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Samarie par Philippe. La désharmonie de la narration de la conférence de Jérusalem est également le fait du rédacteur.

Inutile de multiplier les exemples. Ceux-ci suffisent pour montrer toute la complexité du problème et la prudence avertie dont doit faire preuve le critique pour se diriger au milieu des éléments disparates du récit.

La composition de la seconde partie des Actes est beaucoup plus simple. M. Maurice Gognel résume comme suit ses observations (p. 324): « D'un bout à l'autre de la narration le récit repose sur une source principale dont certaines parties sont rédigées à la première personne... cette source a fourni la trame du récit et le cadre dans lequel est présentée l'activité de Paul... mais elle n'a pas été intégralement reproduite. Elle a subi des mutilations et des surcharges qui semblent pouvoir être ramenées à deux types. Les unes sont purement narratives, c'est-à-dire que l'auteur a, fort maladroitement il est viai, coupé les récits qu'il jugeait superflus... d'autre part, il a ajouté des détails et des récits qu'il tenait d'autres traditions et qui lui paraissaient heureusement compléter le témoignage de sa source principale. Sur d'autres points, ce sont des préoccupations apologétiques qui lui ont fait altérer son témoignage ; apologétique ecclésiastique : montrer le parfait accord de Paul avec les chrétiens de Jérusalem; ensuite politique: établir que l'autorité romaine n'a pas pris, en principe, une position hostile à Paul et que les mesures dont l'apôtre a eu à souffrir ont été prises à l'instigation des Juifs. >>

La fin abrupte du livre a donné lieu à diverses hypothèses. Y a-teu mutilation accidentelle, ou l'auteur a-t-il arrêté le récit faute de place? L'auteur passe-t-il volontairement sous silence le martyre de Paul qu'implique la rédaction des Actes et qui démentirait la thèse affectionnée de l'auteur concernant la bienveillance du pouvoir romain? Sabatier et J. Weiss estiment que l'auteur a atteint son but en présentant Paul prêchant librement à Rome. En rejetant toutes ces hypothèses M. Maurice Goguel n'a plus le choix et se trouve forcé d'admettre la seule possibilité encore en présence: l'intention de l'auteur de donner une suite à son travail dans un troisième ouvrage consacré à la relation du procès romain et peutêtre aussi à la mort de Paul. En la présentant, le critique ne se dissi

mule pas le caractère conjectural de cette suggestion à laquelle, au surplus, des savants comme Spitta et Zahn avaient déjà donné l'appui de leur autorité.

Voici maintenant, en conclusion, comment M. G. se représente la composition du livre. Une juste appréciation des Actes doit partir de l'état très complexe de remaniement dans lequel se présente le livre. Cet état de remaniement infirme la thèse soutenue par Harnack de la composition des Actes par Luc. La thèse, brillamment soutenue par Loisy, de l'altération et de l'interpolation de l'œuvre primitive de Luc, ne paraît pas, telle qu'elle a été présentée par le célèbre critique, répondre à toutes les données du problème; l'analyse du récit démontre en effet que les altérations constatées ne relèvent pas d'une préoccupation apologétique unique. Maurice Goguel attribue à Luc une narration primitive dont il subsiste des traces dans les fragments à la première personne du pluriel et à la troisième personne; la valeur historique de cette narration ne serait peut-être pas aussi haute que le pense Loisy. Un rédacteur, «< l'auteur à Théophile» aurait utilisé, à côté d'autres données, le récit de Luc, en l'altérant et en l'abrégeant de manière souvent malheureuse. L'infériorité historique de son œuvre, l'omission de faits importants, de graves erreurs de compréhension de l'enseignement paulinien, ne permettent pas, en dépit de l'analogie de style, d'identifier ce rédacteur à l'auteur de la narration primitive. Enfin, un interpolateur maladroit aurait mutilé le prologue pour pouvoir introduire le récit de l'ascension.

