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J. VAN DER LEEUW.

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Einleitung in die Phaenomenologie der Religion in Christentum und Fremdreligionen, collection éditée par FRIEDRICH HEILER, petit 8°, p. 161, Ernst Reinhardt, München, 1925.

Sous le titre un peu ambigu d'« Introduction à la Phénomenologie de la Religion » (le terme de phäenomenologie fait, en effet, penser soit à Hegel, soit à Husserl, avec les doctrines desquels le travail M. van der Leeuw n'a rien de commun), M. van der Leeuw, professeur d'histoire des religions à l'Université de Groningue, donne une courte mais très substantielle « Introduction générale à la science des religions ». Ce n'est ni une esquisse d'histoire des religions, ni une esquisse de psychologie religieuse (du moins si l'on entend par « psychologie religieuse » une science cherchant à expliquer la genèse et la formation des sentiments religieux) mais un essai d'analyse purement descriptive des principaux «< phénomènes » de la vie religieuse d'où le nom de Phénomenologie que M. van der Leenw a adopté, se couvrant d'ailleurs par l'exemple et l'autorité de Chantepie de la Saussaye.

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Dans une série de petits chapitres, M. van der Leeuw décrit et analyse, ou si l'on veut, ce qui à notre avis revient au même, donne des définitions descriptives des principaux concepts employés par les sciences des religions (p. e. Mana, Tao, Animisme, le Sauveur, les démons et les anges, polythéisme et panthéisme, le concept de sainteté (sacré), Magie, Culte, Mystique, etc., groupés en trois rubriques prinicpales: Dieu, l'Homme, Dieu et l'Homme. A chacune de ses analyses (purement descriptives car M. van der Leeuw se refuse à toute explication, aussi bien qu'à tout jugement de valeur) illustrée d'exemples bien choisis, l'auteur ajoute une bibliographie des principaux ouvrages concernant les questions traitées. On y est assez désagréablement surpris de voir M. van der Leeuw négliger presque systématiquement la littérature française. Même dans un ouvrage destiné au public allemand, même dans un livre destiné au grand public, cette exclusion semble assez surprenante. Quoi qu'il en soit, le livre de M. van der Leeuw remplit pleinement le but que son auteur s'était proposé : c'est, en effet, une bonne introduction générale, de bonne tenue scientifique, acessible à tout lecteur cultivé et intéressante même pour le spécialiste. A. K.

H. DUBOIS. De Kant à Ritschl. Un siècle d'histoire de la pensée

chrétienne. Mémoires de l'Université de Neuchâtel, tome quatrième, 8°, p. 115. Neuchâtel, 1925.

Un petit livre utile et fort bien fait. M. Dubois, professeur de théologie à l'Université de Neuchâtel, y fait l'essai d'exposer en quelques pages, peu nombreuses mais bien nourries, l'histoire de la pensée religieuse des grands philosophes de l'Allemagne ainsi que celle de la pensée philosophique de ses grands théologiens, histoire généralement si peu connue en France. Il a, à notre avis, pleinement réussi. Son exposé, si bref qu'il soit, est clair et net, et est toujours accompagné de citations nombreuses et bien choisies.

M. Dubois a parfaitement raison, nous semble-t-il, d'attirer l'attention sur l'importance et la valeur de l'œuvre d'un Rothe, d'un Dorner, d'un Baur, sans parler de celle d'un Schleiermacher ou d'un Ritschl. Il a, en général, parfaitement raison aussi d'insister sur le caractère religieux et le sens religieux de la philosophie allemande, sur les liens intimes, profonds et indissolubles qui rattachent en Allemagne (est-ce en Allemagne seulement?) la spéculation philosophique à la pensée religieuse.

On aurait pu aller plus loin même que ne le fait M. Dubois et montrer dans les doctrines des philosophes et des théologiens du xix° siècle les traces non méconnaissables de la grande tradition mystico-religieuse de l'Allemagne. C'est de Schelling et de Baader (il est regrettable que M. Dubois ait négligé d'analyser la doctrine et le rôle de ce penseur curieux; peut-être a-t-il voulu se borner aux seuls penseurs protestants) que procèdent Rothe et Dorner, et c'est aussi sous l'influence directe de la pensée des hétérodoxes du xvi et du xvn siècle, de Schwenkeld, de Weigel, et surtout de Jacob Boehme qu'ils se sont formés.

