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EMIL BRUNNER. - Die Mystik und das Wort, in-8°, p. 396, Tübingen, Mohr, 1924.

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L'important travail de M. Brunner a pour sous-titre : «L'opposition entre la conception moderne de la religion et la foi chretiennes, exposé à la lumière de la théologie de Schleiermacher» et porte. comme motto l'opposition entre les deux formules suivantes d'une par Goethe, le représentant de la religiosité moderne, romantique et panthéiste » Gefühl ist alles, Name ist Schall und Rauch »; d'autre part Luther, champion de la foi « biblico-évangélique » : Verbum est Principium primum. La position de l'auteur apparaît ainsi comme bien définie dès la première page de son travail : ce n'est pas un livre de pure recherche historique que veut nous donner le porte-parole du mouvement qui lutte pour le retour aux «<sources» de la véritable religion chrétienne, contre sa « déformation » et sa « paganisation » dans les doctrines mystico-naturalistes de tous les temps. Avec P. Barth, M. Brunner veut rendre leur sens propre, leur sens « massif » aux concepts religieux; champion de la religiostité réformée il combat la mystique comme un naturalisme; «< il lutte pour la conception de l'esprit », pour celle du « Verbe créateur », pour la notion de la révélation dans toute sa force primitive, pour l'« épuration » de la foi religieuse de tout «< compromis» avec « la science », la « loi de causalité », la « philosophie de l'identité », la notion de la « continuité », tous ces succédanés du paganisme et surrogats des véritables notions chretiennes. Il lutte pour la religion-connaissance, religion-dogmatique, religion-revélation, contre l'intellectualisme d'une part et la religion du sentiment vague d'autre part; pour un Dieu-personne contre les notions de l'Esprit impersonnel, de l'Absolu indéterminé, superessentiel et « supérieur » aux oppositions et aux limitations. La bête noire de l'auteur est, en philosophie aussi bien qu'en théologie, le fameux axiome; Omnis déterminatio est negatio.

C'est donc un livre de combat que nous offre M. Brunner. Dans la personne de Schleiermacher c'est tout le développement de la théologie moderne du protestantisme, de cette philosophe religieuse subjectiviste, dont Schleiermacher a été le père qui est visé. Mais cela ne nuit nullement à l'intérêt du travail; bien au contraire : vigoureux, ardent, passionné, le livre de M. Brunner est en même

temps une étude historique d'une rare pénétration. Inlassablement l'auteur scrute la pensée de Schleiermacher, la poursuit dans tout ses recoins et en fait admirablement ressortir l'unité d'inspiration philosophique et religieuse.

Schleiermacher, pour lui, c'est le représentant le plus pur du romantisme subjectiviste, dont il fut, avec Schelling, l'inventeur.

Mais, tandis que Schelling abandonna son point de vue primitif, Schleiermacher resta fidèle à la doctine. Schleiermacher n'est pas kantien. Il ne l'a jamais été; toujours il a été réaliste; le monde de la nature et le monde de l'esprit lui ont toujours apparus comme corrélatifs; jamais il n'a su s'élever à la véritable notion de l'esprit, supérieur à la nature, la posant et la dominant; jamais il n'a su se débarrasser du psychologisme par lequel sa théorie de la connaissance aussi bien que son éthique ou sa théologie ont été viciés; jamais il n'a pu voir dans le « sentiment de dépendance absolue », cette base de toute sa doctrine religieuse, autre chose qu'un sentiment, i. e. une réalité psychologique, dont il demande la cause et non le sens; c'est pourquoi la notion de dépendance se confond chez lui et pour lui avec celle de causalité. Or, comme le dit fort bien M. Brunner, le règne de la cause, c'est justement le règne de la nature. La cause c'est la chose. L'esprit est le royaume du Sens.

