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Pour donner une définition du progrès, M. Sageret part du progrès biologique dont nous pouvons suivre la marche grâce à la paléontologie et il pose que le progrès de l'esprit fait suite directement au progrès biologique dont il n'est que le développement. Or, si le progrès biologique est fait de gains, il a aussi pour contrepartie la perte de certaines activités l'avantage dans tout progrès est de savoir éviter une trop grande spécialisation qui, vous développant extrêmement dans un sens, vous limite trop dans d'autres.

Les temps présents ont posé à l'auteur ce problème : la guerre est-elle une des formes d'activité du progrès? Ceux qui l'ont prétendu dans le camp germanique se sont uniquement appuyés sur la théorie darwinienne de la sélection. Or, la sélection envisagée comme une lutte de races qui aboutit à la conservation de la race la plus forte ou la plus habile et à la disparition des autres races, est une erreur grossière. La sélection, telle que la nature la pratique, n'a rien de commun avec la guerre. L'animal qui mange un autre animal n'a nul intérêt à la disparition de ce dernier puisque son existence en dépend. M. Sageret aurait trouvé dans le totémisme un argument plus topique encore que ceux qu'il présente, car ici c'est l'homme qui agit et l'on sait que, parmi les habitants du globe, il est à peu près seul à avoir conçu la guerre. La conclusion de l'auteur est très nette : « Pas plus chez nous que chez la bête, la guerre n'a de pouvoir sélectif dans une direction déterminée; ses choix sont aussi arbitraires parmi nos races que parmi les races de fourmis, tantôt bons, tantôt mauvais, tantôt favorables à une qualité, tantôt à la qualité contraire, et le plus souvent ils sont inexistants. Si des peuplades nègres d'Afrique s'étiolent et tendent à disparaître, c'est moins par la guerre que les Blancs leur ont faite que par l'action de l'alcool, de la siphylis, de la tuberculose. Par contre, les peuplades anthropophages du Congo ne marquent aucune tendance à dépérir. Montesquieu a souscrit d'avance à cette observation : « Un climat favorable aux Européens fait qu'ils éliminent, parfois sans guerre, d'assez belles peuplades; un climat où ils ont peine à vivre les rend impuissants, fùt-ce avec beaucoup de guerres, contre des sauvages hideux et dégradés. » Il en résulte que la sélection s'opère alors en faveur de ces derniers. Et M. Sageret a raison de repousser l'étrange abus qu'on a cherché à faire de la science en cette circonstance: « C'est un non-sens de justifier la guerre par la science, d'ériger la guerre en agent de progrès pour les races d'êtres vivants. Guerre et progrès sont ici deux notions, non pas connexes, non pas contraires, mais étrangères l'une à l'autre ».

M. Sageret repousse donc la responsabilité de toutes les barbaries qu s'étalent et qu'on voudrait faire endosser à la science. Si une telle accusation a pu être formulée, c'est grâce à l'erreur de ceux qui ont prétendu enfermer la science dans le cercle du progrès économique et n'ont voulu lui accorder d'autre signification que celle d'une collection de recettes utiles. L'auteur rappelle des principes qui remontent à la belle époque de la philosophie grecque par son

côté spéculatif et désintéressé, la science apparaît bien comme une philosophie; elle est encore une philosophie par sa méthode, par ce que l'on appelle l'esprit scientifique. En face du pragmatisme, du bergsonisme, du néo-thomisme, il pose résolument que a la science est non seulement une philosophie, mais la seule philosophie. »

Il est réconfortant, quelque opinion qu'on ait sur ces sujets, de constater que cette longue guerre n'a nullement éteint chez nous l'aptitude aux spéculations de l'esprit. Et contrairement à ce qu'on avait escompté, contrairement à ce qu'on a souvent prétendu, nous pensons que M. Sageret émet un jugement exact quand il affirme que, de notre côté du moins, « il se manifeste dans les tranchées un esprit de vérité, de vérité conforme à celle que veut la science: on repousse les subtilités, les arguties, la rhétorique, la pensée nuageuse, une foule d'habiletés sans lesquelles les trois philosophies (c'est aux trois philosophies citées plus haut que M. S. en a) ne sauraient vivre ».

