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Elles ne sont pas moins philosophiques et elles ne sont pas plus chrétiennes. Son rêve accuse-t-il cependant quelque chose du mysticisme particulier d'un certain gnosticisme, notamment celui des documents coptes? Qu'on en juge par sa théorie des trois Pâques. Il y a d'abord celle des Juifs, puis celle des chrétiens; il y aura enfin la Pâque suprême qui sera célébrée dans le monde transcendant. « La troisième Pâque sera consommée au milieu de myriades d'anges. Ce sera une solennité parfaite. une consommation bienheu

reuse1. »

Il ne serait pas exact de dire qu'Origène se laisse dominer par la pensée gnostique. Il a su affirmer la sienne parfois en âpre opposition à celle-ci. Il n'en est pas moins vrai qu'il est redevable aux penseurs gnostiques de quelques-unes des plus fécondes impulsions de sa pensée. Ils ont posé certains problèmes en termes précis. Problèmes de Dieu, de la nature du Christ, de l'essence de l'homme, du mal, de la rédemption, de la finalité humaine et cosmique. Ces problèmes, les théologiens gnostiques les ont formulés comme on ne l'avait pas encore fait. Origène l'a compris. Ces problèmes, il les a repris pour son compte; il les a discutés dans les mêmes termes. Il n'est que juste de reconnaître que ce sont les Gnostiques qui l'y ont initié. Comme il ne disposait pour les solutionner que des mêmes méthodes, métaphysique platonicienne, psychologie aristotélicienne et stoïcienne, allégorie et dialectique, il n'est pas surprenant que sur plus d'un point il ait abouti, soit aux mêmes conclusions, soit à des solutions analogues et voisines. Ce qui l'a toujours empêché de rejoindre complètement le gnosticisme, c'est que chez lui l'inspiration chrétienne traditionnelle a été plus forte et plus profonde.

Eugène de FAYE.

1. In Johan, Χ, 18. Cf. 15 : τίνα δὲ τρόπον ἐν τοῖς ἐπουρανίοις ἑορτάσομεν .. ἔργον ἔστι φανερῶσαι.

ARMÉNIE ET ISLANDE

En établissant la bibliographie d'un ouvrage d'ensemble consacré à la diaspora arménienne, j'ai relevé un passage tout à fait intéressant dans Le Livre des Islandais, du prêtre Ari le savant. Je cite textuellement :

<< Voici, d'après les indications de Teit, les noms des évêques étrangers qui ont résidé en Islande... Il en arriva cinq autres qui se faisaient passer pour évêques Arnolf et Godschalk, et trois Arméniens, Petrus, Abraham et Stephanus >>1.

Ce passage était accompagné de la note suivante de l'éditeur: « Ces évêques n'étaient que des missionnaires chargés spécialement de la prédication du christianisme et de la conversion des païens. Plusieurs d'entre eux, notamment les cinq qu'Ari mentionne en dernier lieu étaient d'un caractère quelque peu aventurier et suscitèrent de sérieuses difficultés à l'évêque Isleif, si bien que l'archevêque Adalbert de Brême se vit contraint de les désavouer publiquement dans une lettre qu'il envoya en Islande. » (Cf. Hungrvaka, ch. 3. K. MAURER, die Bekehrung des norwegischen Stammes... II, p. 580 et suiv.)2.

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Se trouvait-on en face d'une légende, ou d'une donnée historique? Un arméniste, à qui j'en parlai, me déclara tout net que le caractère légendaire du récit sautait aux yeux et qu'il n'y avait pas lieu de poursuivre l'enquête.

Je pensai, au contraire, qu'il valait la peine de tenter quel

1. Cf. Le livre des Islandais, du prêtre Ari le Savant, traduit de l'ancien islandais, précédé d'une étude sur la vie et les œuvres d'Ari, et accompagné d'un commentaire, par Félix WAGNER... (Bruxelles, Office de publicité... et Société belge de librairie), 1898, in-8°, p. 76-77. (Bibliothèque de la Faculté de philosophie et lettres de l'Université de Liége, fascicule IV).

2. Cf. Le livre des Islandais..., p. 77, note 119.

ques recherches et je profitai d'un séjour à Copenhague (août 1922) pour pratiquer un premier sondage.

Le savant et distingué directeur de la Bibliothèque royale de Copenhague, M. H.-O. Lange, me fit faire la connaissance de M. Sigfús Blöndal, un Islandais bibliothécaire à la même bibliothèque et spécialiste en littérature islandaise. Avec une bonne grâce dont je ne saurais trop le remercier, M. Sigfús Blöndal voulut bien diriger mes pas de débutant dans la bibliographie islandaise et voici, en ce qui concerne la question qui nous intéresse, les résultats positifs auxquels nous sommes arrivés.

I. Ari Thorgilsson, surnommé fródi « le savant »> naquit en 1067 et mourut en 1148. Il est le premier historien de l'Islande et son récit est consigné dans le Islendingabok (livre des Islandais). Au chapitre 8 de son histoire, il écrit textuellement Enn quomo her athrir V their es byscopar quothose vesa: Örnólfr oc Gothiscóler, oc iij ermscir. Petrus oc Abraham oc Stephanus. « Encore cinq autres vinrent ici, disant qu'ils étaient évêques : Arnolphe et Godescalc, et trois Arméniens Petrus, Abraham et Stephanus ». Le texte porte ermscir qui signifie arménien en islandais. Il n'y a pas lieu de mettre en doute le témoignage historique d'Ari, ce savant islandais du xre-xIIe siècle.

