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tions (7), ni surtout une sculpture archaïque trouvée à Lusoi en Arcadie sur laquelle j'ai appelé l'attention en 1908 (8). C'est une image grossière, mais indubitable, d'Artémis équestre, qui confirme le témoignage de Pausanias sur l'association, à Phénéos en Arcadie, d'Artémos Hippia ou Heurippa à Poseidon Hippios. Toute divinité équestre a commencé par être une divinité chevaline, l'équitation n'ayant guère été en usage qu'à partir du vin° siècle. Ainsi la loi se vérifie une fois de plus. Mélanippe, le poulain noir, et Komaithô, la pouliche alezane, ont été sacrifiés, dans des moments de détresse et à titre exceptionnel, à une Artémis chevaline; ou, en termes du stage zoomorphique, la diviné chevaline, représentée en chair et en os dans un culte ionien, sous les espèces d'un poulain noir et d'une pouliche alezane, a été rituellement immolée quand le malheur des temps obligeait les habitants du pays à renouveler leur provision de force spirituelle, de sainteté, de ce qu'on appelle en Polynésie le mana.

Bien entendu, à l'époque dont je parle, sans doute bien antérieure aux parlers aryens et dont l'héritage religieux, appelé à être graduellement modifié, fut recueilli par les Ioniens, les Achéens et d'autres peuples qui ont un nom dans l'histoire à cette époque, dis-je, il y a un évident anachronisme à parler de l'Artémis homérique ; on ne le fait que pour la commodité du langage et parce que l'héritage religieux du plus lointain passé a été comme réparti entre les divinités olympiennes, au lieu d'être rejeté en bloc comme indigne d'elles. L'Artémis Triklaria est à la fois une Artémis, une Déméter et peut-être, puisqu'elle préside à la fécondité de la terre, l'union de deux principes mâle et femelle, comme le couple qui le personnifiait. C'est en tenant compte de cette considération essentielle qu'on voit un peu clair dans les légendes arcadiennes à fond zoomorphique où d'une part, à Phénéos, Poseidon Hippios est uni à Artémis, tandis qu'à Thelpuse c'est Déméter

(7) Jahrbuch des Instituts, 1912, p. 8 et suiv. (8) S. Reinach, Cultes, 1. IV, p. 59.

Erinys qui, sous l'aspect d'une cavale, accorde ses faveurs à Poseidon. Artémis, Déméter et Poseidon sont des noms donnés très postérieurement à des conceptions naturalistes primitives. La vieille religion de l'Arcadie nous montre un dieu-cheval et une déesse-cavale ; celle-ci a donné naissance au cheval Arion. Plus tard, avec le progrès de l'anthropomorphisme, nous avons la déesse de Phigalie à tête de cavale; plus tard encore, poulains et pouliches deviennent des dieux cavaliers, un dieu hippios et une déesse hippia; plus tard encore, sauf exceptions qui sont des survivances, il ne reste d'autres traces de la nature primitive des diviniés que leurs victimes favorites, leurs attributs ou leurs compagnons.

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En résumé, j'estime que Pausanias a recueilli l'écho affaibli, dénaturé par la poésie anthropomorphique, d'un vieux culte pré-aryen, ayant pour éléments essentiels un poulain noir dit par les Grecs Melanippos et une pouliche alezane, appelée par eux Komaithô. A diverses reprises, car il eût été difficile de renouveler un pareil sacrifice tous les ans Mélanippe et Komaethô étaient immolés, probablement mangés, mais au milieu de manifestations de respect et de deuil; Mélanippe et Komaitho recevaient une sépulture honorable qui était l'objet d'un certain culte et à laquelle restait attachée l'idée tenace que les ensevelis avaient été d'innocentes victimes. Lorsque l'anthropomorphisme occupa la place du zoomorphisme, que l'on s'habitua à sacrifier non par des divinités, mais à des divinités, on se prit à croire que Mélanippe et Komaitho avaient été sacrifiés à une déesse, que ce n'étaient pas des animaux, mais un jeune couple humain, que la déesse vierge qui avait exigé leur mort avait puni en ce jeune homme et cette jeune fille manquement sacrilège à la chasteté. Une fois admise l'idée qu'avant la guerre de Troie cette déesse demandait des victimes humaines, il fallait que les exégètes pussent expliquer pourquoi on n'en sacrifiait plus, et c'est à quoi pouvait répondre, comme je l'ai montré, la seconde partie de la légende sur

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l'arrivée du héros Euripyle et de la statuette de Dionysos enlevée à Troie.