RENÉ DUSSAUD.

Le Gérant: ERNEST LERoux.

LE SANCTUAIRE MOABITE DE BETH-PÉOR

MOÏSE ET LA PROMULGATION DE LA LOI DU DEUTÉRONOME

L'histoire et les destinées du vieux sanctuaire moabite sont des plus curieuses et pourraient rivaliser en intérêt avec la chronique attachée au fameux Gabaon', si nous pouvions en établir la chronologie avec quelque certitude. L'avantage serait même du côté de Bèth-Péor si, comme nous nous croyons en mesure de l'établir, cette localité et ce temple sont donnés pour les témoins de la conclusion solennelle de l'alliance promulguée par Moïse dans « les plaines de Moab »>, autrement dit de la législation qu'expose le Deuteronome.

I

Le Péor (Pe'ôr) est un des sommets du massif montagneux du Pisga, qui se dresse sur la rive gauche ou orientale du Jourdain à la latitude de l'embouchure de ce fleuve dans la mer Morte et domine la plaine et la vallée du bas Jourdain. Il possédait une divinité de grand renom, un Baal (Ba'al) et, autour du temple ou fanum du dieu, se groupait une population plus ou moins importante. Baal Péor (Ba'al-Pe'or) est le nom de la divinité; Bèth-Baal-Péor (Bèyt-Ba ́al-Pe ́ôr) est le nom du sanctuaire à la fois et de la localité ou village, comme nous disons Saint-Étienne, Saint-Cloud, Saint-Denis, pour la ville renfer

1) Un vieux sanctuaire chananéen en Israel: Gabaon, Revue bleue, no du 25 juillet 1914.

mant l'Église placée sous le vocable de Saint-Étienne, de SaintDenis ou de Saint-Cloud. Les Septante, en suite de la prononciation spéciale du 'Aïn hébreu, ont transcrit ce mot par Phogor, que l'on trouve aussi dans la Vulgate.

Ce qui a, jusqu'à ce jour, empêché les critiques de reconnaître le lien intime qui rattache le chef et législateur Moïse au temple de Baal du Péor, c'est le fâcheux retentissement d'une aventure survenue au peuple d'Israël en ces lieux.

Précisons bien la situation. Les tribus groupées sous le commandement de Moïse et qui, après un séjour assez bref au pied du Sinaï, avaient résolu d'attaquer le Chanaan par le Sud en partant de l'oasis de Kadès, s'étaient découragées à la suite d'un premier échec. Après de longues hésitations, elles prirent le parti de redescendre au Sud jusqu'à la pointe du golfe Elanitique et de s'engager dans la route qui assurait les relations de la Syrie avec l'Égypte par la rive gauche ou orientale du Jourdain. Les Israélites contournèrent ainsi le territoire occupé par les Edomites, nation trop supérieure à eux par son entrée antérieure dans les voies de la civilisation, pour qu'ils se risquassent à l'affronter1.

A partir de ce moment, nous n'avons malheureusement à notre disposition que les très médiocres renseignements des livres des Nombres et du Deuteronome, visiblement influencés par des théories dogmatiques. Voici ce que nous en croyons pouvoir tirer.

En arrivant à la hauteur du torrent du Zared, qui se jette à l'extrémité sud de la mer Morte, les Israélites ont sur leur gauche les Moabites. On les montre continuant leur route jusqu'à la campagne de Moab et jusqu'au Pisga, qui a vue sur le désert (Nombres, XXI, 11-12 et 20), d'après le document J E, tandis que le document sacerdotal (P) use, pour désigner cette région,

1) Consulter notre mémoire Sinaï contre Kadès, les grands sanctuaires de l'Exode israélite et les routes du désert dans l'Annuaire 1915-1916 de l'Ecole pratique des Hautes-Etudes, Sciences religieuses, Paris, 1915.

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