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le récit est coupé en deux tronçons, ce qui ne semble pas primitif. La coupure est même très sensible: la phrase qui commence le second tronçon répète celle qui termine le premier: « 18. Or Pierre était aussi avec eux debout et se chauffant ... 25. Or Simon Pierre était debout et se chauffant ».

Les deux fautes de Pierre, le coup d'épée et le reniement font doublet. M. Delafosse a raison d'en supprimer une et de conserver l'autre. A mon avis, c'est le reniement qu'il fallait attribuer à l'interpolateur. Delafosse supprime le coup d'épée, parce qu'il le trouve. en contradiction avec XXIII, 36. « Si mon royaume était de ce monde mes serviteurs auraient combattu... » Cela parait trop subtil. Eh non, les serviteurs de Jésus n'ont pas combattu! Il n'y a eu qu'une tentative isolée, aussitôt réprimée par Jésus lui-même.

4° Le verset III, 24 « Car Jean n'avait pas encore été jeté en prison »> me semble une addition secondaire, à rejeter du texte primitif. Raschke (1) fait remarquer que ce passage suppose l'histoire du Baptiste telle qu'elle est contée dans les synoptiques et il souligne que le quatrième évangile ne se montre dans aucune de ses parties primitives dépendant de ces derniers. Je crois que Raschke a raison.

Ces diverses corrections ne touchent qu'au détail. Dans l'ensemble la thèse de M. Delafosse me paraît l'explication la plus forte et la plus solide qu'on ait encore donnée de l'origine du quatrième évangile.

Paul-Louis COUCHOUD.

PIERRE LASSERRE.

La jeunesse d'Ernest Renan. Histoire de la crise religieuse au XIXe siècle. I. De Tréguier à Saint-Sulpice. II. Le drame de la métaphysique chrétienne, Paris (Garnier), 1925, in-8°, I-370 p. et xxxv-359 p, Prix: 30 fr.

Il est arrivé à M. Pierre Lasserre une étrange aventure. Parti pour parler d'Ernest Renan, il l'a perdu en chemin.

Le départ s'est fait déjà d'une façon inquiétante. Le premier mot de M. Lasserre a été pour nous dire que Renan est « de race bretonne ». Dès la seconde phrase il n'est question que de ses ascendants, venus, parait-il, d'un de ces clans d'émigrants gallois qui du iv° au

(1) H. Raschke. Die Werkstall des Markus evangelien. Iéna 1924, p. 123.

VIIe siècle de notre ère quittèrent leur ile pour chercher un refuge dans la péninsule armoricaine et qui, comme les indigènes au milieu desquels ils s'établirent, étaient de purs Celtes. Au cours des 117 pages qui suivent, il n'est plus parlé que de l'âme celtique et de la persistance avec laquelle s'y combinent l'esprit indépendant d'un Pélage et d'un Abélard, qui versent dans l'hérésie, l'imagination capricieuse des romanciers bretons du Moyen Age, rêvant de morts chevaleresques ou bien d'amours tragiques, la ténacité des marins de tous les temps qui n'a d'égale que leur bonté foncière et désintéressée. De loin en loin Renan reparaît mais c'est comme un simple spécimen, particulièrement curieux, de la race à laquelle il appartient. Une longue dissertation est, consacrée à montrer que, dans le fond, il diffère assez peu de Lamennais et de Chateaubriand, que nous avons là une même nature en trois personnes.

Une nouvelle étape nous fait parcourir les années d'enfance de Renan. Nous voyons apparaître tour à tour sa bonne ville de Tréguier, son père Philibert mort prématurément, sa sœur Henriette partie un jour pour Paris, sa mère restée sa seule compagne, puis le collège ecclésiastique des Frères de Lannion où se font ses premières études. A peine l'entrevoyons nous lui-même quelquefois à l'ombre de ses proches.

Nous voici avec lui à Saint-Nicolas du Chardonnet. Tout de suite il nous est parlé très longuement du directeur de la maison, l'abbé Dupanloup, et, à son occasion, en 20 grandes pages, des derniers jours de Talleyrand. Le jeune élève de Tréguier apparaît bien petit près de ces personnages illustres. Quelques renseignements sont donnés ensuite sur sa formation littéraire et historique. Ils servent seulement à introduire des considérations générales touchant l'organisation des humanités et les bienfaits d'une bonne rhétorique.

