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sacré avec le dragon de Pythô. C'est que la poursuite de Daphné est de toute autre nature que les amours ordinaires des maîtres de l'Olympe. Daphné, comme nous le prouve la cosmogonie arcadienne, est de provenance très ancienne, une sorte d'Eve, le pre nier être féminin sur terre. Est-ce que Séleukos le savait? J'en doute; mais ses conseillers de Delphes devaient en savoir quelque chose. Ici encore la légende vint en aide au pieux roi. Une fois, en chassant au bord de l'Oronte, il trouva une flèche, sur laquelle était inscrit le nom de Phébus. Il en conclut, que c'était l'endroit même où la Terre avait englouti Daphné, après quoi le dieu désolé aurait dissipé par terre toutes les flèches de son carquois. La preuve est loin d'être convainquante à nos yeux, mais c'est la bonne volonté qui nous fait défaut. Pour Séleukos, il fut complètement satisfait, et c'est ici, qu'il fit bâtir un des monuments les plus superbes de l'hellénisme, le temple d'Apollon Apollon epi Daphnê.

Ce temple fut orné d'une statue digne de lui — œuvre de Bryaxis, nous dit-on. C'est pour la seconde fois que nous rencontrons son nom en connexité avec la religion hellénistique nous le connaissons déjà comme auteur du Sérapis d'Alexandrie. Et ici la difficulté chronologique que nous avons relevé plus haut, est encore plus grande, puisque Antioche, fondée en 301, est de date postérieure à Alexandrie. Est-ce qu'ici encore nous aurions à admettre, que Séleukos se soit servi, pour son nouveau temple, d'une statue déjà existante? Ce n'est pas impossible; toujours est-il, qu'une tradition analogue à celle, que nous avons allégué là-bas, nous fait défaut ici.

Quant à la statue elle-même, nous pouvons nous la représenter jusqu'à un certain degré, grâce surtout à Libanius, témoin de sa destruction. On vantait le charme de ses traits. la délicatesse de son cou... ce n'est pas assurément le Zeus de Phidias, auquel on aurait adressé de pareilles louanges. Le dieu était représenté en picine marche, tenant une lyre dans la main gauche et une coupe dans la droite. «< On dirait qu'il chante » ajoute Libanius; « et en effet, quelqu'un l'a

entendu chantant et s'accompagnant de la lyre à l'heure de midi. Quant à l'objet de son chant, c'était la glorification de la Terre, et c'est à elle aussi, paraît-il, qu'il verse son offrande de sa coupe d'or, à elle qui avait englouti la vierge, aimée par lui. »

Voici donc la vraie idée du nouvel Apollon d'Antioche Apollon amoureux.

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C'est ici le cas de rappeler la métamorphose, qu'avaient subie les divinités hellénistiques, métamorphose, dont nous n'avons pas encore parlé. Timothée, nous l'avons vu, a fait tout son possible pour faire entrer sa Déméter d'Élcusis. dans l'Isis d'Alexandrie tout aussi bien que dans la Grande Mère de Pessinonte; le mystère sublime de l'amour triomphant de la mort formait l'essence de toutes les trois religions. Et tout de même la nature de cet amour avait changé. A Éleusis c'était l'amour pur et auguste de la mère pour sa fille; Déméter, c'est la vraie Mater dolorosa de la religion grecque. Pour Isis par contre et surtout pour la Déesse de Pessinonte c'est tout autre chose; et cette dernière a beau s'appeler la Grande Mère c'est l'amour sexuel dont il s'agit chez elle aussi bien que chez Isis. C'est donc l'érotisme oriental qui a mis son empreinte sur le culte cleusinien; et, comme nous l'avons vu tout à l'heure, il n'a pas épargné le dieu sévère de Delphes non plus l'Apollon d'Antioche était l'Apollon amoureux. Etait-ce vraiment Bryaxis qui l'avait conçu de cette façon? Nous ne le savons pas, mais c'était la façon la plus familière à cette ville folâtre et fainéante et à la cour brillante de son roi, Séleukos le Vainqueur.

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VIII

Et voilà donc pour rappeler notre point de départ le songe d'or de Delphes enfin accompli Apollon, reconnu depuis longtemps à Rome, maîtresse prédestinée de l'Occident, triomphait grâce à Séleukos aussi en Orient. En effet, l'alliance avec le roi puissant inaugura pour Delphes une nouvelle époque de gloire, qui dura jusqu'à l'arrivée funeste

de Sylla. Sa double trahison lui porta enfin les fruits désirés. En abandonnant au commencement du ve siècle la cause nationale en faveur de l'envahisseur perse, Delphes accoutuma ce dernier a voir en Apollon un dieu familier à lui; c'est Hérodote qui l'atteste. Et en abandonnant, pour la seconde fois, au milieu du Ive siècle la cause de l'indépendence hellène en faveur du conquérant de Macédoine - on connaît le dicton amer de Démosthène à l'égard de la « Pythie philippisante », — Apollon prépara son alliance future avec le plus puissant de ses successeurs, le fils de son général Antiochus.

J'ai appelé ce triomphe le fruit d'une double trahison; c'est ainsi, en effet, qu'il se présente du point de vue hellénocentrique. Mais il faut se garder d'être injuste. Peut-on refuser à une religion qui sent en soi la force et, partant, le devoir de devenir une religion mondiale

peut-on lui refuser le droit de sacrifier la cause nationale à la cause de l'humanité? Et la religion d'Apollon Pythien sentait en soi cette force l'histoire l'a prouvé -elle tout aussi bien que la religion de Déméter d'Éleusis. Comme je l'ai dit au début de cette étude, ce sont les seules religions grecques qui aient fait preuve d'un prosélytisme actif et puissant, et ce fait n'est pas fortuit. C'est qu'à elles deux elles représentent le dualisme primordial de la religion grecque.