De certitude, en pareille matière, il ne saurait évidemment être question, puisque le détail de l'évolution des rites et des croyances nous échappera toujours ; j'aime pourtant croire qu'à la différence de Pausanias, racontant comme de l'histoire positive la légende cultuelle d'Aroé, je ne fais pas un appel trop impertinent à la crédulité de mes lecteurs.

Salomon REINACH.

La préparation évangélique

Sous le titre de «< Préparation Evangélique », Eusèbe de Césarée nous a laissé un ouvrage classique, destiné à établir que l'ancien judaïsme était déjà une sorte de christianisme anticipé. L'« Evangile » est pris là dans le sens le plus large, comme la somme des doctrines professées par le Christ et acceptées par les chrétiens. D'autre part, la « préparation >> dont il est parlé à son sujet, nous est donnée comme une série de miracles divins, dus à l'action d'une Providence très sage.

I У aurait sous le même titre, un beau livre à écrire, à la fois plus positif et plus précis. Prenons l'Evangile au sens le plus usuel du mot, comme un récit suivi de la Vie du Christ C'est surtout de ce point de vue que nous pourrons affirmer, et sans postuler le moindre miracle, qu'il a été préparé au sein du judaïsme. Une étude attentive nous montrera, en effet, que ses matériaux sont empruntés à l'Ancien Testament.

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Les Evangélistes eux-mêmes donnent assez nettement à entendre qu'ils exploitent des thèmes traditionnels empruntés à la Bible. Marc, le plus ancien d'entre eux, ouvre son récit par ce titre révélateur: « Commencement de l'Evangile de Jésus Christ » et Matthieu par cet autre, qui lui ressemble :

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« Généalogie de Jésus Christ ». Luc fait dire aux bergers de Bethléem : « Il vous est né un Sauveur, qui est le Christ »> (II, 12). Enfin, Jean termine son livre par une remarque encore plus suggestive : « Ces choses ont été écrites pour que vous croyiez que Jésus est le Christ» (XX, 31). Or, ce dernier mot, transcription abrégée du grec « Christos »>, qui correspond à l'hébreu « Massiah »>, ou Messie, et qui, comme lui, veut dire «<oint », a ici une signification très nette. C'est un terme technique dans lequel se condensent des croyances fort vieilles. Pour les Evangélistes, comme d'ailleurs pour les premiers chrétiens et pour les juifs de la même époque, il désigne l'Oint de Jahvé, le Roi idéal qui a été prédit par les Prophètes. En présentant Jésus comme le Christ, ses biographes se réfèrent donc implicitement aux anciens oracles messianiques. Ceci déjà nous invite à penser qu'ils les auront pris plus ou moins pour modèles au cours de leur récit.

Une étude attentive des textes vient confirmer cette première impression. Prenons d'abord l'Evangile selon Marc, puisque l'on s'accorde assez communément à le regarder comme le plus ancien. Dès le début, il invoque un double oracle dont la suite va montrer la réalisation. Il rappelle que Dieu a dit jadis en s'adressant au Christ: « Voici, j'envoie devant toi mon messager qui préparera ton chemin. C'est la voix de celui qui crie dans le désert: « Préparez le chemin du Seigneur... » Puis il ajoute que, « selon ce qui est écrit », «Jean parut dans le désert... et il prêchait disant : Après moi, vient celui qui est plus puissant que moi... » (I, 2-4). Il est clair que la présentation du personnage est calquée sur l'annonce qui se lit dans les textes bibliques. Un tel début est significatif. Il montre que la première source de l'Evangile est l'Ancien Testament.

Plus loin, Marc met en scène les représentants officiels du judaïsme qui reprochent aux Apôtres de manger avec des mains impures, contrairement à la tradition des anciens.

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