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sujet, grand fut mon orgueil de vous! Quand nous fames en Macédoine... Dieu nous consola par l'arrivée de Titus. » Elle va jusqu'à : « Gloire à Dieu, pour son inestimable don ! »> (IX, 15).

L'autre, antérieure, est pleine d'orgueil blessé, d'amertume et de larmes. Le début manque. Elle apparaît à II, 14, de façon abrupte : « Grâces à Dieu! Il nous fait constamment triompher! » Elle est coupée à VII, 4 : « Corinthiens,... notre cœur s'est dilaté... Dilatez-vous aussi, faites-nous place! Nous n'avons lésé personne... Vous êtes dans nos cœurs pour mourir et vivre avec nous! » Elle continue à XIII, 1 : « En personne, moi Paul, je vous supplie... » et va jusqu'à la fin.

En résumé, comme il existe non pas deux mais six lettres aux Corinthiens, non pas une mais deux lettres aux Philippiens, nous possédons de la main de Paul douze lettres et trois billets.

La chronologie en est assez difficile à fixer. Sauf pour une lettre, la plus ancienne, qui a un certain repère dans l'histoire générale, il s'agit seulement de chronologie relative.

La lettre aux Thessaloniciens est la première lettre conservée de Paul, et par conséquent le premier témoin du christianisme. Elle fut écrite au moment où Timothéos, envoyé par Paul à Thessalonique, pour savoir ce qui s'était passé après l'orage qui les en avait chassés, revint en rapportant de bonnes nouvelles. (III, 6). D'après le livre des Actes, ce retour eut lieu à Corinthe, quelque temps après que Paul y eut pris du travail1 et le séjour de Paul à Corinthe qui dura dix-huit mois coïncida en partie avec le proconsulat de Gallion2.

Or, il a été trouvé dans les fouilles de Delphes quatre morceaux d'une inscription où se trouvent accolés les noms de Claude et de Gallion: « Tiberius Claudius Cæsar Augustus Germanicus, souverain pontife... imperator pour la 26e fois...

1. Act., XVIII, 5. 2. Act., XVIII, 12.

Lucius Junius Gallio, mon ami, proconsul... »1. Le proconsulat de Gallion coïncide donc avec la 26o acclamation impériale de Claude, qui eut lieu à la fin de 51 ou au commencement de 522. Comme, en général, la fonction proconsulaire était annuelle et commençait vers le milieu de l'été, Gallion a été probablement proconsul d'Achaïe de l'été 51 à l'été 52. C'est avant cette époque, c'est-à-dire vers 50-51 que fut écrite la lettre aux Thessaloniciens.

Les quatorze autres lettres sont plus flottantes. Elles constituent pourtant trois ou quatre groupes dont il est possible de marquer la place.

Un premier groupe est formé par quatre lettres sur les six adressées aux Corinthiens. La plus ancienne ou Corinthiens A est la lettre déchiquetée qui commence à I Cor. IX et comprend quatre fragments très dispersés. Paul y fait un plaidoyer puis une réprimande. Il donne des instructions et déclare qu'il réglera le reste « dès qu'il pourra venir » à Corinthe3.

La deuxième, ou Corinthiens B, est la longue lettre qui, sauf interruptions, s'étend de I Cor. V jusqu'à la fin de XIV. Elle fait allusion à la lettre précédente, V, 9: « Je vous écrivis dans ma lettre de ne pas fréquenter de débauchés. » Paul remet au point et adoucit le violent sermon qu'il a envoyé précédemment aux Corinthiens : << Echappez-vous de l'idolatrie !... Fuyez la débauche !... Ne faites pas attelage boiteux avec des incroyants! » On pouvait comprendre (et c'était peut-être le sens) qu'il voulait séparer absolument les chrétiens des païens, ce qui dans la pratique était impossible. Avec opportunisme il déclare avoir voulu dire seulement qu'il faut se séparer des chrétiens débauchés. Les deux lettres se font donc

1. A. Nikitsky, Eludes épigraphiques sur Delphes (en russe). Odessa, 1898. E. Bourguet. De rebus delphicis imperatoriae aetatis. Montpellier, 1905, p. 63-64. 2. Les 22o, 23° et 24° acclamations sont de 51 (C. I. L., III, 476, 7206, 1977). La27 est antérieure au 1er août 52 (C. I. L., VI, 125 b). Voyez E. Ch. Babut. Le proconsul Gallion et Saint Paul. R. H. L. R. 1911, p. 139-142. A .Deissmann. Paulus, Tübingen, 1911, p. 159-177. M. Goguel, Essais sur la chronologie paulinienne, R. H. R., 1912, I, p. 315-318.