II. Un second témoignage, non moins important et non moins historique, est celui que fournit le Grágás (éd. V. Finsen, Copenhague, 1852, t. I, p. 22). Ce code général des lois de la république islandaise, qui date du XIIe siècle, et qui concerne plus spécialement le xie, renferme d'importantes lois ecclésiastiques chrétiennes. On y relève notamment ce passage: «S'il vient dans cette contrée des évêques ne sachant pas la langue latine, qu'ils soient arméniens ou grecs, il est permis à chacun qui le veut d'assister à leur célébration du divin office. Il est défendu de rémunérer leurs services ecclésiastiques et de se servir de leurs sacrements. Si quelqu'un fait consacrer une église ou confirmer un enfant par un évêque qui ne sait pas le latin, il a à payer une amende de 3 marks,

payable à son évêque légal, qui recevra aussi le payement de la consécration. Si un évêque ne sachant pas le latin a consacré une église ou confirmé un enfant, l'église sera de nouveau consacrée et l'enfant sera derechef confirmé, comme si rien n'avait été fait. »

III. Le troisième document auquel il convient de faire appel est le Hungrvaka, déjà mentionné ci-dessus, absolument digne de confiance, et datant probablement du XIIe siècle 1. Au temps de l'évêque Isleif2, est-il dit, des évêques étrangers vinrent en Islande; leurs doctrines étaient en plusieurs points moins rigoureuses que celles de l'évêque Isleif. Ils devinrent, de ce chef, plus populaires chez les gens mauvais, à tel point que l'archevêque Adalbert se crut obligé d'envoyer en Islande des lettres, interdisant à quiconque de recevoir aucun service de ces hommes, ajoutant que plusieurs de ces personnes étaient excommuniées et étaient parties pour l'Islande sans sa permission.

IV. Pour peu que l'on élargisse le champ d'investigation et que l'on consulte l'histoire générale, on trouve là encore une preuve irréfutable que des Byzantins et des Arméniens vinrent dans les pays du nord de l'Europe au xie et au XIIe siècles.

Un savant norvégien, Gustav Storm 3, a consacré un article important à Harald le Sévère, roi de Norvège (1044-1066) et au séjour que fit ce roi à Constantinople comme chef des Varangiens, les gardes du corps du basileus, pendant les années 1034-1044. Grâce à la découverte du Cecaumeni Strategicon dans la bibliothèque synodale de Moscou, en 1881, Gustav Storm put ajouter des renseignements nouveaux et importants, relatifs à la vie de Harald.

1. Hungrvaka, dans Biskupa sögur, I, p. 62-63 (Copenhague, 1858).

2. Isleif, premier évêque de l'Islande, naquit en 1006, fut consacré comme évêque en 1056 et mourut en 1080.

3. Harald Haardraade og Væringerne, dans (Norsk) Historisk Tidsskrift. 2. Raekke, Bd. 4, 1884, surtout aux pg. 373-374, et, d'une façon générale, p. 354386.

Cecaumenus nous informe en effet que, après son accession au trône de Norvège, Harald le Sévère continua à entretenir des relations amicales avec la cour de Byzance. Dans sa politique ecclésiastique 1, Harald rechercha de plus en plus une alliance byzantine. Son neveu, Magnus le Bon, qui fut à la fois son prédécesseur et son collègue dans les premières années de son règne, avait sans peine reconnu l'archevêque de Brême comme le primat du Nord. Mais, lorsque Sven, roi du Danemark, alors rebelle à la Norvège, se rapprocha de plus en plus de l'archevêque Adalbert, Harald comprit qu'une séparation de son royaume norvégien d'avec Brême devenait une nécessité politique.

Au début de son règne, Harald demanda des évêques consacrés à Rome ou par l'église de Rome. Mais ces nouveaux évêques, en gagnant leurs diocèses, furent faits prisonniers par ordre de l'archevêque Adalbert, qui obtint de la cour de Rome que celle-ci déclarerait l'église de Norvège sujette de Brême. Devant un pareil état de choses, Harald fit consacrer ses évêques en Angleterre et en France. Aux envoyés d'Adalbert, qui rappelaient à Harald ses devoirs envers Brême, Harald répondit, à l'instar des empereurs byzantins : « Je ne connais aucun archevêque en Norvège que moi-même, Harald » (se nescire quis sit archiepiscopus aut potens in Norvegia nisi solus Haraldus).

De la sorte, Harald faisait ouvertement acte d'insubordination à l'égard de l'archevêque de Brême et de la cour de Rome.

Le fait se trouve confirmé par une lettre du pape Alexandre II (ca 1062), qui reproche à Harald d'avoir, outre les évêques consacrés en Angleterre et en France, d'autres évèques non consacrés, c'est-à-dire qui n'ont pas été consacrés suivant l'usage et le rite de l'église romaine.

Ce n'est donc pas sans de bonnes apparences de raison qu'on a rapproché cette lettre du pape des notices ci-dessus mentionnées, d'après lesquelles trois évêques arméniens

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