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Comme il est essentiel de ne point s'égarer en pareille matière, et d'avoir des renseignements indiscutables et sur l'organisation de ces divers cultes et sur la psychologie des personnages qui les gouvernèrent, on n'ira pas à l'aventure dans la recherche des documents. On aura un fil conducteur. On se préoccupera avant tout de découvrir les archives propres du culte catholique, du culte constitutionnel et du culte révolutionnaire. Elles ont existé et à l'heure actuelle elles n'ont pas totalement disparu. Elles sont dispersées, émiettées, morcelées. Il s'agit de les rassembler, de les remettre en ordre. Plus que les documents administratifs, plus que les documents judiciaires, ces archives permettront de porter des jugements autorisés et d'aboutir à des conclusions solides et sûres.

II

Après ces remarques générales, je crois devoir insister sur le culte révolutionnaire et lui réserver des remarques particulières. On a longtemps méconnu et on méconnaît encore son véritable caractère et on ne lui attribue pas la place qui lui convient. Le culte révolutionnaire est une véritable religion. Il prétend relier l'homme à la Divinité sans l'intermédiaire du Sacerdoce et en dehors des moyens surnaturels qu'il bannit dédaigneusement.

Cette religion n'est pas une religion d'occasion. Ce ne sont pas les circonstances qui l'ont fait naître. Elle était en préparation dans le mouvement philosophique de la seconde moitié du XVIIIe siècle et se laissait deviner dans diverses démonstrations précédant 1789. La Révolution ne fit que faciliter son apparition et grossir son importance. En la marquant de son empreinte, en lui infusant l'amour de la patrie et la commémoration des personnages illustres de l'époque qu'on assimile à de véritables saints laïques, elle lui fournit en même temps un champ vaste où elle put se déployer en toute liberté et avec un splendide éclat.

Dans le moindre des villages, un certain nombre d'esprits étaient disposés à la recevoir, et ne furent au premier abord

et selon les apparences nullement offusqués par ses destructions, ses hardiesses, ses innovations, ses bouleversements. Ce qui le prouve, c'est qu'à peu près partout elle revêtit aussitôt un caractère spontané, local et organisateur qui n'a pas encore été mis en relief et qui est l'un des côtés les plus frappants de ses manifestations de l'an II, l'année de son apogée.

A vrai dire, et je l'ai déjà remarqué, sous le régime de la première séparation, le culte révolutionnaire ne suscita plus les mêmes enthousiasmes et ne groupa plus autour de lui des foules aussi denses. Par une aberration étrange, cette religion, normalement destinée aux élites, fut rendue de plus en plus abstraite et de plus en plus inaccessible aux intelligences populaires. Les réunions décadaires, privées de l'attrait de la nouveauté et devenues régulières, fatiguèrent vite. Les solennités elles-mêmes ne furent pas toujours goûtées et suivies. Au lieu de célébrer des faits précis et de glorifier des héros connus, elles exaltaient de préférence des idées vagues et générales qui laissaient bien froids les assistants.

Cependant, qu'on ne s'y trompe pas, cette religion n'est pas morte. Elle demeure vivante. Pour les manifestations qu'elles comprennent, les foules accourent. Elles sont là par exemple pour les fêtes de l'Agriculture et pour rendre des honneurs à Hoche. Elles sont encore là pour les réunions sportives et les représentations théâtrales qui sont organisées. De même quand des attentats sacrilèges sont commis, des protestations éclatent sincères et imposantes. Si un Arbre de la Liberté est renversé, la stupeur se lit sur les visages. Des quêtes sont faites. Des sommes importantes sont recueillies et la profanation est promptement réparée.

De plus, le culte révolutionnaire continue à être la religion de la parole. D'innombrables discours sont prononcés aux réunions décadaires et aux grandes solennités. Quelques-uns sont imprimés. Beaucoup sont transcrits sur les registres des délibérations des administrations. Tout au moins, les thèmes développés sont mentionnés ou analysés. Quoiqu'elles manquent de mesure et quoiqu'elles affectent une forme grandi

loquente, ces productions oratoires sont curieuses et intéressantes. Il serait à propos, ce qui n'a pas encore été fait, de discerner, au milieu des périodes vides et creuses, les faits qui sont relatés, les doctrines qui sont enseignées, les exhortations morales qui sont données. Il serait mieux surtout de voir si ces productions oratoires furent fécondes et quelles furent leurs influences. L'efficacité d'une religion se reconnaît aux résultats moralisateurs qu'elle produit.

