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et terrible de l'imprécation. Il est, dès lors, tout naturel qu'un malade demande à être délivré de la main de ses ennemis et de ses persécuteurs (31, 16) et que cette requête soit bien plus fréquente, dans les supplications mises dans la bouche d'un malade, que la demande directe de guérison. Il est naturel aussi qu'il ajoute parfois à sa prière une malédiction contre ceux qui l'ont maudit, c'est-à-dire qu'il retourne leur arme contre ceux qui l'ont mis, par leurs imprécations, dans l'état où il se trouve (109, 17-20. 28-29).

On comprend aussi pourquoi les ennemis des psalmistes sont représentés avec insistance comme se servant de leur langue, de leurs lèvres, de leur parole pour nuire (1); ce sont des hommes de langue » (2), des « langues perfides >> (3)

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<«< langue mauvaise » était un des termes par lesquels les Babyloniens désignaient le sorcier.

Ils ont, du reste, recours aussi à toutes sortes de gestes maléfiques ils clignent de l'œil (4), frappent du pied (5), font des signes avec les doigts (6), soufflent sur leurs adversaires (7), s'enduisent de graisse (8).

Ils sont très souvent qualifiés de pô' alê 'âwèn, expression que nos vieilles traductions rendaient «< ceux qui font métier de l'iniquité », mais qui, d'après M. Mowinckel, signifiait originairement «< ceux qui exercent la puissance » — la puissance spirituelle, occulte, ici en mauvaise part: ceux qui l'exercent indûment, les sorciers. 'Awèn serait, en effet, le même mot que 'ôn, puissance (primitivement 'aun). Dans beaucoup de nos psaumes, pense M. Mowinckel, l'expression a conservé son sens primitif, tandis que, dans d'autres, elle

(1) Ps. 10, 7; 36, 4; 41, 6.9; 52, 4-6; 57, 5; 59, 8.13; 64, 4-6.9; 94, 4; 140, 2-6, etc...

(2) Ps. 140, 12; le « maître de langue » était le charmeur (Eccl. 10, 11).

(3) Ps. 52, 6; 120, 2-3.

(4) Prov. 6, 13; 10, 10.

(5) Prov. 6, 13.

(6) Prov. 6, 13; Es. 58, 9.

(7) Ps. 10, 5; 12, 16, peut-être 27, 12 et 119, 53.

(8) Job 15, 27. C'est la règle chez les sorciers betsiléos, à Madagascar (communication orale de M. P. Buchsenschutz, missionnaire).

est déjà prise dans une acception très atténuée : « ceux qui font le mal »; le passage d'une signification à l'autre était facile, le sorcier étant le type de l'être malfaisant (1).

Ces psaumes de supplication devaient être, en Israël, exécutés au cours d'une cérémonie accomplie dans le Temple (5, 8; 63, 2-4) et comportant des rites de purification.

M. Gunkel a depuis longtemps déjà signalé ce vers d'un psaume de détresse bien connu (51, 9):

Ote mon péché avec l'hysope et je serai pur.

Et il en a conclu avec raison que cette prière accompa'gnait anciennement un geste du prêtre aspergeant le suppliant au moyen de la branche d'hysope qui faisait office de goupillon.

Une autre pièce analogue semble faire allusion à une ablution suivie d'une ronde sacrée avec chant de psaume:

Je lave mes mains dans l'innocence

et je fais le tour de ton autel, Yahvé, En faisant retentir des chants de louange et en racontant tes merveilles (2).

On devait, dans cette cérémonie, offrir un sacrifice expiatoire. M. Mowinckel le déduit du texte de la loi sur le « sacrifice pour le péché ». Le coupable, y est-il dit, doit l'offrir lorsqu'il s'aperçoit de sa faute parce qu'« il en porte la peine» (Lév. 5, 1; 7, 18), c'est-à-dire lorsqu'il est atteint de quelque malheur ordinairement ce devait être une maladie, qui lui fait connaître qu'il a offensé Dieu par quelque manquement.

Au cours de cette cérémonie le suppliant recevait sans doute un signe marquant que Dieu agréait son sacrifice et accordait la grâce demandée. Ce signe devait être en général un oracle prononcé par un prêtre-prophète (Ps. 5, 4; 12, 6; 27, 8;

(1) Comparer, chez nous, maudire (sens magique) et médire (sens atténué). maléfique (sens magique) et malfaisant.

(2) Ps. 26, 6-7,

86, 17). Ainsi s'expliquerait le brusque passage de l'imploration désolée à la certitude joyeuse de la délivrance qui surprend dans tant de psaumes de détresse. C'est que, dans l'intervalle, le suppliant avait reçu, soit par l'oracle, soit simplement par le fait de l'accomplissement des rites, un gage divin d'exaucement (1).

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Si cette interprétation est exacte (et il faut reconnaître qu'elle a beaucoup pour elle), il y a lieu de reviser toutes les idées courantes sur l'antithèse des «< justes >> et des « méchants >> dans les Psaumes, ainsi que sur le sens à attacher au terme de « pauvres », les fameux « pauvres d'Israël », puisque par « méchants » les psalmistes auraient entendu d'ordinaire, non pas les membres d'un parti religieux et politique adverse, mais des sorciers, réels ou hypothétiques, et que «< pauvre » signifiait, en général, malheureux » (malade) ou bien « humble ». Nous ne pouvons suivre ici M. Mowinckel dans la discussion détaillée de cette question. Disons seulement qu'il aboutit à réduire sensiblement la part à faire, dans les Psaumes, aux conflits religieux et sociaux, mais non à la supprimer totalement. Il est tout à fait vraisemblable, en effet, qu'un malade se croyant l'objet de manoeuvres occultes, ait soupçonné de préférence ceux qui lui en voulaient, soit pour des raisons d'ordre privé, soit pour des motifs de nature politique, religieuse ou sociale. Il est normal, dès lors, que les ennémis soient dépeints à la fois comme des sorciers et comme des oppresseurs impies.

