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Déjà avant de connaitre ses travaux, j'étais arrivé, de mon côté, à l'idée que les ennemis dont parlent les psaumes de supplication devaient désigner, comme en Babylonie, des hommes soupçonnés d'avoir, par leurs sortilèges et leurs malédic tions, causé les maux du suppliant (1). Et je pourrais signaler plus d'un témoignage confirmant les conclusions de M. Mowinckel. Pour prouver que les Israélites attribuaient à la malédiction le pouvoir de provoquer des maladies, on peut alléguer l'imprécation terrible de David contre Joab et toute sa descendance (2 Sam. 3, 29). D'autres textes montrent que, en Israël comme en Babylonie, on consultait l'oracle sur la cause de la maladie (2), son issue (3), le remède à appliquer (4). Pour établir que, en cas de maladie, on offrait des sacrifices, il y a mieux que des déductions à tirer d'un texte du Lévitique, il y a un témoignage formel de Jésus fils de Sirach:

Mon fils, si tu es malade...

prie le Seigneur...

Abandonne le mal...

Offre du parfum d'apaisement, une offrande commémorative,
de larges sacrifices selon les moyens.

Mais fais place au médecin (5).

Nous possédons, dans la loi elle-même, la description de l'un des rites employés dans ce cas par les prêtres : c'est celui qui consistait à transmettre le mal à un oiseau qu'on lâchait ensuite dans les airs. Če rite ne sert, d'après le texte actuel de la loi (6), qu'à enlever l'impureté légale du lépreux après sa guérison. D'après toutes les analogies, il visait primitivement à enlever le mal lui-même : c'était un exorcisme (7).

En ce qui concerne les psaumes du règne de Dieu, bien que

(1) Je l'avais indiqué dès 1918, dans la Revue de l'Histoire des Religions, ↑ LXXVIII, p. 276-277.

2) Gen. 25, 22; cf. 12, 18; 20, 2-3.

3 1 Rois 14, 1-18; 2 Rois 1, 2.6.16; 8. 7-10.14 ; cf. 20, 1.

(4) 1 Sam. 6, 2-9; Gen. 20, 17; Nomb. 12, 13; 21, 17; 1 Rois 13, 6; ef.

2 Sam. 21, 3.

5) Sir. 38, 9-12.

6) Lév. 14. 2-8a.

7) Pour plus de détails, voyez mon étude sur Les idées des Israélites sur la maladie, ses causes et ses remèdes das Vorm Alten Testament Karl Marli. gewidmet, Giessen, 1925, pp. 181-193.

la chaine de la démonstration de M. Mowinckel ne soit pas sans lacune, je crois sa thèse juste dans son ensemble. Il a dû y avoir, dès avant l'exil, une fête de l'avènement de Yahvé célébrée au nouvel an. Et les psaumes chantant cet avènement devaient faire partie de la liturgie de cette fête. Je doute cependant que ceux qui nous sont parvenus proviennent presque tous, comme M. Mowinckel l'admet, des temps où régnait encore la foi naïve au réalisme cultuel. La plupart d'entre eux me semblent refléter une époque où l'avènement du règne de Yahvé était déjà transporté dans un avenir plus ou moins lointain (96, 13; 98, 9).

L'explication cultuelle des Psaumes en général, si séduisante qu'elle soit, se heurte, il faut le reconnaître, à une difficulté qui me paraît, non pas dirimante sans doute, mais très sérieuse. Si les psaumes étaient composés pour certaines cérémonies et ont été exécutés traditionnellement dans ces cérémonies, comment se fait-il que plusieurs d'entre eux aient été employés à contre-temps dans la liturgie du Temple aux derniers siècles de son existence, comme le montrent les témoi gnages de la version des Septante, de la michna et quelquefois du texte masorétique? M. Mowinckel suppose que l'usage consistant à demander la guérison à des cérémonies rituelles était, à cette époque, tombé en désuétude et que les psaumes de supplication individuels, se trouvant ainsi sans emploi, furent alors utilisés pour d'autres usages liturgiques. C'est possible; mais ce n'est, jusqu'à nouvel ordre, qu'une possibilité. Contre l'attribution des Psaumes au petit personnel du Temple, il y a une objection qui jusqu'ici m'avait paru décisive : c'est le témoignage que le livre des Chroniques nous apporte sur la mentalité des chantres sacrés du second Temple. Ce livre est incontestablement l'œuvre d'un membre de cette confrérie. Or, le ritualisme étroit de cet auteur, son goût immodéré des pompes sacerdotales, son dogmatisme intransigeant me paraissaient offrir le contraste le plus absolu avec la largeur de cœur et d'esprit qui éclate dans tant de psaumes, la

simplicité et la fraîcheur des sentiments religieux qui y sont exprimés, le tour laïc de la plupart d'entre eux et le détachement des formes extérieures qu'on y constate parfois.