Ces remarques générales et ces remarques particulières auraient besoin d'être plus amplement développées et d'être appuyées par des exemples. Je me propose de le faire dans le travail que je rédige en ce moment sur l'Histoire religieuse de la Révolution et qui paraîtra prochainement dans la Revue de l'Histoire de l'Eglise de France.

Em. SÉVESTRE.

RECONSTITUTION ET CLASSEMENT

DES LETTRES DE SAINT PAUL

La collection canonique des lettres de Paul contient quelques pièces dont l'authenticité est fortement contestée. Ce sont II Thessaloniciens et Ephésiens, qui me paraissent être des éditions ecclésiastiques très remaniées de I Thessaloniciens et de Colossiens. Ce sont aussi les deux lettres à Timothéos et la lettre à Titus qui ne paraissent contenir d'authentiques que les quatre derniers versets de Titus (III, 12-15) et les quatorze derniers de II Timothéos (IV, 9-22) 1. Ces retranchements faits, nous avons de Paul, dans la collection du Nouveau Testament, quatre longues lettres Romains, I et II Corinthiens, Galates, trois plus courtes : Philippiens, Colossiens, Thessaloniciens, et trois billets: Philémon, Timothéos, Titus. Comment doit-on en concevoir une édition critique ?

Le texte critique n'est pas rigoureusement établi. Cela tient au grand nombre des témoins et à la difficulté d'en tracer l'arbre généalogique. Les lettres de Paul nous sont parvenues dans une douzaine de manuscrits en majuscules 2, dans plus de six cents en minuscules, dans plus de quatre cents lectionnaires et dans des citations innombrables qui représentent des manuscrits perdus. Hermann von Soden a mis de l'ordre dans cet amas 3. Sa méthode n'est pas inattaquable. Mais on constate que son édition, faite entièrement sur de nouveaux frais, ne diffère pas beaucoup de

1. Ce sont les conclusions qui me paraissent ressortir du livre de P. N. Harrison The problem of the Pastoral Epistles. Oxford, 1921.

2. Le dernier publié est le Ms de Washington (H. A. Sanders, The New Testament manuscript in the Freer Collection. Part II, New-York, 1918).

3. H. Freiherr von Soden, Die Schriften des Neuen Testament. Göttingen, 1913. 4. Voyez p. ex. M. J. Lagrange, Epître aux Romains. Paris, 1916, p. LXVIII-LXIX.

l'édition antérieure de Nestle qui représentait la moyenne des éditions critiques. Le plus souvent, il s'agit de l'ordre de deux mots, d'une particule ajoutée ou omise, parfois d'une simple nuance d'orthographe. Sauf quelques leçons qui demeurent litigieuses, le texte critique de Paul peut être considéré comme pratiquement établi.

Il reste deux questions à résoudre. 1o Chaque lettre, prise à part, a-t-elle sa bonne suite ? On sait qu'un des accidents les plus fréquents arrivés dans la transcription des livres sacrés est le déplacement de certaines parties 1. 2o Dans quel ordre les lettres ont-elles été écrites ? Le Nouveau Testament se borne à les ranger par grandeur décroissante, la plus longue en tête, la plus courte à la fin.

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Le désordre matériel qui a pu s'introduire dans certaines lettres de Paul n'a rien à voir avec le désordre «< lyrique qui peut être attribué au génie de l'auteur. Paul a un tempérament de prophète. Il est « bouillant d'esprit », comme il souhaite que les autres le soient. Il est primesautier, intuitif, abrupt, mais non décousu et incohérent.

On ne peut lire certaines lettres, surtout les deux aux Corinthiens, sans penser à un petit livre dont les feuillets auraient été brouillés, par accident. La majorité des critiques reconnaissent l'incohérence de la seconde lettre aux Corinthiens et admettent qu'elle a été composée avec les morceaux de deux lettres distinctes. Si ce cas est admis, la question doit être posée dans toute son ampleur. On doit chercher si d'autres lettres ne se présentent pas dans des conditions analogues.

Il faut penser, en effet, aux difficultés particulières què rencontra ce qu'on peut appeler la « première édition » des lettres de Paul.

1. On a signalé des déplacements dans le Deutéronome, les Psaumes, Job, Isaïe, Jérémie, Esdras, etc. Voyez ce qu'en dit le P. Condamin, Le Livre d'Isaïe, Paris, 1905, p. IX.

2. Rom. XII, 11.

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