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'Mais nous n'allons point chicaner M. Dubois sur ce qu'il n'a pas fait il faut lui être reconnaissant de ce qu'il a fait. Tel qu'il est, son livre comble une lacune et peut rendre de grands services. Il pourrait en rendre de plus grands encore si l'auteur avait bien voulu diviser son texte en chapitres et y joindre une table des matières ainsi qu'un index.

Signalons en passant une petite erreur bibliographique M. Dubois dit (p. 28) qu'il ne connaît en français aucune exposition de

la doctrine de Schleiermacher. Or, il existe une thèse de M. CRAMAUSSEL, La philosophie religieuse de Schleiermacher, Paris, 1908.

JEAN BARUZZI.

A. K.

Aphorismes de saint Jean de la Croix, Paris

(de Boccard), 1924, in-8°, xxiv-78 p. et 3 pl. Prix: 10 fr. JEAN BARUZZI. — Saint Jean de la Croix et le problème de l'expérience mystique, Paris (Alcan), 1924, vп-790 p. Prix: 40 fr. Avez-vous lu saint Jean de la Croix? Voici un texte très court et très dense qui résume excellemment l'ensemble de son œuvre. M. Jean Baruzzi le publie d'après le manuscrit autographe conservé en l'église de Santa Maria la Mayor d'Anduyar. Il l'accompagne d'une traduction soignée et il le fait suivre de notes nombreuses qui en soulignent les idées directrices. Dans une introduction substantielle, il a commencé par étudier l'origine du manuscrit et celle du programme mystique qui s'y trouve esquissé. Le volume a été présenté à la Sorbonne comme thèse secondaire de doctorat èslettres.

La thèse principale était représentée par une étude très ample et très documentée, d'une originalité vigoureuse, consacrée à saint Jean de la Croix. M. Baruzzi fait d'abord le bilan des << textes >>> publiés sous son nom, puis il groupe tous les renseignements qu'on peut obtenir sur sa « vie », il consacre une étude aprticulière à son « expérience mystique » et surtout il s'applique à dégager les gran'des lignes de sa « synthèse doctrinale ».

Lui-même nous donne à entendre, au terme de sa préface, que ce qui l'intéresse en cet effort intime d'une âme éprise de perfection, c'est sa «signification métaphysique ». On s'en serait aperçu au cours de tout l'ouvrage. M. Baruzzi pense et écrit en métaphysicien. On pourrait presque dire en théologien, tant il s'est assimilié le sujet dont il traite. A travers toutes ses pages, il montre une admiration très franche et tenace non seulement pour saint Jean de la Croix mais pour son œuvre doctrinale. Il n'en fournit pas moins aux historiens étrangers à toute théologie et à toute métaphysique des renseignements nombreux du plus grand intérêt, qui leur suggèreront des réflexions moins transcendantes et moins révérencieuses. Remarquons d'abord que les écrits du moine castillan ont été

en grande partie détruits, soit par des adversaires de sa réforme, qui, un jour, firent main basse sur ses papiers pour ne plus les lui rendre, soit par des amis soucieux de ses intérêts, comme cette Carmélite, qui, « dépositaire de nombreuses lettres, que les religieuses regardaient comme des épîtres de saint Paul, et de cahiers spirituels très élevés », formant « un sac plein », brûla le tout, par ordre, «< comme les procès étaient si grands alors, ... afin que cela ne tombât pas au pouvoir du visiteur ». Les grands traités qui nous restent de lui, la Montée du Mont Carmel et la Nuit obscure ont subi de vastes mutilations en même temps que des interpolations fâcheuses et ne représentent plus, selon la forte expression de M. Baruzzi, qu'un « paysage dévasté ». Ses principaux poèmes, le Cantique spirituel et la Vive flamme d'amour, ont été mieux conservés, mais à chacun d'eux on a essayé de substituer une rédaction apocryphe qui en atténuait les hardiesses. Les éditions ont aggravé le mal en s'éloignant encore davantage du texte primitif. Déjà, au xvir siècle, un Carme déchaussé le déclarait sans ambages : « les œuvres que le Carmel a publiées ne sont pas, à parler rigoureusement, les œuvres que le saint a composées », elles ne méritent qu'une «< infime autorité ». Le cas, si choquant qu'il soit pour nous, n'a rien en soi de bien extraordinaire. On peut l'observer pour maints autres mystiques. C'est que tous, même et surtout les plus grands, versent plus ou moins, par leur nature même, dans l'hétérodoxie. A force de ne plus voir que Dieu, ils inclinent fatalement vers le panthéis me et l'Eglise ne peut les maintenir dans les cadres de la foi commune qu'en leur faisant violence.

