Slike strani
PDF
ePub

chrétiens cherchèrent au-delà des flots la terre d'expiation où se gagne le Paradis.

De tels voyages étaient possibles, non vers l'Ouest, mais vers le Nord, où l'on passe assez aisément d'Irlande aux Hébrides et, de proche en proche, aux Orcades, aux Shetland, aux Fär-ŒEer, à l'Islande sinon au Grönland et au Labrador. Quand on pense que les Esquimaux font jusqu'à 130 kilomètres en un jour avec leur kayak, on voit ce qui était possible même avec la corach de l'antiquité irlandaise et les gens du Moyen âge avaient bien d'autres moyens. D'ailleurs la géographie faisait partie de l'enseignement des écoles monastiques à une époque aussi ancienne que le vue siècle; et au vine l'Irlandais Virgilius enseignait que la terre est ronde.

On ne sait rien des voyages réellement entrepris par les Irlandais païens. Mais les auteurs chrétiens d'imrama font rencontrer par leurs voyageurs des anachorètes hirsutes dans les îles légendaires, ce qui donne à penser que des cénobites vivaient alors dans les îles réelles. Et l'on sait que les Hébrides furent le domaine de prédilection des saints irlandais, et que Cormac évangélisa les Orcades au temps de Colomban.

Dicuil, dans son De Mensura Orbis Terrae, écrit en 825, qu'un siècle plus tôt des ermites irlandais avaient vécu aux iles Fär ŒEer, et les avaient quittées quand les pirates scandinaves étaient venus troubler leur retraite. Il dit aussi avoir connu, trente ans plus tôt, des clercs irlandais qui avaient été en Islande. D'ailleurs des documents islandais et scandinaves (objets trouvés, Landnamabok, attestent que des « papar », prêtres irlandais, vivaient en Islande à l'arrivée des premiers Normands.

La recherche des thébaïdes insulaires conduisit-elle les Irlandais jusqu'au Grönland ou plus loin encore? Ici on ne trouve plus aucun document que les sagas scandinaves, si faciles à solliciter, si difficiles à vérifier. Autant vaudrait chercher à placer la Tir na nOg sur la carte.

En résumé, les voyages dans l'Atlantique que les anciens Irlandais entreprirent dans un but religieux ont été 1° dans les temps païens, des expéditions magiques aux pays des Immortels; 2° dans les temps chrétiens, des expéditions inspirées par la tradition païenne, mais dans un but d'expiation, ou à la recherche d'une thébaïde, ou peut-être à la découverte d'un pays merveilleux.

Ces voyages chrétiens sont donc absolument différents des expéditions missionnaires. Païens ou chrétiens, les voyageurs mystiques irlandais se sont mis en route poussés par cet idéalisme celtique qui, suivant le mot de Renan, ne se résoudra jamais à « croire qu'après avoir fait le monde visible si beau »>, Dieu a << fait le monde invisible si platement raisonnable» (1).

MM. Guignebert et Alphandéry présentent quelques observations. L'heure étant avancée, là communication de M. P. Alphandéry sur un article du Dictionnaire de Bayle est reportée à une séance ultérieure.

La séance est levée à 6 h. 1/2.

Assemblée générale du 26 décembre 1925.

La séance est ouverte à 4 h. 1/2. M. de Faye préside.

Présents: Mmes Dussaud et Mélon; MM. de Faye, Alba, Alphandéry, Barrau-Dibigo, Berr, A. Cahen, L. Cahen, Contenau, Couchoud, Dehérain, Dujardin, R. Dussaud, Girard, Goblet, Guïgnebert, Lanson, Lebègue, Lods, Lyon, Pottier, S. Reinach, Rougier, Sidersky, Virolleaud.

Le Secrétaire général donne lecture du procès-verbal de la séance précédente. Il est adopté sans observations.

Le Président prononce une allocution où il retrace la physionomie des travaux de l'année écoulée et salue la mémoire des membres de la Société décédés durant cette année.

Le Trésorier présente le compte-rendu financier de l'exercice

1925.

Le Secrétaire général présente le rapport moral sur l'année qui s'achève. Il lit la liste des communications apportées à la Société Ernest Renan, signale la participation de la Société à différents congrès et aussi les publications récentes qui s'inspirent de ses méthodes et de son esprit.