Nous entrons enfin au Grand Séminaire d'Issy. La maison est décrite en détail et il nous est parlé longuement non seulement des Sulpiciens qui la dirigent mais de leur Compagnie, du rôle joué par elle dans la formation du clergé, de ses qualités maîtresses et de l'injustice des griefs soulevés parfois contre elle. Renan est désormais perdu de vue. Au terme du 1er volume, il nous est dit seulement que son histoire n'a rien de singulier si ce n'est en raison de sa vigueur intellectuelle, qu'il se confond avec son siècle et en résume toutes les inquiétudes.

Sa trace paraît définitivement perdue dans le second volume. M. Lasserre nous raconte, sur un ton détaché, dans un Avant-propos, que, s'étant assis à côté de lui dans sa classe de philosophie, il a pris goût aux questions qui s'y traitaient et qu'il ne peut se défendre de les exposer à son tour. Il nous présente donc une histoire générale de la pensée chrétienne, qui remplit près de 400 pages et qui va de Platon et d'Aristote aux derniers Cartésiens. Pour lui, en effet, le Christianisme est solidaire de l'Aristotélisme et surtout du Platonisme aussi bien que de l'Evangile et de la Bible juive. Plus précisément ses dogmes se sont élaborés dans l'esprit de la philosophie alexandrine, où l'hellénisme s'était déjà combiné avec le judaïsme. Ils ne peuvent se concevoir qu'en fonction de cette métaphysique toute pénétrée de mysticisme, à laquelle saint Thomas a donné sa forme la plus systématique. En minant ce bel édifice, Descartes a préparé et provoqué la crise générale de la pensée chrétienne, qui n'a fait que s'aggraver à mesure que les conséquences logiques du Cartésianisme se sont fait jour.

Mais Renan? dira-t-on. Qu'est devenu Renan ? M. Lasserre pourrait répondre qu'il pense toujours à lui sans en parler jamais. Ne nous a-t-il pas prévénus que la crise religieuse du jeune séminariste se borne à reproduire sous une forme particulièrement accusée celle par laquelle sont passés tous les esprits cultivés de son temps? Il promet de l'étudier en elle-même dans un prochain volume. Acceptons en l'augure.

Prosper ALFARIC.

Chr. MARECHAL. -- La Mennais. La dispute sur l'Essai sur l'indifférence, d'après des documents nouveaux et inédits. Paris, Ed. Champion, 1925. Un vol. in-8° de x-455 p.

M. Chr. Maréchal a déjà consacré d'importantes études à La Mennais, à ses origines familiales, à ses années de formation, à ses relations avec Hugo, Lamartine, Ste Beuve; aujourd'hui c'est sur la vie profonde de la philosophie mennaisienne qu'il fait porter son investigation. Ce nouveau livre, très dense et d'une information extrêmement étendue, se prête mal à une analyse: il ne contient rien qui ne soit indispensable à l'étude critique d'une œuvre qui fut grande,