la

La vie de saint Jean de la Croix donne lieu à des réflexions analogues, Sur beaucoup de points, les hagiographes ont « complètement ignoré ou déformé les faits ». Ils sont à peu près muets sur famille de leur héros, sur son enfance, sur sa première formation, sur tout ce qui pourrait expliquer sa formation mystique. Ils évitent de mentionner les études faites par lui à l'Université de Salamanque, de 1564 à 1568, dans les années qui suivirent son entrée au Carmel. Ils parlent des oppositions recontrées par lui au milieu de son ordre, après l'adoption de la réforme de sainte Thérèse, mais seulement en termes vagues, pour faire voir la sainteté dont il fit preuve en ces circonstances pénibles. Nous aimerions bien mieux savoir ce que pensaient de lui les opposants, quels jugements por

taient sur lui ces Carmes chaussés de l'ancienne observance qui le tinrent emprisonné pendant neuf mois, en 1578, à Tolède, dans un cachot étroit et obscur, à peine suffisant pour sa petite taille et qui chaque jour le faisaient comparaître devant eux pour lui donner à la ronde la discipline et l'accabler d'insultes. Que disaient surtout ses frères du Carmel réformé, qui, après la mort de sainte Thérèse, menèrent contre lui une campagne ardente et qui, finalement, en un chapitre de 1591, l'ayant dépouillé de toute dignité comme de toute charge, lui donnèrent l'ordre de se retirer en un lieu désert, où il devait bientôt mourir? Peut-être le témoignage de ces opposants nous amènerait-il à nous faire de lui une idée fort différente de celle qui a prévalu chez les hagiographes et de celle même que M. Baruzzi nous présente, en utilisant de son mieux les maigres documents dont il dispose. Une pièce du procès de béatification donne d'ailleurs à penser, comme l'expose son nouveau biographe, que, s'il eût vécu plus longtemps, il eût été victime des attaques qu'auraient dirigées contre lui les historiens officiels de son ordre. Au lieu de prendre rang parmi les saints, il eût risqué alors d'être inscrit sur la liste des auteurs dangereux.

M. Baruzzi ne s'intéresse à sa vie qu'en raison de « l'expérience mystique » qui s'y devine. Il est bien obligé de constater que saint Jean de la Croix n'en dit rien et s'exprime toujours avec l'impersonnalité d'un scolastique. Mais il prétend que ses œuvres, ses poèmes surtout, se présentent à nous comme des traductions symboliques d'états d'âmes très personnels où les traditions des écoles ne jouent à peu près aucun rôle. Est-ce bien sûr? M. Baruzzi a luimême noté précédemment que saint Jean de la Croix offre beaucoup d'affinités, non seulement avec le pseudo-Denys, qu'il cite expressément, mais encore avec Tauler et Ruysbroeck, qui ont été les premiers maîtres des mystiques castillans, et aussi avec les « Illuminés » de son temps, qui groupaient dans sa propre région des cercles très vivants. Les ressemblances ne portent pas seulement sur des principes abstraits ou de vagues tendances mais sur des détails précis et caractéristiques. Elles ne peuvent s'expliquer par un simple hasard ou par une harmonie préétablie. Même en admettant que saint Jean de la Croix a réalisé tous les états dont il parle, on peut donc affirmer qu'il en a emprunté l'idée première à ses maîtres

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