Ces objections me semblent aujourd'hui moins graves. La spiritualité des Psaumes, M. Mowinckel l'a bien montré, a sans doute été exagérée. Et puis, les membres des confréries de chantres ne devaient pas tous se ressembler; il y en avait certainement dans le nombre qui manquaient de génie; l'auteur des Chroniques a pu être de ceux-là. Enfin, il faut se souvenir que cet honnête historiographe a vécu sans doute au I siècle, tandis que l'âge de la grande floraison de l'hymnologie juive doit être antérieur.

Si l'on adopte les vues de M. Mowinckel, les Psaumes appa raissent moins mystiques, moins spiritualistes, plus éloignés de nous qu'on ne le pensait communément le rôle des idées magiques et du réalisme cultuel s'y montre plus considérable. Et cela pourra contrister certains des lecteurs de ces pages vénérables. Mais, d'autre part et ceci les consolera peutêtre, on devra en conclure que les Psaumes sont, d'une façon générale, plus antiques que les critiques n'étaient d'ordinaire disposés à l'admettre; quelle que soit la date de leur rédaction, ils auraient, en effet, conservé une large proportion d'éléments (croyances, usages) provenant des temps antérieurs à l'exil.

Adolphe Lops.

LA RÉDEMPTION DANS L'ÉGLISE LATINE

D'AUGUSTIN A ANSELME

Près de sept siècles séparent Anselme d'Augustin. Dans ce long espace de temps nous rencontrons de nombreux écrivains ecclésiastiques. Deux d'entre eux dominent de beaucoup tous les autres et attirent tout d'abord l'attention: ce sont les papes Léon et Grégoire. Il est juste que nous commencions par nous adresser à eux. Nous allons leur demander immédiatement ce qu'ils pensent de la rédemption. Puis, quand nous aurons recueilli leurs dépositions, nous passerons aux autres écrivains. Ceux-ci, malgré leur nombre considérable, devraient être tous interrogés l'un après l'autre, si cette opération était susceptible de nous apporter quelque profit. Mais elle serait aussi inutile que fastidicuse. Il y a donc lieu de faire un choix et de négliger, surtout à partir du 1x siècle, tous ceux qui n'ont pas qualité pour représenter leur époque ou leur pays. Après les papes Léon et Grégoire, on interrogera le Sacramentaire léonien, qui est une œuvre romaine antérieure au VII siècle, et dont un bon nombre de pièces dérivent très probablement de Léon. Puis viendront Fulgence avec son disciple Fulgence Ferrand, Césaire d'Arles, Cassiodore, Isidore de Séville, Bède, Alcuin, Walafrid Strabon, Ra. ban Maur et Pierre Damien.

M'occupant uniquement du dogme de la rédemption, je me bornerai à recueillir les témoignages relatifs à l'oeuvre

rédemptrice accomplie par le Christ, et je laisserai de côté les textes dans lesquels le drame du calvaire est présenté comme une excitation à la vertu. Mais ces textes ne manquent pas. On les rencontre fréquemment, surtout dans les écrits des papes Léon et Grégoire.

I

Le pape Léon a mentionné la rédemption dans des textes multiples parmi lesquels cinq ont, à raison de leur étendue, une importance spéciale. Ils doivent passer les premiers. Sermon XXII (prononcé le jour de Noël). (( Immédiatement après la faute d'Adam, Dieu annonça au serpent qu'un fils de la femme lui écraserait la tête. Par ces mots il désignait le Christ qui, né d'une vierge, condamnerait par sa naissance sans tache (1), incorrupta nativitate damnaret, le corrupteur de la race humaine. Par égard pour les réclamations d'une juste sévérité, justæ severitatis exigente ratione, il avait privé le genre humain coupable de l'immortalité qui, dans le plan primitif, lui était réservée... Toutefois, ne voulant pas que le diable eût le dernier mot, il résolut de nous arracher à la ruine. Des diverses voies qui s'offraient à lui pour détruire l'œuvre du diable, il choisit celle qui mettait en œuvre non la puissance, mais la justice (3), viam elegit qua ad destruendum opus diaboli, non virtute uteretur potentiæ sed ratione justitiae. Notre orgueilleux ennemi revendiquait sur tous les hommes un droit de tyrannie qui n'était pas sans fondement, non immerito sibi in omnes homines jus tyrannicum vendicabat; il les écrasait sous le poids d'un empire qui n'était pas immérité, nec indebito dominatu premebat. Il n'eût pas été juste, non itaque juste amitteret, de lui ravir le genre humain, son esclave depuis l'origine, sans qu'il fût vaincu par celui dont il s'était emparé, nisi de eo quod subegerat vinceretur. Pour en arriver là, quod ut fieret, le Christ naquit d'une vierge, c'est-à-dire en vertu d'une conception que la concu

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