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PRÉFACE.

Nous avons pris soin de faire précéder la Nouvelle Suite de notre Recueil d'une préface assez détaillée. Le lecteur bienveillant y trouvera une esquisse sommaire des grands événements historiques et des principaux changements territoriaux survenus en Europe depuis le traité de Paris du 30 mars 1856 jusqu'en 1877.

Après les guerres sanglantes de 1854, de 1859, de 1866 et la dernière lutte entre la France et l'Allemagne réunie sous les drapeaux de la Prusse, on pouvait croire que l'Europe épuisée d'hommes et d'argent se reposerait pendant longtemps, afin de guérir ses plaies et de vaquer aux affaires de la paix. L'année 1877 paraissait clore l'ère des grandes guerres. Mais l'apparence était des plus trompeuses.

La plus grande question du siècle, la plus riche en conséquence, d'une portée incalculable, la question orientale, ajournée depuis près d'un siècle allait être posée et s'imposer à l'Europe entière. Qu'on nous permette d'être un peu plus explicite en abordant cette question. Un grand nombre des documents sur la plus récente époque, que nous insérons dans notre Recueil de la nouvelle suite sont consacrés à la question orientale. Il n'entre pas dans notre tâche d'écrire l'histoire des traités, mais de fournir les matériaux indispensables à ceux qui écriront cette histoire.

Toutefois nous croyons de notre devoir d'exprimer en toute franchise dans cette préface qui nous en offre l'oppor

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tunité, de quelle manière et sous quel jour nous envisageons ce drame oriental, dont l'issue finale, selon toute apparence, ne sera pas connue de la génération actuelle et d'en résumer brièvement les résultats acquis. Nous l'avons dit ailleurs*), la décomposition de la Turquie est un fait, qu'aucun euphémisme ni aucun artifice diplomatique ne sauraient nier ni conjurer. Nous dirions plutôt: la dissolution de la Turquie n'est plus une question de temps, elle se passe sous nos yeux. Ce ne sont pas des conjectures, ce sont des faits qui nous occupent. Et le traité de San Stefano du 3 mars 1878 est en lui-même la confirmation la plus parfaite de nos assertions et celui de Berlin n'arrêtera sûrement pas le développement ultérieur des faits qui ont précédé. En effet le traité du 13 juillet 1878 a détruit jusqu'au dernier reste de la suzeraineté que le Grand Seigneur exerçait ou semblait exercer sur les principautés danubiennes. De plus la création de la principauté de Bulgarie, dite tributaire, ainsi que celle de la Roumélie orientale, est-elle une oeuvre viable propre à être consolidée? La tendance des deux parties désunies à se retrouver, à se réunir, n'est-elle pas dictée, pour ainsi dire, par une sorte de nécessité naturelle? Et le règlement des frontières entre la Porte Ottomane et la Grèce, tel qu'il a été prévu par l'art. 23 du traité de Berlin, règlement terminé, après de si longues discussions, au printemps de l'année 1882, n'a-t-il pas eu pour résultat une nouvelle diminution de l'état territorial de la Turquie?

Deux siècles sont à peine écoulés depuis le second siège de Vienne par les armées du Sultan. Les Turcs, jadis la terreur de la Chrétieneté ne vivent plus depuis les victoires de notre grand prince Eugène, que par la grâce, ou plutôt par la jalousie des puissances européennes. L'Europe, coalisée

*) Voir Neumann: Droit de Consulat. Vienne 1856, et le »Journal scientifique militaire de Vienne, XXème vol, 1880; de même: La Revue de roit internationala de 1879.

dans les siècles antérieurs contre la Turquie, a, depuis le 18 siècle, pris à tâche de conserver la Porte Ottomane. Il y a plus, la consolidation de cet édifice qui s'écroule a passé à l'état de dogme politique, et, elle est dévenue une des pierres angulaires de l'équilibre politique de l'Europe. Y eutil jamais d'ironie plus cruelle, démentie journellement par les actes mêmes des prétendus soutiens de la Porte ottomane? C'est en voyant sa décrépitude que les médecins diplomatiques de la Porte lui conseillèrent d'essayer la cure des réformes. Elle parut adopter leurs conseils. Bien entendu, elle abonda en promesses de réformes, en promesses qu'elle n'a jamais tenues, et que même elle ne pouvait pas tenir sans se mettre en contradiction évidente avec les principes fondamentaux de son existence. On offrit même à l'Europe, ce fut précisément le jour de l'ouverture des conférences de Constantinople en 1876, le spectacle pompeux d'un parlement ture. Mais un conte oriental ne laisse pas d'être un conte.

Le traité de Berlin a eu beaucoup de détracteurs, il a été l'objet d'amères critiques. On lui reproche, non sans raison, d'avoir enveloppé plusieurs questions importantes dans un certain clair-obscur mystique, de ne pas avoir abordé d'autres questions qui demandaient impérieusement une solution. Nul doute aussi que beaucoup de ses décisions portent l'empreinte d'une évidente précipitation. Mais il est juste, cependant, de dire, que le congrès de Berlin ne pouvait absolument pas avoir l'intention ni la faculté de résoudre l'énigme du Sphinx oriental, et d'arriver, en quelques semaines, comme par un coup de la baguette magique, à la solution de l'immense problème de la question orientale.

Le congrès de Berlin a du moins frayé le chemin à une solution future; il a fait ce qu'il était possible de faire dans les circonstances données et dans la situation créée par la guerre précédente. Mais nous ne pouvons nier, hélas! qu'en dépit de tous les efforts du congrès de Berlin l'avenir, et

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nous ne parlons pas d'un avenir lointain, soit gros des plus graves dangers. Quoiqu'il en soit, grâce à ce congrès, à l'entente de ses membres, nous ne manquons pas de certains points de départ, de repère pour ainsi dire, indiquant la marche à suivre lorsque de nouvelles complications surgiront. Dès que la paix de l'Europe est menacée, l'Europe entière est forcée d'entrer en action; et c'est, revêtues du mandat de l'Europe, que les puissances particulières, emploieront soit leurs bons offices, soit leur forces armées pour soutenir leur propre intérêt aussi bien que pour le maintien ou le rétablissement de la paix universelle.

Un événement de la plus haute importance a puissamment contribué à confirmer nos espérances, à dissiper, en tout cas à diminuer les craintes des âmes timorées. Nous voulons parler de cette alliance étroite, intime entre la Monarchie Austrohongroise et l'Empire d'Allemagne, alliance basée sur la communauté parfaite des plus hauts intérêts. Elle est la garantie la plus efficace du maintien de la paix universelle. Cette alliance on la prévoyait dès long-temps comme nécessaire, comme indispensable et dictée par les besoins vitaux des parties contractantes, aussi bien que de l'Europe entière. Ce n'est que dans les derniers jours que le grand public est parvenu à la connaisance des détails de ce traité, qui fera époque dans l'histoire moderne et qui tout en empêchant le déchaînement de la furie belliqueuse, servira à faciliter la solution des questions les plus ardues.

L'avenir, disent les anciens, repose dans le sein des dieux. Espérons que les voeux ardents que nous formons pour une paix générale et durable seront plus que des rêves.

Nous croyons qu'on nous saura grè de mentionner, dans un résumé succinct, les principaux changements territoriaux, que le traité de Berlin, sans contredit un de plus importants de ce siècle, a opérés dans la configuration de la Turquie européenne. C'est une erreur de considérer le traité de Berlin

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