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sation, pour ne pas avoir besoin de s'approprier ce qui, dans ce domaine, est la propriété d'autrui.

Certes, pour étudier dans l'Islâm en général ou dans l'Islâm espagnol en particulier, l'histoire des idées et la part apportée par les Musulmans au patrimoine scientifique de l'humanité, il faut être non seulement un historien impartial, capable de démêler les documents et d'en faire la critique, mais il faut encore pouvoir consulter soi-même ces documents musulmans, dans leur texte original, c'est-à-dire être arabisant.

Toutes ces qualités, M. Asin les possède au plus haut point et ses travaux antérieurs ont une telle autorité que cet érudit orientaliste, historien et philosophe, était, depuis longtemps, désigné pour occuper dignement un fauteuil dans la savante Compagnie qu'est la Real Academia de la Historia.

Le discours de réception du Professeur M. Asin est d'un si grand intérêt pour notre connaissance du mouvement des idées philosophico-religieuses transportées, dans l'Europe médiévale, par le véhicule de la science musulmane, que nous avons pensé devoir en analyser ici les passages principaux.

Une histoire comparée des religions, dit-il, ne se peut concevoir: 1° sans la coexistence de la religion officielle avec d'autres religions plus ou moins tolérées; 2o sans la présence d'hommes capables d'observer, en historiens et en philosophes, les phénomènes religieux dans leurs origines et leurs causes comme des phénomènes culturels et des faits de civilisation humaine, ce qui nécessite un certain développement des études historiques; 3° sans l'existence d'un certain esprit critique -non pas irréligieux ou incrédule permettant d'examiner objectivement les dogmes de la religion officielle et ceux des autres religions. C'est pourquoi l'antiquité classique ne nous offre rien de semblable, pas plus que la première littérature chrétienne. L'indigence à ce point de vue est plus grande encore, en Europe, durant le Moyen Age, après les invasions des Barbares.

Le fait que ce fut vers les XI-XIIe siècles que, dans l'Eu

rope chrétienne, commencent les premières tentatives pour l'étude du problème de la religion, M. Asin l'explique non comme une préoccupation née spentanément sur les scènes de la civilisation européenne médiévale, mais comme l'inévitable résultat du contact avec une autre civilisation sulmane qu'on imitait pour mieux repousser ses attaques dans l'ordre politique, social et religieux.

la mu

Cependant il faut arriver au XVIe siècle pour que s'esquisse à peine, en Europe chrétienne, l'histoire des religions comme une étude indépendante. L'Islâm au contraire né au milieu des anciennes religions et soumettant les peuples les plus divers dès ses origines, se trouve dans des conditions favorables à une telle étude. Dès le premier siècle de l'hégire le vi° siècle de J.-C.) et dans les siècles suivants les Docteurs dans tous les pays soumis à l'Islâm se livrent avec ardeur à l'étude des religions et surtout de la leur.

M. Asin passe rapidement en revue les travaux des savants. musulmans du vine au XVe siècle dans les diverses branches des études; et cet aperçu montre que dès les ix-xe siècles le monde musulman offrait un vaste champ, favorable à l'éclosion d'une histoire des religions.

Il est notoire que le monde musulman continue les idées grecques durant le haut Moyen-Age, et ainsi «< la pensée. classique ancienne se perpétue sur la scène de l'Islam sans appréciable solution de continuité ». Dès les débuts de l'Islâm <apparaissent des penseurs qui, armés des instruments d'analyse de la philosophie grecque, soumetten! les dogmes de l'Islam au libre examen de la critique et provoquent l'éclosion d'innombrables hérésies, toutes marquées de la même teinte rationaliste ». C'est contre quoi l'orthodoxie doit lutter avec les mêmes armes et la même dialectique. De ces sectes, de ces disputes d'Ecoles de théologiens et de juristes, saturées de philosophie et de critique, naissent d'une part une habitude de discuter du dogme et de la loi religieuse, et d'autre. part un grand mouvement mystique qui n'a fait que se déve

lopper et a envahi tout l'Islâm. Toutefois il ne semble pas être sorti de ces disputes de la scolastique musulmane un scepticisme religieux bien marqué et j'estime exagéré de comparer le rationalisme musulman des Ecoles anciennes au rationalisme moderne: dans l'Islâm, rationalistes ou juristes ont autant d'exaltation religieuse les uns que les autres, et c'est l'un des mérites de I. Goldziher d'avoir mis ce point en lumière dans son étude. Le Dogme et la loi de l'Islâm (trd. Arin Paris, Geuthner, 1920, p. 76 et passim). Qadarites et Djabrites, Mot'azilites et Anthropomorphistes sont musulmans aussi intransigeants, d'un côté que de l'autre, aussi fanatiques, pourrait-on dire, les uns que les autres.

Ce n'est pas à mon sens, dans le scepticisme, mais seulement dans le besoin de rechercher des arguments et des moyens pour des disputes théologiques, afin d'étayer telle ou telle thèse sur le dogme, que sont dues les critiques des sources et des faits religieux.