On peut fixer la date de composition entre les années 80 et 90 environ, les Actes étant postérieurs à la composition des évangiles synoptiques, mais ignorant une collection des épîtres de Paul qui, au témoignage de Clément Romain, circulait à Rome aux environs de l'an 95.

Aucune indication précise ne permet de localiser la composition du livre, que ce soit à Rome, à Antioche ou à Éphèse. Rien n'indique non plus si l'auteur avait en vue un cercle défini de lecteurs. Enfin, au point de vue de la valeur historique du livre, les Actes, sans constituer une œuvre historique proprement dite, contiennent des matériaux de haute valeur qui s'ajustent aux données des épîtres pauliniennes. Le livre se trouve être ainsi, au jugement de

M. G., « l'une des bases les plus essentielles sur lesquelles repose l'histoire du christianisme ancien. » Aux yeux de tous ceux qui se préoccupent de l'histoire des origines chrétiennes, il valait donc la peine de tracer un tableau d'ensemble des problèmes posés par ce livre énigmatique et important. Dans le travail extrêmement clair et attachant du savant professeur le public érudit se rendra compte des travaux délicats de la critique, qui demeurent en général ignorés mais n'en constituent pas moins les fermes assises sur lesquelles l'histoire pourra édifier ses reconstructions.

A. WAUTIER D'AYGALLIERS.

Émile MALE. -L'Art religieux du XIIe siècle en France. Étude sur les origines de l'iconographie du Moyen-Age, illustrée de 253 gravures; in-4° de Iv-459 pages. Paris, Armand Colin, 1922.

Après avoir étudié l'iconographie du XIIIe siècle, puis celle du xve, M. Émile Mâle nous présente un tableau de celle du xire. C'est là tout le contraire d'une erreur de méthode : la connaissance des effets est indispensable à la découverte des causes et remonter un courant est la route la plus sûre pour atteindre aux sources. On peut ajouter qu'une plus longue méditation était ici nécessaire et qu'enfin les monuments orientaux qui ont fourni à M. Mâle la clef des problèmes qu'il résout ne sont connus que depuis peu d'années.

Comment la sculpture monumentale, disparue avec le Paganisme et presque oubliée pendant des siècles, prit en Occident à la fin du XIe siècle, un rapide et fécond essor, tandis que l'Orient persistait à s'abstenir d'images en relief, c'est un phénomène bien curieux, dont l'explication est fournie au premier chapitre. Si nos artistes ne sculptaient plus, ce n'est pas par défiance de l'idolâtrie; c'est parce que l'art chrétien était venu d'Orient avec le Christianisme et implanta chez nous la conception orientale de l'art. Ce point de vue est nouveau et juste, comme d'autres, à la condition de laisser quelque place à la défiance des images, dont nous avons des témoignages certains.

Quant à la source de la sculpture romane, elle est dans les pein

tures des manuscrits et M. Mâle le prouve éloquemment par deux raisons la technique des premières figures sculptées, qui procède de celle du dessin, et la ressemblance frappante de certaines sculptures, avec des peintures antérieures en date : la confrontation des photographies emporte souvent ici la conviction.

