juifs d'Éléphantine. En face de ce groupe de similitudes, plus ou moins évidentes, entre la physionomie religieuse des Falacha d'une part, et celle des Esséniens-Thérapeutes et des juifs d'Éléphantine de l'autre, on arrive à se demander si le rameau abyssin, si longtemps détaché des autres israélites du monde, n'a pas jadis recueilli dans son sein, comme éléments constitutifs de son organisme ethnique, les épaves des autres branches juives sus indiquées, dont on a perdu la trace. En effet, on est curieux de savoir ce qu'est devenu l'Essénisme, éclipsé après un rapide essor. L'Ordre sombra-t-il complètement dans la terrible catastrophe de l'an 70 qui vit la ruine de la nationalité juive? L'Ordre des Thérapeutes aussi (s'il a réellement existé) a-t-il subi le même sort que son congénère palestinien, sans laisser aucun vestige? Même en admettant, comme on est tenté de le croire, que l'une et l'autre de ces deux confréries ont été partiellement absorbées par le christianisme naissant ou par d'autres sectes juives, (Ebionites etc.) il n'en est pas moins plausible que leurs débris, s'écoulant vers le sud, se soient infiltrés jusqu'en Abyssinie où, fondus avec d'autres éléments assimilables, ils ont pu exercer une action forte et féconde sur le terrain religieux et former la population qui se dit Falacha, c'es-tà-dire émigrante. La même question se pose au sujet des juifs d'Éléphantine dont on n'entend plus parler depuis la date de leurs papyrus et de leurs ostraca, et elle entraîne naturellement une réponse analogue à celle que nous venons de proposer pour les Esséniens et les Thérapeutes. Expliquons-nous : On sait que la révolution contre le régime perse qui éclata l'an 411-12 (av. J.-C.) et qui a demandé des années pour être étouffée, mit fin à l'espoir de cette communauté de voir son Agora (sanctuaire) reconstruit. Elle eut alors quelque chose de plus pressant à faire, elle avait à penser à son salut. Si elle n'a pas été exterminée, dès le début, sur l'instigation des prêtres fanatiques de Hnoub, leurs ennemis implacables, elle a dû chercher un refuge dans la région plus hospitalière de l'Éthiopie, où une partie s'est définitivement établie, tandis qn'une autre fraction a peut-être réintégré Éléphantine, lors de l'établissement de la dynastie des Ptolémées en Égypte. Voilà l'impression qui d'après nous se dégage des prémisses ci-dessus exposées. Comme corollaire de cette hypothèse, résulte la solution d'un double problème littéraire concernant les Falacha, à savoir la Bible, dit-on, a été traduite en guéez d'après la Septante. Mais, qui est l'auteur de cette traduction? Puis, on voit figurer dans leur littérature un grand nombre d'apocryphes dont on ignore les importateurs. Sur le premier point, on peut supposer que la version biblique en ethiopien a été faite par l'intermédiaire des Esséniens ou, plutôt des Thérapeutes immigrés. Quant à l'introduction des livres extra-canoniques parmi les Falacha déjà, d'après les fragments de papyrus égypto-araméens, connus depuis assez longtemps, on concluait à l'existence en Égypte d'une sorte de littérature apocryphe en langue araméenne. Dans l'hiver 1886-1887 ont été découverts à Akhmin, près de Girgeh, dans la Haute-Égypte, des fragments du livre d'Enoch en grec, suivie de près par la version éthiopienne du même apocryphe'. Plus tard (depuis 1901), les découvertes d'Éléphantine nous ont dotés, pour la première fois, de morceaux d'un roman dont le héros est un sage nommé Achikar. L'assemblage de ces données nous autorise, me semble til, à faire figurer les juifs d'Éléphantine parmi les rouliers de cette littérature extra-biblique et pseudoépigraphique dont l'Abyssinie fut de bonne heure inondée. Nous voilà arrivés à la fin de notre échafaudage hypothétique dont je suis le premier à reconnaître le peu de solidité. Cependant, vous me permettrez, je