La critique du hadith, déjà établie au Xe siècle (El-Bokhari est mort en 870 de J.- C.) et qui se poursuit dans les Universités jusqu'au xve siècle, nous montre que, bien avant les Universités européennes, l'Islâm avait apporté une méthode de travail scientifique à cette branche des études d'histoire religieuse.

Au moment où l'Islâm offre ces conditions propices aux études des religions, l'Europe chrétienne est bien loin de leur donner un aussi favorable terrain. Le Christianisme était alors non seulement un maitre absolu et intolérant ne supportant pas comme l'Islam le voisinage d'autres religions sur son domaine. Ces religions, celles de l'Orient ainsi que l'Islâm, étaient ignorées de tous, sauf naturellement des Mozarabes espagnols qui ont quelque connaissance de la religion de leurs maîtres musulmans. Il en est même parmi ces Mozarabes quelquesuns qui sont passablement versés dans la théologie de l'Islâm.

Avant le x siècle les études religieuses dans la chrétienté étaient sans valeur scientifique, et naturellement dépourvues

d'esprit critique, ainsi que le souligne M. Asin qui fait une mention spéciale pour l'obscurantisme et la véritable barbarie qui caractérisent le xe siècle. « Toutes les études théologiques, dit-il, se réduisent à la simple lecture de la Bible, des Pères de l'Eglise et à celles des cérémonies liturgiques ». L'affaissement des études religieuses chrétiennes, chez le peuple aussi bien que chez les Clercs est considérable et au x1° siècle on ne saurait y découvrir la moindre création originale. Il faut arriver au XIe siècle pour apercevoir dans les études théologiques de l'Europe chrétienne une systématisation des doctrines. et une étude philosophique des dogmes.

Les conditions dans lesquelles se trouvait alors le monde occidental étant ainsi marquées, M. Asin montre comment l'Espagne musulmane des x-x1° siècles allait pouvoir donner naissance au « premier historien des idées religieuses » le Cordouan Ibn Hazm '.

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Etudier la vie, les idées et l'œuvre de ce savant musulman espagnol, mort en 1064 de J.-C., c'est montrer ce que l'Islâm occidental était tout comme l'Islâm oriental du restecapable de produire dans la science religieuse à cette époque. C'est à quoi M. Asin consacre la fin de son discours.

Comme tous ceux qui professent des idées nouvelles, tant en religion qu'en politique, Ibn Hazm, le dahirite, fut excommunié par les Uléma malékites de Cordoue et des diverses villes où il chercha refuge. Il a du moins laissé, entre autres ouvrages un livre, capital pour marquer son génie; c'est El-Fisal filmilal qui est une histoire critique des religions, des sectes et des écoles de l'Islâm 2.

De la substantielle analyse que donne de cet ouvrage arabe, M. Asin, il convient de marquer ici les parties essentielles.

1. M. Asin a déjà publié une traduction de l'ouvrage du même auteur, intitulé Kitab-el Akhlaq wassyar fi modawati en nofons sous le titre Los Caraçteres y la conducta de moral practica (1 vol. in-8 de xxxII-180 pages, Madrid,. 1908). Il y donne une sommaire biographie d'Ibn Hazm dans le prologue.

2. Publiée au Caire en cinq tomes, parus de 1317 à 1321 de l'hégire, sous le titre : El-Fisal filmilal wal-Ahwà wan-nahl.

Après avoir passé en revue les diverses croyances humaines sous les différentes formes qui se peuvent rencontrer, depuis le scepticisme ou l'athéisme, jusqu'au théisme et au monothéisme, Ibn Hazm en arrive à l'Islâm, à la doctrine musulmane des diverses écoles.

Il va de soi que, en bon musulman, il écarte successivement toutes les autres croyances religieuses, pour des raisons diverses, et ne garde comme seule valable que la religion musulmane.

Il considère, bien avant Averroès et saint Thomas d'Aquin, que la révélation divine est nécessaire au vulgaire « incapable de connaître par sa scule raison les vérités indispensables à son salut. >>

Parmi les religions révélées le Polythéisme étant incompatible selon lui avec l'idée de Dieu quelle est la vraie : Judaïsme, Christianisme, Islâm? Chacune d'elles est en progrès sur la ou les précédentes. La Bible assure-t-il, avec tous les musulmans de tous les temps d'ailleurs, a été défigurée par les Eglises juive et chrétienne; il s'ensuit que ceux qui suivent ces religions sont dans l'erreur. Si de telles théories font bon marché de la réalité objective, elles dénotent du moins chez l'auteur une connaissance étonnante pour l'époque des textes bibliques et des livres chrétiens.

Ibn Hazm, en musulman, sec et froid, nous dit M. Asin, ne peut concevoir les sublimes effusions de la charité divine envers les hommes « pour cela même, les dogmes de l'incarnation, de la rédemption et leurs effets sur la vie morale du chrétien, sur tout le sentiment mystique de la filiation divine dans les âmes touchées par la grâce, provoquent dans l'esprit d'Ibn Hazm, la plus violente répulsion, les critiques les plus brutales et les plus grossières... ». Mais ce qui intéresse l'historien des religions, c'est la documentation qu'apporte l'au

teur.

Dans son jugement sur les Epitres de saint Paul, Ibn Hazm apparaît comme un précurseur des critiques protestants de

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