Cependant M. M. est trop averti pour ne pas donner place aussi à l'influence des ivoires, tant carolingiens qu'orientaux. Ce qu'il nie, c'est l'influence des figures d'orfèvrerie, telles que sainte Foy de Conques, car ces reliquaires étaient des statues et nos artistes romans ne travaillèrent longtemps qu'en demi-relief. Les orfèvres, pourtant, traitaient souvent le demi-relief la châsse qu'Odoranne exécuta pour le roi Robert n'était-elle pas ornée de figurines d'agate appliquées et de bas-reliefs en argent repoussé du martyre de saint Savinien? Auparavant, il avait sculpté un Christ en croix et une margelle de puits à Saint-Pierre-le-Vif. Or, cet artiste nous dit lui-même qu'il avait appris son art en étudiant non des peintures, ou même des ivoires, mais des sculptures antiques, trouvées à Saint-Pierre-le-Vif. J'ajoute qu'il avait eu, dès l'époque carolingienne, des prédécesseurs dans la sculpture de pierre : M. Deneux a découvert dans la cathédrale de Reims des restes du tombeau d'Adalbéron, avec une figurine presque antique et des rinceaux d'assez fort relief qui rappellent absolument les ivoires contemporains. La cathédrale carolingienne de Reims, avait, du reste à sa façade, les effigies sculptées du pape et de l'empereur. Il ne faut donc exagérer ni l'absence de sculpture monumentale avant le xie siècle, ni l'origine picturale de la sculpture romane. Ce qui est vrai, c'est que le modèle sur parchemin est la source la plus fréquente de la plastique et surtout de l'iconographie. M. Mâle insiste avec raison sur l'importance du livre où le moine espagnol Beatus commenta l'Apocalypse, pour en adapter les prophéties aux événements de son temps. Ce texte suggéra les plus brillantes compositions aux enlumineurs de l'Espagne, puis du sud de la France, et M. Mâle trouve là les modèles des sculptures de Moissac, de Saint-Benoit-sur-Loire, la Lande de Cubzac, Saint-Hilaire-de Poitiers. De certaines variantes sculpturales, il n'hésite pas à conclure à l'existence d'enluminures disparues, qui offraient les mêmes particularités. Les sculptures de l'Auvergne, de la vallée du Rhône,

de la Bourgogne ont eu de ces modèles et celles de Ripoll en Catalogne procèdent de la Bible de Farfa.

En constatant l'influence des beaux manuscrits de saint Martial de Limoges, M. Mâle y trouve l'origine de l'étrange pilier de Moissac, orné d'une mêlée d'animaux; il montre aussi que les colonnes posées sur des lions ont été peintes sur le parchemin avant d'être sculptées aux portails. Ce n'est donc pas seulement l'iconographie, mais souvent le décor, même architectural, qui s'inspire de la peinture.

Mais cette peinture même des manuscrits d'Occident, d'où procède-t-elle? De l'Orient; on le savait, mais les sources orientales sont multiples et M. Mâle consacre un intéressant chapitre à discerner et à caractériser les deux principales: art hellénistique et art syrien.

L'art chrétien hellénistique était empreint de distinction, de grâce, mais sa sérénité, exempte d'émotion, n'atteignant pas à la majesté. L'art syrien est plus rude et plus grandiose. Chacun d'eux créa des formules pour la représentation des mystères et épisodes des deux Testaments et chacun fut imité en Occident. La source syrienne a donné davantage; parfois les deux formules se sont combinées chez nous. Mais ces imitations ou combinaisons ne pouvaient suffire à nos artistes. Bientôt, ils retouchèrent les compositions orientales, en simplifièrent plusieurs; ajoutèrent à d'autres des détails expressifs, introduisant partout le sentiment et la vie; créant même quelques thèmes nouveaux, inspirés directement des textes. La liturgie influença certaines représentations, mais je doute fort que le baptême sculpté à Sens(p. 124) soit celui du Christ et qu'on l'ait jamais représenté autrement qu'immergé dans le Jourdain.

En comparant les histoires sculptées avec les textes liturgiques, M. Mâle constate la concordance des compositions plastiques avec les textes qui règlent la mise en scène des drames que les clercs d'Occident jouaient dans le chœur de l'église, à Pâques ou à Noël : l'ensevelissement et la résurrection de Jésus, ses apparitions aux Pèlerins d'Emmaüs et à saint Thomas; le voyage et l'adoration des Mages, le défilé des Prophètes du Christ, où figurent Virgile et la Sibylle; la parabole des Vierges Sages et des Vierges Folles. A ces conceptions orientales vivifiées par l'Occident, il fallait encore un animateur et un organisateur. M. Mâle le reconnaît en Suger et

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