à la psychologie d'un écrivain complexe entre tous, à l'histoire objective d'une époque encore mal ou trop partialement connue. Pour M. Chr. M., non seulement le deuxième volume de l'Essai sur l'indifférence expose et soutient toute l'économie de l'apologétique mennaisienne, mais il a, dans l'histoire de la pensée, l'importance d'un «< nouveau Discours de la Méthode » ou plutôt d'un antidote au Discours cartésien; il est le manifeste d'une doctrine « qui prétendait clore en philosophie l'ère critique instituée, selon elle, par le cartésianisme et, rétablissant l'accord de la pensée profane, scientifique et philosophique avec la religion, restituer sans rien sacrifier de la liberté ni des droits de la raison, l'autorité dans tous ses domaines ». Or, peu de livres de doctrine ont été, en leur temps, accueillis par une incompréhension aussi unanime et aussi passionnée : « à peine publié, il provoque une levée de boucliers géné rale; les salons, puis la presse quotidienne ou périodique, de l'extrême droite royaliste à l'extrême gauche libérale, mènent contre lui la campagne la plus acharnée, la moins intelligente aussi ». Il apportait beaucoup de choses, il en troublait plus encore, et M. Chr. M., grâce à une enquête menée sans aucun a priori dogmatique, est parvenu à rendre compte des motifs d'une défaveur qui va de l'indifférence polie à l'hostilité agressive. Dès le premier volume de l'Essai, cette défaveur se déclare le livre ne reçoit qu'une « interprétation fautive et médiocre » non seulement de la part des adversaires politiques ou religieux, mais aussi des amis de La Mennais. Peut-être est-ce aller bien loin que de dire, comme le fait M. M. qu'un œil averti aurait pu lire d'avance à travers l'Essai sur l'indifférence les excès auxquels le La Mennais des Paroles d'un Croyant se laisserait entraîner « dans ce mouvement vers l'indépendance et l'intériorité religieuses »; mais déjà l'on y discerne que le véritable fondement moral de l'ultramontanisme mennaisien sera en dehors de toute réalité politique concrète, que son apologétique sociale ne dégénèrera jamais en apologie d'un régime humain, d'un parti au pouvoir ou non. Pourtant les doctrinaires et les libéraux, à l'exception sans doute de Ch. Loyson, reprochent à Lamennais d'avoir condamné la tolérance en condamnant l'indifférentisme, et ce malentendu préjudiciel frappera de suspicion, à leurs yeux, le second volume de l'Essai, en détournera non seulement leur sympathie, mais même leur attention critique.

M. M. le montre dans des chapitres de la plus ferme logique : cette apologétique n'était pas sine matre creata bien au contraire. « Pour en comprendre l'exacte signification religieuse, c'est, en passant par Bonald et Rousseau, jusqu'à Bossuet et surtout Malebranche qu'il faut remonter; pour en comprendre la signification sociale, c'est sur Bonald et Rousseau qu'il faut méditer; pour en posséder l'exacte interprétation scientifique, à tous ces noms il ne sera pas inutile d'ajouter ceux de Reid et des Ecossais ». Ce n'était donc point l'austère pamphlet contre la liberté religieuse qu'y ont vu libéraux et doctrinaires, ni « une sorte d'anomalie paradoxale parmi les systèmes philosophiques du XIXe siècle ». Même, et ce n'est xixe pas la partie la moins neuve de son livre, M. M. montre qu'en dépit de leur désaccord foncier au sujet de l'« idéologie introspective », en dépit d'oppositions radicales de point de vue et de tempérament, Maine de Biran (à ses dernières années tout au moins) et La Mennais sont bien près de s'entendre sur une notion psychologique de l'autorité. Comment, alors, la pensée de son temps ne se reconnut-elle pas davantage dans ce livre? A l'incompréhension unanime qui l'accueillit, au conflit qu'il détermina el qui eut ses retentissements profonds dans la conscience religieuse et sociale de La Mennais, M. Maréchal discerne des motifs dont beaucoup sont imputables à l'auteur même de ce manifeste sans réticences. M. Duine avait un peu trop représenté La Mennais comme entouré dès ses débuts d'écrivain, de l'universelle sympathie; il faut reconnaître avec M. Maréchal que La Mennais journaliste (entre 1814 et l'année 1820 où paraît le second tome de l'Essai) n'a rien fait qui pût assurer à son œuvre des patronages ou des admirations de prime abord. Ses articles dans le Conservateur contre l'Université, sa malencontreuse attaque contre l'École polytechnique lui avaient aliéné toute bienveillance de la part des membres de l'enseignement et d'une fraction importante de la jeunesse; enfin certaines intransigeances de sa plume et de son caractère avaient gravement compromis jusqu'à l'existence des revues qui étaient tenues pour représenter ses tendances : l'Ami de la Religion, le Mémorial religieux, la Revue littéraire et morale étaient les tristes victimes de ses rudes campagnes d'opinions. Ses conflits avec les gallicans d'une part, avec le protestantisme de l'autre, enfin « et surtout peut-être, les inquiétudes qu'il cause à des théologiens officiels, qui, installés dans leur cartésianisme, où sont

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