Slike strani
PDF
ePub

les convives. Mais c'est, pour partie tout au moins, une distrıbution à domicile. Un grand nombre des invités sont à la djemaa; d'autres aussi les femmes notamment font frairie dans leurs maisons. Il reste néanmoins qu'une assemblée nombreuse est réunie pour le banquet. Tous ceux, parents, amis, et ouvriers, qui ont coopéré à la bâtisse, assistent au sacrifice et participent au repas. Beaucoup d'entr'eux mangent ensemble à la maison commune. Il y a donc proprement réunion. Et il y a, d'autre part, communion, qui s'étend à un groupe plus ample, celui des villageois, parfois présents, parfois aussi <«< représentés » par quelques-uns d'entr'eux. En ce sens, le repas est public.

L'offrande est donc un sacrifice communiel. L'animal, sanctifié par l'oblation, consacré par la dédicace aux génies, sanctifie à son tour la maison par son sang. Mais aussi, par la manducation, il purifie et sanctifie les assistants. Ceux-ci absorbent du sacré; l'assemblée entière en est imprégnée. En même temps, et par ce même fait, la solidarité du groupe est attestée. Il renouvelle l'unité de sa substance. Famille, kharouba, çof, et village, fraternisent par le repas (1). A l'égard des pauvres, le repas tient lieu d'aumône; et donc, comme on sait. bien, il purifie celui qui en fait don. Il est enfin rite efficace en soi, de par une action « sympathique »; en préfigurant l'abondance, il la promet et il la crée.

VII. Sacrifices et repas s'accompagnent de vœux, de prières, de danses et de chants. Car l'oblation, suivie de communion, est une fête véritable. Avant ou après le repas, les assistants expriment leurs vœux. Ils souhaitent prospérité au maître de

(1) C'est, en Provence, un usage actuel, où l'on peut voir un parallèle et comme un écho assourdi de ces rites, que le maître de la maison soit obligé de boire avec les ouvriers, lorsque la construction est achevée, et qu'on a fixé, à la cheminée, un rameau de laurier enrubanné. L'on sait que, pour les Grecs anciens, le laurier était l'arbre de bénédiction.

maison, en même temps qu'à tous les siens. Et ce sont là paroles efficaces, qui appellent le bienfait en l'énonçant. Les marabouts aussi formulent leurs souhaits. Ils en ont un riche répertoire, et leur parole est agréable à Dieu. Elle a toute vertu, pour ce qu'ils ont la baraka. A la fin du repas, ils récitent une prière, en prononçant la fatiha, formule coranique de bénédiction. A leur défaut, c'est le doyen de l'assemblée qui prend ce soin. Après quoi, l'on renouvelle parfois les vœux. - A Bezarka, le souper étant terminé, hommes et femmes s'attroupent en une cour. Des femmes, assises en rond, chantent par chœurs alternatifs, de deux ou de quatre voix. Durant ce temps, les jeunes filles dansent, chacune à son tour. Les hommes et les jeunes gens accroupis tout à l'entour assistent en spectateurs. Parfois, exaltés par le rythme, ou charmés par une danseuse, ils profèrent un « merci » bruyant. C'est, avec la touiza, une des occasions, peu fréquentes en Kabylie, où les deux sexes se rassemblent, pour prendre part à une même action. En général, ils sont séparés dans le culte, comme ils le sont aussi dans le travail.

La construction de la maison requiert donc un enchaînement de rites. C'est un thème complexe et multiple, qui se déroule assez uniformément. Sacrifice de fondation; pose de la première pierre; dépôt d'objets dans les fossés, ou sous le seuil; sacrifice nouveau maintes fois, lorsqu'on met la porte, ou le toit; sacrifice surtout après l'achèvement, pour l'inauguration du bâtiment; repas réitérés enfin, après les sacrifices successifs. C'est une liturgie fort bien réglée. Des variétés, néanmoins, s'y découvrent. Ni le nombre des oblations, ni non plus leur moment et leur lieu, ni enfin leur célébration, ne sont tout-à-fait arrêtés. L'on a vu même qu'un choix s'exerçait quant. aux victimes immolées. Rien n'est, en tout cela, absolument rigide; il y a place pour le facultatif.

Les traits de cette liturgie sont simples. Et premièrement, les moments des rites. Ce sont surtout des rites de commencement, et des rites d'achèvement; actes d'entrée, et actes de sortie; initiations, et inaugurations. Voilà pourquoi, dans la plupart des cas, il faut, au minimum, deux oblations et deux repas. Mais il y a, parfois aussi, ce que l'on peut nommer des <<< rites de milieu », qui marquent une étape de l'action. Ce sont alors trois oblations, et trois repas communs.