M. R. Dussaud fait une communication, dont le texte suit, sur les fouilles de l'Université d'Harvard à Samarie :

Des deux sœurs rivales, comme les appelle Ezéchiel, Jérusalem et Samarie, la première a presque exclusivement retenu Fattention. des archéologues. Dès 1851, Sauley entreprenait des fouilles à Jérusalem; mais il faut attendre l'année 1908 pour que soit donné le premier coup de pioche sur le site de Samarie. L'honneur en revient à l'Université d'Harvard qui a chargé M. Lyon, puis

(1) Essais de Morale et de Critique, p. 454.

MM. Reisner et Fisher, de mettre au jour les ruines de l'ancienne capitale du royaume du Nord.

Les fouilles conduites de 1908 à 1910 n'ont été publiées que l'an dernier. Cette belle publication, accompagnée d'un atlas de 16 plans et de 90 planches, atteste le soin avec lequel les recherches ont été menées. L'architecte, M. Fisher, s'y est révélé un maître fouilleur. Il a donné, ensuite, de nouvelles preuves de son habileté aux fouilles de Beisan et, actuellement, il est occupé à reprendre l'exploitation. du site de Megiddo.

Si la publication américaine est aussi complète qu'on pouvait le désirer pour tout ce qui touche l'architecture, il est à craindre qu'elle ne déçoive un peu les historiens, les éxégètes et les épigraphistes. La raison n'en est pas l'absence de documents, mais leur présentation, dans un ordre parfait certes, mais sans les développements et les commentaires destinés à les faire valoir. A vrai dire, nous sommes mal venu à nous plaindre que les savants américains aient laissé à glaner après une si belle moisson.

Aucune autre fouille palestinienne n'a autant que celle de Samarie étendu nos connaissances historiques, géographiques et épigraphiques. Notamment, l'époque d'Achab n'est plus pour nous une période mal définie par des textes contradictoires; elle nous apparaît dans l'éclat d'une réelle grandeur. Ce qu'on entrevoit de l'organisation du royaume, notamment de l'intendance royale qui réunissait les attributions d'un ministère des finances et de l'intendance proprement dite, royale et militaire, le grand usage de l'écriture, témoignage certain d'une civilisation développée, l'activité commerciale d'Israël, la ville fortifiée qu'était Samarie, la beauté de ses constructions en pierres de taille signalée déjà par les prophètes et notamment du « palais d'ivoire » d'Achab, maint autre détail, posent autant d'assises solides pour une reconstitution historique.

Les documents assyriens, peu sujets à caution, nous montraient déjà par le nombre de chars et de soldats mis en ligne à la bataille de Qarqar, que le royaume d'Achab était un des états les plus puissants de Syrie, sinon le plus puissant. On peut ajouter aujourd'hui qu'il en était aussi un des plus civilisés, des mieux organisés et des plus riches.

Dès lors nous ne pouvons plus hésiter à fixer notre choix entre

les textes contradictoires du Livre des Rois. Les récits qui se rattachent au cycle du prophète Elie peuvent conserver quelques traits pittoresques, quelques détails typiques, ils sont à écarter comme documents vraiment historiques. Par contre, les chapitres xx et XXII, 1-38 du second livre des Rois, auxquels il faut joindre le psaume XLV, reprennent toute leur valeur.

Les historiens modernes avaient déjà discerné le crédit que ces derniers textes méritaient; Renan en avait même conclu qu'Achab << égala Salomon par l'ouverture d'esprit et le surpassa par la valeur militaire », mais ce n'est plus le simple sens critique qui nous décide aujourd'hui, ce sont des documents originaux (1).

Le Secrétaire-général donne lecture du résultat des élections. pour l'année 1926. Les membres sortants du Comité MM. BarrauDihigo, Contenau, Goguel, Hackin, Koechlin, Ch.-V. Langlois, Lanson, Lefranc, Lods, Loisy, Macler, Moret, Reinach, Van Gennep, sont réélus. M. Lebègue est élu membre du Comité en remplacement de M. Rébelliau démissionnaire. Le Bureau pour 1926 est ainsi composé; Président : M. TH. REINACH; Vice-Présidents MM. AD. LODS et CH. GUIGNEBERT; Secrétaire général : M. P. ALPHANDÉRY; Trésorier: M. FR. MACLER; Secrétaire des séances: M. A. ALBA.

La séance est levée à 6 h. 1/2.

(1) On trouvera dans Syria, 1925, fasc. 4, et 1926, fasc. 1, un exposé et une discussion de ces documents.

« PrejšnjaNaprej »