Une autre catégorie de psaumes est constituée par les hymnes ou chants de louange. Ils devaient, en général, être exécutés aux diverses fêtes.

Il y en a tout un groupe qui a causé aux commentateurs de grandes perplexités : ce sont ceux qu'on peut appeler les <«< psaumes du règne de Dieu », ceux où revient comme un

(1) Voir par exemple Ps. 31, 20-25.

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refrain la formule « Yahvé règne ». Tantôt il semble, dans ces cantiques, qu'il s'agisse de la domination actuelle de Yahvé sur l'univers (car il y est souvent parlé de la création), tantôt qu'il soit question d'une délivrance nationale récente (car les chanteurs affirment avoir vu, de leurs yeux, l'établissement de la souveraineté de Yahvé), tantôt que soit célébré à l'avance l'avènement futur du Dieu d'Israël à sa royauté intégrale dans les temps messianiques.

M. Mowinckel propose une interprétation nouvelle, originale et fort intéressante de ce groupe de psaumes (1). Ils ont été, d'après lui, composés pour être chantés à la fête du nouvel an (rô's haššana). Cette cérémonie n'est formellement attestée que depuis l'exil. Mais le fait qu'elle se célébrait au septième mois, c'est-à-dire au début de l'année d'après le calendrier ancien (qui commençait l'année en automne), indique que la fête devait être antérieure à l'adoption (vers le vi° siècle probablement) du calendrier babylonien, qui faisait débuter l'année au printemps. Le quantième du mois où avait lieu la cérémonie a, du reste, varié : c'était le premier à l'époque postexilique (Nomb. 29, 1), le 10 d'après les légistes contemporains de la déportation (Ez. 40, 1; Lév. 25, 9), peut-être le 15 antérieurement; il y a, en effet, des raisons de supposer que les Cananéens faisaient commencer le mois à la pleine lune: cela expliquerait pourquoi la fête n'est pas mentionnée spécialement à l'époque ancienne: elle se confondait alors avec la fête de la Récolte ou des Tabernacles, qui se célébrait du 15 au 22 d'après P.

La fête du nouvel an était la plus importante des cérémonies religieuses dans plusieurs villes de Babylonie, notamment à Babylone (au 1er mois) et à Ourouk (au 1er et au 7° mois). Elle comportait entre autres une grande procession où la statue du dieu était amenée par une voie sacrée spéciale et solennelle

(1) Psalmenstudien II: das Thronbesteigungsfest Jahwäs und der Ursprung der Eschatologie, 1922.

ment introduite dans son temple. A Babylone, on célébrait ce jour-là le grand exploit de Mardouk, la création, c'est-à-dire sa victoire sur les monstres de l'abîme, qui lui avait valu d'être reconnu par les autres dieux pour leur roi.

En Egypte, différentes divinités avaient de même leur fête annuelle (1), telle la fête d'Osiris à Abydos, où l'on mimait des scènes du mythe du dieu sa mort, sa victoire et son retour. Elle comportait l'élévation d'Horus au trône.

Divers indices réunis par M. Mowinckel avant lui par M. Paul Volz (2)

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et en partie déjà suggèrent que la fête israélite

du nouvel an comprenait aussi une cérémonie d'intronisation du Dieu national. Elle était marquée par des sonneries de trompette comme l'avènement d'un nouveau roi. Le psaume 47, un de ceux où est célébrée l'inauguration de règne de Yahvé, est exécuté au nouvel an dans le culte de la synagogue (3). Au siècle après Jésus-Christ, on avait encore conscience d'un rapport entre cette fête et la royauté de Yahvé car il est ́ prescrit dans la michna (4) de lire ce jour-là les malkiyyôt, c'est-à-dire les passages bibliques où il est question de cette royauté. La principale prière du nouvel an juif actuel commence Notre père, notre roi !» Un ancien poème (probablement du vin siècle av. J.-C.) mentionne les acclamations royales» poussées en l'honneur de Yahvé (Nomb. 23, 21). Le jour de notre roi » dont parle Osée (7, 5) était peut-être un autre nom de la cérémonie d'intronisation de Yahvé. La fête des Tabernacles, qui se célébrait anciennement

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་་ au renou

vellement de l'annéc » (5), donc au nouvel an, comportait de grandes processions, l'une montant de Siloé au Temple, une autre se déroulant autour de l'autel avec des thyrses de feuillages et de fruits; il y a lieu de penser que, avant l'exil, le

(1) Elle ne se confondait pas avec le nouvel an, parce que, chez les anciens Egyptiens, l'année, plus courte que l'année solaire vraie, était vague.

(2) Das Neujahrfest Jahwes, Tubingue, Mohr, 1912.

3. Cf. Baethgen, Handk. z. A. T., Psalmen, ad loc.

(4) Ro's haššânâ IV, 5-6

5) Ex. 34, 22; cf. 23 16.

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