Ce dualisme, c'était celui du Ciel, principe fécondant, et de la Terre, principe fécondé, de Zeus et de Gaïa. Gaïa reparaît dans Déméter, qui de son côté, comme nous l'avons vu, reparaît dans Isis et la Mère des Dieux; et si Zeus est l'exposant religieux du Ciel, son fils Apollon est celui du Soleil, ce qui revient au même, le Soleil étant lui aussi le principe fécondant de la nature. Dès lors, ce dualisme cosmique ne fut plus obscurci; il trouva sa dernière expression dans les deux discours religieux du dernier empereur païen les discours sur la Mère des Dieux et sur le Dieu Soleil de Julien l'Apostat.

Th. ZIELINSKI.

LA FORMATION DU MONOTHEISME

Dans les pages qui vont suivre1 je me propose en premier lieu de faire ressortir l'opportunité, sinon la nécessité, que la théorie évolutionniste bien connue sur le développement de la religion à travers les trois degrés de l'animisme, du polythéisme et du monothéisme théorie qu'avait déjà dessinée Aug. Comte et à qui Edw. Tylor a donné la formulation définitive soit soumise à une revision pour ce qui a trait à la formation du monothéisme. En second lieu, je tâcherai de montrer dans quelle direction l'on pourrait à mon avis chercher une solution différente du problème du monothéisme et de sa formation. J'aurai l'occasion, au cours de mon exposé, d'anticiper quelque résultat des recherches que je poursuis depuis plusieurs années sur ce sujet et qui n'ont été que partiellement publiées dans un volume paru il y a deux ans. J'aurai aussi l'occasion de répondre, d'une façon

1. Ces pages ont été l'objet d'une communication que j'ai eu l'honneur de faire à la séance plénière du Congrès d'histoire des religions réuni à Paris en octobre 1923. Un résumé en est donné dans les Actes du dit Congrès. Ici sont ajoutées les notes et un développement de la partie méthodologique.

2. E. B. Tylor, Primitive culture (1871), 5e édit., London, 1913. Les trois degrés de Comte étaient le fétichisme (découvert par De Brosses), le polythéisme, le monothéisme (Cours de philosophie positive, Paris, Baillière, 1869, V, p. 25 suiv.).

3. Je ne suis pas moins persuadé d'ailleurs que l'autre passage aussi, le passage de l'animisme au polythéisme, est sujet à caution, surtout vis-à-vis des nombreuses observations et des analyses pénétrantes qu'on a fait récemment sur le méchanisme des éléments qui concourent à la formation d'un dieu dans la psychologie religieuse des primitifs.

4. R. Pettazzoni, Dio: Formazione e sviluppo del monoteismo nella storia delle religioni, I: L'essere celeste nelle credenze dei popoli primitivi, Roma, Società Editrice Athenaeum, 1922.

sommaire, à quelque critique relative à la méthode que j'ai employée'.

I

Il ne sera pas inutile de s'expliquer d'abord sur ce qu'il faut entendre par monothéisme2, ou du moins sur ce que nous entendons par là. Ce n'est pas que le sens, voir même l'étymologie du mot soient douteux. Loin de nous, d'ailleurs, le propos de traiter notre sujet à un point de vue strictement logique et verbal. C'est dans la réalité historique qu'il y a lieu à distinguer entre des formations où l'idée du monothéisme apparaît plus ou moins réalisée.

Il faut commencer par établir qu'il y a des cas où il ne s'agit, tout au plus, que d'un pseudo-monothéisme3. Lorsqu'un fidèle est totalement absorbé dans l'adoration de son dieu, comme c'est le cas dans tel hymne védique, dans tel psaume babylonien ou dans telle invocation égyptienne; lorsqu'une ville est entièrement adonnée à la célébration de la fête solennelle de sa divinité protectrice, comme il arrivait en Grèce et un peu partout dans le monde ancien : c'est comme si aucune autre divinité n'existe pour cet homme ou pour ces hommes à ce moment donné. Cependant nous n'avons pas à faire là à un monothéisme, mais tout au plus à ce qu'en suivant l'exemple de Max Müller on a convenu d'appeler hénothéisme1.

1. W. Schmidt, Anthropos, XVI-XVII, 1921-22, 1041 suiv. Cf. Recherches de science religieuse, 1923, 392, suiv., et H. Pinard de la Boullaye dans les mêmes Recherches, 1923, 459, suiv. Pour d'autres comptes-rendu de mon volume, voir: Giovanni Gentile, dans La Critica, 20.1922, 298; R. Kreglinger, Revue de l'histoire des religions, 1923, p. 215 suiv.; Hutton Webster, American Journal of Sociology, 28. 1923, 610.

2. C'est ce qu'a bien vu Max Müller, Chips from a German workshop, I (London, 1868), 352.

3. Cf. W. Wundt, Mythus und Religion, 12 (Völkerpsychologie,, IV), Leipzig, 1910, 17.

4. Ou kathénothéisme : Max Müller, Chips from a German workshop, I, 353 (this primitive intuition of God... was in itself neither monotheistie nor polytheistic); Lectures on the origin and growth of Religion as illustrated by the religions of India (Hibbert Lectures for 1878), London, 1880, 271 suiv.; cfr. Nouvelles études de mythologie (trad. L. Job), Paris, 1898, 103 sv. L'idée d'un « relativer Mono

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