Quant aux agents des rites, ils appartiennent au moins à deux groupes. Car il y a comme une interférence du culte domestique et du culte public. Les gestes principaux sont le fait du chef de famille c'est lui, presque toujours, qui sacrifie; c'est lui qui donne repas et aumônes (1). Mais les gens du quartier, du çof ou du village, prennent leur part du banquet collectif, comme ils ont eu leur part dans le travail commun. Parfois leur rôle est plus actif; ainsi quand le plus âgé du village commence de creuser les fondations. C'est alors l'officiant luimême, et non pas seulement les assistants, qui est ou qui peut-être étranger à la parenté. Corvée, sacrifice, et repas; travail, réjouissance et culte; actes techniques et actes rituels, mettent en jeu le groupe local tout entier. La construction de la maison est collective en tous les sens du mot.

Pour les objets, ou les effets des rites, ils sont d'un type commun au Maghreb. Le sacrifice bénit la maison, comme fait le dépôt d'objets sacrés; le repas sanctifie les assistants. L'habitation, et l'assemblée, sont l'une et l'autre consacrées. D'où vient, par un surcroît, la faveur des génies. Dans la croyance du Maghreb, la pureté et la vertu donnent à coup sûr le bonheur. Sainteté, et prospérité : c'est là le double résultat des rites de la construction. Dans le Kouriet, l'on dit qu'ils lavent le péché, et qu'ils effacent le tabou. Les génies, à ce que l'on croit, ne veulent point de nouveautés; ils détestent les chan

(1) A Ouaghzen, des Beni Menguellet, lorsqu'on creuse les fondations, la mère de famille y jette une poignée de terre. Fait singulier, dont on ne cite pas jusqu'à présent d'autre exemplaire, et qui pourrait n'être pas sans portée.

gements; ils sont misonéistes et traditionnels. Le sacrifice les apaise, et il les rend accommodants. Il est donc d'importance, et de nécessité; il rend possible la vie des humains.

[ocr errors]

Les moyens, ou procédés des rites, sont multiples comme il convient. Le but est la bénédiction. Le moyen est surtout le contact; plus rarement, la ressemblance, ou ce qu'on nomme magie sympathique ». Les oblations et les onctions, tout de même que les repas, sacralisent par contagion. Les paroles vœux et prières ont néanmoins leur pouvoir spécifique. Mais la bénédiction se fait surtout par communication. L'on en augmente la vertu de deux façons : tantôt par la répétition d'un même rite, et notamment du sacrifice et du repas; tantôt par l'addition de rites différents. Formules et actions tendent au même effet; vœux, prières, dépôts, sacrifices, repas, et aumônes, visent au même résultat. Tout doit être tenté, pour obtenir la baraka, et conquérir la bienveillance des esprits.

Action technique et liturgique en même temps, la construction de la maison Kabyle est bien typique de la vie du Djur. jura. Elle marque l'intensité des sentiments communs. Elle unit tout le groupe local dans les travaux, les rites et les jeux. Elle accuse, en un mot, un esprit de cité.

René MAUNIER,

Professeur agrégé à la Faculté de Droit de l'Université de Paris.

SUR LE DIEU CAVALIER DES CARTHAGINOIS

Dans Les animaux exceptionnels des stèles de Carthage (1), il ne m'avait pas été possible de citer plus de deux de ces pierres sur lesquelles eût été figuré le cheval, alors que des 308 monnaies puniques frappées dans la capitale, 300 représentent ce quadrupède (2); le fragment de stèle punique de Carthage dont M. Icard, Correspondant du Ministère, m'a fait l'amitié de me communiquer l'estampage et qui fait partie de sa collection offre d'autant plus d'intérêt que le cheval y porte un cavalier, cas unique jusqu'ici sur les stèles. L'animal, dont la tête et la croupe ont disparu, est à droite d'un séma mutilé du haut et galope à gauche; du personnage à califourchon, il ne reste que le bas de la jambe gauche, en silhouette assez grossière. (Voir la figure).

៩.

La place occupée par ce motif dans le même registre que le séma, symbole divin avéré, montre qu'il s'agit d'un dieu.

(1) Extrait de la Revue de l'Histoire des Religions, 1921, t. II), p. 12. (2) L. Müller, Numismatique de l'ancienne Afrique, passim.

« PrejšnjaNaprej »