l'espère, d'invoquer à ce propos une autorité qui n'est pas déplacée dans cette société. Pour des sujets, pareils à celui que je viens de traiter et qui ne peuvent pas prétendre à une précision mathématique, Ernest Renan a énoncé, dans la préface de la Vie de Jésus, un principe dont on peut se prévaloir: « Il ne s'agit pas (dit-il) de savoir comment les choses se sont passées, mais de 1) Mémoires publiés par les membres de la mission archéologique française du Caire, t. IX, 1r fascicule, 1892, pp. 93-136 (U. Bouriant). se figurer les diverses manières dont elles ont pu se passer. » Puis, dans son Histoire du peuple d'Israël, il nous invite à supposer les marges semées à profusion de peut-être, si nous trouvons qu'il n'y en a pas suffisamment dans le texte. La parole est donnée à M. Pommier qui lit des Notes inédites d'Ernest Renan sur les commentaires des livres sacrés relevées par lui dans le volume 11481 des manuscrits du Fonds Renan à la Bibliothèque Nationale. Ces Notes sont publiées dans le n° de Novembre-Décembre 1921 de la Revue de l'Histoire des Religions. M. Dussaud présente un petit bronze syrien récemment acquis par le Musée du Louvre et examine les diverses interprétations qui en ont été proposées, notamment celle qui en fait une représentation de Nebo-Apollon, MM. Pottier et Cumont présentent des observations. La séance est levée à 6 heures 1/4. TABLE DES MATIÈRES DU TOME QUATRE-VINGT-QUATRIÈME ARTICLES DE FOND F. Macler. D'une « Légende dorée » de l'Arménie. E. Vussel. Les animaux exceptionnels des stèles de Carthage. Clermont-Ganneau. Notes d'épigraphie syrienne Pages. 1 36 77 108 J. Pommier. Notes inédites d'Ernest Renan sur les commentaires des 208 G. Huet. Une légende religieuse du Moyen-Age: Le Roman de saint 230 P. Masson-Oursel. La physiologie mystique de l'Inde. 252 P. Alfuric. Les Écritures manichéennes (Eug. de Puye). J. Kolmodin. Traditions de Tsazzega et Hazzega (M. Colen) 283 E. Laoust. Mots et choses berbères (Henri Basset) 153 P. Marty. Etudes sur l'Islam au Sénégal (René Basset). 145 A. Meillet, Linguistique historique et linguistique générale (M. Cohn). 267 R. A. Nicholson. Studies in islamic mysticism (Cl. Huart). Rendel Harris. Testimonies. II (Ch. Guignebert). . 131 V. Weber. Des Paulus Reiserouten bei der zweimaligen Durchquerung 11. Notices bibliographiques. Pages. 290 171 Almanach catholique français pour 1922 (A. Houtin). . 286 Ch. Corbière. Le christianisme et la fin de la philosophie antique (Ch. Guignebert). . 165 Ch. Corbière. Quid de (iræcis sæculo secundo senserint christiani apologeta (Ch. Guignebert) . 165 Ch Filliatre. La Philosophie de saint Anselme (P. Alphandéry). M. Gaudefroy-Demombynes. Les institutions musulmanes (René Basset). Th. Hopfner. Ueber die Koptisch-sa'idischen Apophtegmata Patrum aegyptiorum (G. Ort) 167 . 166 288 289 168 168 168 Th. Hopfner. Ueber Form und Gebrauch der griechischen Lehnwörter E. Lévi-Provençal. Notes d'hagiographie marocaine (René Busset) J. Vodoz, Roland. Un symbole (P. Alphandéry). A. J. Wensinck. The Etimology of the arabic Djinn (René Basset) A. J. Wensin k. Supplementary notes on the etymology of the arabic A. J Wensinck. The Ocean in the literature of the Western Semites CHRONIQUES par MM. R. Dussaud et P. Alphandéry. Enseignement de l'Histoire des Religions: à Paris en 1921-1922, p. 292; Conférences du Dimanche au Musée Guimet, p. 294; Le Certificat d'Etudes supérieures en Histoire des Religions à la Faculté des Lettres, p. 295; Généralités H. Cordier, Les relations entre E. Renan et G. Maspero, d'après leur correspondance (1878-1885), p. 179; G. Huet, Les vues d'un sociologue allemand sur l'histoire religieuse du peuple d'Israël rapprochées de celles de Renan, p. 197; Adresse envoyée au Général Gouraud au sujet des fouilles en Syrie, p. 207; L. Hautecœur, Le Soleil et la Lune dans les crucifixions, p. 299. 1 |