3. Ι Cor. XI, 34 (ὡς ἂν ἔλθω).

4. I Cor. x, 14; vi, 18; II Cor. vi, 14 (passage de Corinthiens A).

exactement suite. Dans celle-ci il répond à cinq questions que les Corinthiens lui ont posées par écrit.

Corinthiens C est la lettre en deux morceaux très inégaux, I Cor. I-IV et XVI, 8-24, qui fait le cadre de la Première lettre factice. Le voyage que Paul, dans Corinthiens A, comptait faire à Corinthe et que ses adversaires disaient qu'il ne ferait jamais est annoncé maintenant comme prochain : « Croyant que je n'irai pas chez vous, certains se gonflent. J'irai bientôt chez vous, si le Maître veut. » Entre Paul et les Corinthiens les relations se sont tendues. Il explique pourquoi il ne part pas tout de suite : « Je reste à Ephèse jusqu'à la Pentecôte : une porte m'est ouverte, grande et effective. » Mais il a envoyé devant lui Timothéos. Il recommande qu'on le traite bien et qu'on l'embarque. Il l'attend avant de partir lui-même1.

Le voyage annoncé eut lieu, en coup de vent, et fut malheureux. A Corinthe Paul fut insulté et repoussé. On lui opposa l'autorité des apôtres palestiniens. Obligé de se replier, il ne désarma pas et ne pensa qu'à la revanche. Dans son humiliation, son dépit et son angoisse il écrivit une lettre courroucée et fière. C'est la quatrième, ou Corinthiens D, qui comprend les deux morceaux II Cor. 11, 14-VII, 43, et X-XIII. Il se déclare décidé et prêt à aller à Corinthe pour la troisième fois. Il craint de soulever un nouveau tumulte et d'être encore humilié. Il répète ce qu'il a dit la deuxième fois : « Si je reviens je serai sans pitié! » Il attaque sans crainte ses rivaux de Palestine. Il a honte d'avoir été faible. Il fera voir qu'il n'a pas de vigueur devant le papier seulement. Pour le précéder il a envoyé cette fois Titus, avec un autre frère1.

Ces quatre lettres forment donc un groupe bien lié. On y voit Paul perdre peu à peu de son autorité sur les Corinthiens, retourner chez eux pour les reconquérir, et y échouer. La troisième lettre fut écrite d'Ephèse. Les trois autres eurent probablement le même lieu d'origine. Le groupe appartient

1. I Cor., xvI, 8, 10-1 (Corinthiens C).

2. II Cor., 11, 5-11 (Corinthiens E).

3. Sauf le fragment VI, 14-VII, 1 qui appartient à Corinthiens A.
4. II Cor., x, 11; xi, 21; xII, 14, 18, 20-21; xIII, 1-2. (Corinthiens D).

au séjour de deux ans environ que Paul fit à Ephèse après son voyage par mer de Corinthe à Césarée et son retour par Antioche et les routes montagneuses de Galatie et de Phrygie1. Ce séjour à Ephèse fut très dur. Paul trouva «< une porte ouverte, grande et effective, mais beaucoup d'ennemis2. » Parmi tous ses tourments, le plus vif fut « le souci de toutes les églises3 »> et en premier, peut-on penser, de celle de Corinthe.

Un autre groupe défini est celui des trois lettres écrites en prison Philippiens B, Colossiens et Philémon. On y doit joindre Philippiens A qui est un peu antérieure, séparée de B par la maladie presque mortelle d'Epaphroditos.