Et, poursuivant son enquête, M. Brunner accuse Schleiermacher de n'avoir jamais compris le sens véritable, le sens kantien, de la liberté. La liberté, pour Schleiermacher n'est point d'essence spirituelle, c'est à dire supérieure à la « nature » et opposée à elle. C'est tout simplement une cause psychologique, la volonté considérée comme force réelle, agissant « librement », c'est à dire sans être déterminée par une autre cause, chose ou force.

Schleiermacher n'admet nulle part d'opposition véritable. Toute sa dialectique n'est qu'un effort pour réduire et de ramener toute opposition absolue (contradictoire) entre des entités ou des notions s'excluant mutuellement à une opposition toute relative entre des degrés (maxima et minima) d'une même entité. La méthode de Schleiermacher est partout la même il intercale entre les termes opposés un nombre suffisant d'intermédiaires devant permettre un passage continu; il déclare aussi «n'intéressant point la foi » les notions pour lesquelles cette opération ne réussit point pleinement : telle la notion de la personnalité divine et celle, corrélative, de la création. La piété dit-il n'en dépend point.

M. Brunner proteste avec beaucoup de force

et, nous semble

t-il avec beaucoup de raison - contre les tentatives d'éliminer de la religion toute notion et de la réduire à une vague sentimentalité. Il a raison aussi lorsqu'il oppose l'Absolu indéterminé (anεpov) à la forte personnalité du Dieu biblique. La notion de la personne divine, bien loin de se confondre avec celle de l'Absolu indéterminé est, au contraire celle de l'être absolument déterminé, parce que se déterminant d'une manière absolue. Mais il nous semble étrange que, dans cette lutte pour pour le personnalisme divin et la « distance » absolue entre le créateur et la créature distance que cherchent à réduire toutes les doctrines qui identifient la création à la causation et Dieu à la cause première il croit pouvoir s'appuyer sur le transcendentalisme kantien. C'est là qu'il croit trouver la notion véritable de l'esprit, opposé à la nature et la dominant, auto-détermination et non indétermination, liberté non-causale. Cette notion lui semble s'identifier avec celle de la Parole, principe de définition, principe de lumière, Esprit et Verbe seraient ainsi identiques.

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Nous navons nullement la prétention d'épuiser le riche contenu du livre de M. Brunner, ni d'en faire la critique. Qu'il nous soit cependant permis de lui faire remarquer, quand bien même ceci aurait dû le chagriner, que sa doctrine 1° n'a rien a voir avec le kantisme, et 2° qu'elle est elle même mystique et horribile dictu — Augustinienne.

En effet, la notion de création n'a, de toute évidence, aucun sens dans l'idéalisme transcendental. Comme l'a fort bien vu Fichte elle suppose nécessairement la réalité du monde sensible. La notion de l'esprit de M. Brunner n'est pas kantienne non plus. Elle suppose pareillement le réalisme il faut que la nature soit réelle pour que l'on puisse la domineret provient en droite ligne du mystique. catholique F. v. Baader. C'est à Baader également que M. Brunner doit l'axiome: omnis determinatio est positio. Ce qui me fait supposer que M. Brunner a une conception un peu étroite de la mystique, et a, peut être, tort de voir dans Schleiermacher et Schelling ses représentants les plus attitrés. Cet engouement inexplicable pour le kantisme empêche, nous semble-t-il, M. Brunner de rendre justice. complète même à Schleiermacher. Ainsi il ne nous semble point. juste que la notion d'une création continue implique nécessairement un passage au naturalisme et la négation de la personnalité divine.

Peut-on, en effet, concevoir un Dieu-personne qui ne serait point créateur? M. Brunner a raison en ce qui concerne le réalisme naïf de Schleiermacher, mais il a tort de croire que l'idée « biblique » de la création ne l'implique point nécessairement. C'est pourquoi aussi Schleiermacher y voyait plus de difficultés que ne semble y voir M. Brunner, et ne pouvait comprendre comment un esprit pur pourrait agir sur la matière. Il ne suffit pas en effet de dire, comme M. Brunner que la création est inimaginable par définition. Il faut quand même comprendre le sens du terme. Ou bien ne point Femployer.

