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AFFAIRES DE MACÉDOINE

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Livre bleu anglais 1905 No 2 (Résumé (1).

Le livre bleu Anglais sur les affaires de Macédoine (Turkey n° 2 1905) embrasse une période qui s'étend du mois d'août 1904 au mois de janvier 1905. Il est des plus intéressants, car il nous permet de nous faire une idée exacte de l'application du programme de Mürzsteg. L'action pacificatrice des Agents Civils, rôle considérable de la gendarmerie, premiers essais de réforme financière sont successivement passés en revue.

Dès le mois d'août 1904, les rapports des consuls représentent la situation en Macédoine comme légèrement améliorée. C'est ce que constatent les dépêches n° 6 et n° 9 du Consul Général Graves à Sir O'Connor:

No 6. Salonique, 16 août 1904 «. J'ai trouvé Hilmi Pacha aussi optimiste que d'habitude et tout entier à ses nouveaux projets de conversion de là dîme. Il m'a affirmé qu'il avait pu appliquer cette mesure à dix villages de plus, ce qui faisait trente en tout et que beaucoup d'autres avaient demandé à être compris dans le projet. Il est impossible de dire, pour le moment, ce que seront les résultats financiers de cette réforme, car les paiements en argent, en remplacement de la dime, seront répartis sur une période de quatre mois finissant au mois de novembre; mais Hilmi Pacha était plein de confiance et croyait que les villageois paieraient les sommes pour lesquelles ils sont taxés sans difficulté et que le trésor ne subirait aucune perte.

Il est hors de doute que la présence d'Hilmi Pacha et l'activité sans cesse croissante des Agents Civils ont amélioré temporairement la condition du vilayet de Monastir. Les autorités locales ont été mises en demeure d'agir et quelques-uns des abus les plus criants ont été signalés et redressés. Il serait, cependant, prématuré de compter sur un résultat définitif avant que l'organisation de la gendarmerie ait dépassé la phase d'étude et que des mesures aient été prises pour établir un contrôle effectif sur les finances et la justice. »

No 9, 21 août 1904 :

« Lors de ma dernière visite à Monastir et à Uskub, j'ai eu l'occasion de recueillir de sources variées des informations de nature à confirmer

(1) Consulter aussi Turkey, n° 3, 1905; Turkey, 1.1906; Turkey 1907, 1-3, et le livre jaune français 1903-1905.

l'opinion, déjà faite, que l'année en cours ne serait vraisemblablement pas marquée par une nouvelle explosion de l'activité révolutionnaire dans les provinces macédoniennes.

Il est hors de doute que l'on peut constater, surtout si l'on se rapporte à l'année dernière, une amélioration sensible dans la condition générale du pays. Ce résultat est dû, en grande partie, à l'accord Turco-Bulgare, qui, non seulement a fait amnistier un grand nombre de prisonniers politiques et opéré le rapatriement des réfugiés, mais a encore empêché l'entrée en Macédoine des insurgés venant de la Principauté. Une autre cause a été la présence plus nombreuse d'Européens : les Agents Civils et leur Etat-Major, les officiers de gendarmerie Européens, les agents du comité de secours Macédonien, les journalistes et les voyageurs ordinaires. Plus de lumière a été ainsi projetée sur la situation de l'intérieur du pays; l'attention d'Hilmi Pacha a été appelée sur quelquesuns des abus les plus criants et les autorités locales et militaires ont été mises en demeure d'agir.

L'on doit cependant noter que l'amélioration nettement sensible dans chacun des trois vilayets, après la visite de l'Inspecteur général, a été tout à fait transitoire. Après son départ, les vilayets sont retombés l'un après l'autre dans leur condition normale. Ce fait n'a rien de surprenant si l'on veut constater qu'il n'y a eu aucun changement dans les méthodes du Gouvernement Turc et que l'on n'a pas insisté sur un contrôle effectif européen sur l'administration, les finances et la justice, contrôle sans lequel les efforts d'Hilmi Pacha ne peuvent aboutir à aucun résultat...