La mauvaise place assignée en général à ce groupe a faussé toute la chronologie des lettres. Une conjecture précipitée, qui remonte à l'antiquité, s'est imposée jusqu'à nos jours comme une donnée incontestable. On a recouru trop vite au livre des Actes. Comme il ne mentionne que deux emprisonnements de Paul, l'un d'une seule nuit, à Philippes, qui est hors de cause, l'autre de plus de quatre ans, à Césarée puis à Rome, on a conclu que les lettres de prison étaient de la dernière captivité. Et comme il y est question d'un praetorium et d'esclaves de César, on a cru certain qu'elle partirent de Rome.

Mais Paul a été en prison plus souvent que cela ! Nous connaissons le parti-pris du rédacteur des Actes d'atténuer les démêlés de son héros avec la justice. Paul au contraire s'en vantait. Avant la fin de son séjour à Ephèse il rappelle aux Corinthiens qu'il a été « dans des prisons, énormément »>4, et qu'il a subi trois fois les verges des licteurs5. Dans sa lettre aux Romains, avant son arrestation à Jérusalem, il salue ses anciens «< compagnons de prison », le ménage Andronikos et Junia. Clément de Rome dit que Paul a été « sept fois chargé de chaînes'. » Il a donc pu écrire de prison sans que ce fut de

1. Act., XVIII, 18, 22; XIX, 10. 2. I Cor., xvi, 9 (Corinthiens C).

3. II Cor., x1, 28 (Corinthiens D).

4. II Cor., vi, 5; XI, 23 : ¿v quλaxaís repioσotép; (Corinthiens D).

5. II Cor., XI, 25: тpì; ¿px6òíσłny (Corinthiens D).

6. Rom. XVI, 7 : συναιχμαλώτους μου.

7. Clément, Cor., xI, 6 : ἑπτάκις δεσμὰ φορέσας,

Rome. Quant à des esclaves impériaux et à un praetorium, c'est-à-dire un palais du gouvernement, ou plus proprement un quartier de prétoriens, il y en avait dans beaucoup de grandes villes, en particulier à Ephèse'.

Quand on lit dans les Actes le récit de l'émeute antichrétienne d'Ephèse2, on s'aperçoit que le rédacteur en a donné une version délibérément anodine. Paul n'est pas inquiété. Deux de ses compagnons, Aristarchos et Gaïus, sont bien arrêtés un moment par la foule mais sur une intervention du grammateus tout s'apaise comme par enchantement. C'est un des cas où il faut croire Paul lui-même et non son historien trop avocat. Les choses furent beaucoup plus graves. Paul nous les révèle, d'un mot bref et tragique : « J'ai combattu les fauves à Ephèse3. »

Que Paul ait été condamné ad bestias et qu'il ait été jeté dans le stade d'Ephèse pour une thériomachie ou venatio, cela ne paraît guère douteux. Il donne le fait comme son suprême argument pour la résurrection des morts. S'il parlait par métaphore, s'il n'avait pas couru un réel et grand danger de mort, l'argument n'aurait pas de portée, ni même de sens.

A-t-il pu être condamné, étant, au dire des Actes, citoyen romain? Aussi bien qu'il avait été trois fois passé par les verges, bien que flageller un citoyen romain fût un crime1. Pour un vagabond comme lui et loin de Tarse, la preuve pouvait être difficile à fournir. Il a subi la condamnation légale des séditieux. Comment, après l'avoir subie, a-t-il pu encore, à Césarée, exciper de son titre ? Il est à croire que son casier judiciaire ne le suivit pas si loin. Il prit un moyen désespéré qui

1. M. Dibelius, Die kleine paulinische Briefe (Lietzmann, Handb z. N. T). Tübingen, 1911, p. 47-48, 64.

2. Act., XIX, 23-40.

3. I Cor. xv, 32: ¿broiquáɣnoa ¿v 'Epéow (Corinthiens F).

4. Cicéron. In Verr. II, v, 170: facinus est vincire civem Romanum, scelus verberare. Cf. A. Loisy. Les Actes des Apôtres, p. 648. « Il paraît bien qu'au cours de ses missions Paul s'est toujours comporté en simple juif ».

5. Digest., 1. XLVIII, tit. X: Si quidem liberi sunt ad bestias dari, si servi. summo supplicio adfici debent. Voyez Pillet. Etude sur la damnatio ad bestias Lille, 1902.

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