Je termine mon compte rendu déjà trop long regrettant ne pouvoir consacrer au travail à tout point remarquable de M. Brunner le long article qu'il mérite et en souhaitant qu'il ait de nombreux lecteurs aussi bien parmi les philosophes que les historiens de la religion. On pourrait difficilement, me semble-t-il, leur proposer une lecture plus instructive et plus utile.

A. KOYRÉ.

HESPÉRIS, Tome V (1925), 1er trimestre. Paris, Larose, 1925; 1 fasc. in-8°; 135 pages.

Au cours d'une mission en Espagne, M. Lévi-Provençal a pu examiner le manuscrit 1666 de la bibliothèque du couvent de SanLorenzo à l'Escurial, contenant le Musnad d'Ibn-Marzoùq, Cet ouvrage était considéré comme perdu depuis Maqqari, qui l'avait utilisé pour ses Analectes connus sous le titre de Nafh-et-Tib, et probablement consulté à la bibliothèque de Marrakech. Celle-ci, comme l'on sait, fut embarquée à Safi par le sultan sa'dien Mouley Zaïdân, à destination d'Agadir, à bord d'un navire marseillais qui fut capturé par la flotte espagnole en 1612; Philippe III la fit déposer à l'Escurial. L'auteur, Ibn-Marzoùq, était originaire de Tlemcen où il naquit en 1310; il étudia au Caire, devint un jurisconsulte réputé, fut attaché au service du sultan mérinide Abou'l-Hasan qui avait fait construire el-Mançoùra pendant qu'il assiégeait la ville de Tlemcen, éprouva des vicissitudes, fut nommé prédicateur à Tunis, et se retira enfin au Caire où il mourut en 1379.

Son ouvrage débute par un résumé de l'histoire des Mérinides, donne des indications intéressantes sur le sultan Abou-Saïd, père d'Abou'l-Hasan, sur sa cour, ses ministres, ses secrétaires, et enfin sur les constructions entreprises par l'ordre du sultan. Cette dernière partie fournit des renseignements d'une valeur fort appréciable pour l'archéologie musulmane, M. Lévi-Provençal donne le sommaire des chapitres et des extraits du texte accompagnés de leur traduction.

Le Dr H. P. J. Renaud, continuant ses recherches historiques sur les épidémies au Maroc, publie la traduction d'un nouveau document arabe sur la peste de 1799. M. E. F. Gautier étudie,. au point de vue géologique, la cuvette de Quaouizert avec sa faune fossile; elle est située au pied des grottes décrites par de Foucauld, dans les causses jurassiques du moyen Atlas. M. P. Ricard a signé un mémoire sur les nattes berbères de l'Afrique du Nord, nattes d'alfa de Constantine et d'Oran, de palmier nain et de jonc du Maroc, de bourre de palmier nain de Tlemcen, ornées de dessins variés dont l'auteur donne des photographies et cinquante-un croquis. Deux communications terminent ce fascicule l'une de M. H. de Castries sur la confusion possible entre Kabara et Karabara, deux localités distinctes du Soudan, et l'autre de M. Georges S. Colin sur l'origine de la forme Mahomet donnée au nom arabe Mohammad par les Européens.

Cl. HUART.

H. DELAFOSSE. -- Le quatrième évangile. Paris, Rieder, 1925.

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Des livres du Nouveau Testament l'évangile du « disciple bien aimé est celui qui a la plus haute valeur littéraire et la signification religieuse la plus profonde. Et c'est celui qui a l'origine la plus cachée. «L'origine de cet évangile, a dit Harnack, est la plus grande énigme de toute l'histoire ancienne du christianisme ».

Depuis Wellhausen et Schwartz on reconnait généralement que le livre n'est pas homogène mais qu'il présente deux rédactions différentes, et même antagonistes. Loisy s'est rallié à cette vue, dans la deuxième édition refondue de son Quatrième Evangile (Paris, 1921). H. Delafosse présente une thèse hardie et vigoureuse qui, si elle

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