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Cette action des Agents Civils semble avoir été des plus réussies. Les rapports des Agents Autrichiens et Russes (Voir no 79 et 80 du livre bleu) insistent spécialement sur ce fait: Rapport de l'Ambassade Impériale de Russie à Constantinople sur les Résultats de l'Action réformatrice dans les Vilayets de Salonique, Kossovo et Monastir, de la Turquie d'Europe. Novembre 1904. « ... Les avantages

de l'action médiatrice des Agents Civils ont été reconnus dès l'abord par la population chrétienne et le nombre des requêtes à l'appui de loutes sortes ou en redressement de torts qui leur parviennent, prend de jour en jour une plus grande extension. Les Agents Civils s'appliquent à donner satisfaction aux justes réclamations qu'elles contiennent, aussi promptement que possible, en les soumettant, d'accord avec l'Inspecteur Général Hilmi Pacha, à un examen impartial et ils puisent parfois à leur tour de précieuses indications pratiques pour l'oeuvre d'organisation ultérieure. Dans l'espace des six premiers mois ils ont réussi à liquider dans cette voie plus de 600 requêtes et réclamations. »

Toutefois, est-il ajouté, il est à constater que la tâche pacificatrice des Agents Civils rencontre aussi de sérieux obstacles dans les rivalités des différentes nationalités chrétiennes entre elles, suscitées par une propagande nationaliste effrénée de leurs meneurs. Ces rivalités se déroulent principalement sur le terrain scolaire et ecclésiastique, sans que la religion soit réellement en cause. Les Puissances qui portent un égal intérêt aux souffrances de toutes ces populations chrétiennes n'ont pas à prendre parti dans ces querelles, purement politiques, s'abritant à l'ombre de diverses chapelles nationales. Leur

rôle est de prêter indistinctement appui au redressement des droits lésés des uns ou des autres, et c'est dans ce sens que s'exerce l'action des Agents Civils en vue de l'aplanissement de chaque conflit en particulier. >>

Le livre bleu est, en effet. rempli de détails sur ces luttes entre les différentes nationalités chrétiennes de Macédoine. Luttes entre Bulgares, Serbes, Grecs; c'est ce que constate, par exemple, une dépêche de Salonique du Consul General du Vallon à Sir O'Connor en date du 29 septembre 1904 (N° 24).

« J'ai l'honneur de vous faire connaître que dernièrement les sentiments d'inimitié qui ont toujours existé entre Grecs et Bulgares se sont aggravés. Les Grecs, qui jusqu'alors avaient été partisans de l'ordre et s'étaient abstenus de représailles, ont, en plusieurs circonstances, recouru aux mesures qu'ils avaient jadis si fortement condamnées chez leurs adversaires. Il y a, à l'heure actuelle, plusieurs bandes grecques en campagne qui ont franchi la frontière il y a une quinzaine.. Les Bulgares sont également engagés activement dans la lutte. Le célèbre brigand Apostol a tellement jeté le trouble autour de Gevgeli que les autorités ont envoyé un demi bataillon pour protéger les Patriarchistes. Les Bulgares de Salonique ont violemment soulevé contre eux la population grecque par les menaces qu'ils ont faites au Métropolitain de l'assassiner.» (1):

Entre Grecs et Roumains, mêmes sentiments de haine causés par la lutte religieuse, ainsi que le prouve une dépêche envoyée d'Athènes le 7 octobre 1904 par Sir F. Elliot au Marquis de Lansdowne: « Hier j'ai trouvé M. Romanos très découragé des nouvelles de Macédoine où la série des actes de violence commis par les Bulgares sur les Grecs continue sans interruption. Mais ce qui le préoccupait pour le moment c'était la propagande roumaine et les encouragements qu'elle recevait du Gouvernement Turc. Les Koutso-Valaques s'étaient de tout temps considérés comme des Grecs et avaient été des soutiens de la cause hellénique, témoin la conduite de Kolettis, le chef révolutionnaire, et du baron Sina, le riche bienfaiteur d'Athènes. Ces années dernières, le gouvernement de Bucarest les a réclamés comme des citoyens Roumains se fondant sur la commune origine et a poursuivi énergiquement cette idée par des secours aux églises et aux écoles. Les roumains vont si loin qu'ils prétendent maintenant qu'il n'y a pas de Grecs en Epire, une province au si grecque de sentiments et de langage que n'importe quelle partie du royaume. Ils sollicitent actuellement du Patriarche de Constantinople, sous la menace d'un schisme, la permission d'employer la langue roumaine dans les églises, et cette demande est fortement appuyée par le gouvernement turc; mais le Patriarche a refusé de la manière la plus énergique et l'on doit espérer qu'il persistera dans son refus.

J'ai insinué que l'histoire passée du mouvement bulgare devait conduire à une politique loyale en matière de concessions ecclésiastiques; mais M. Romanos m'a fait observer que la grande masse des Koutso-Valaques ne désirait nullement l'emploi de la langue roumaine

(1) Voir livre bleu nos 57 et 85, luttes entre Bulgares et Serbes.

dans la liturgie et qu'en poursuivant ce but le gouvernement roumain voulait prendre pied au sud des Balkans. Il m'a déclaré qu'il ne serait pas fâché le voir se réaliser la menace de séparation du Patriarcat, car, s'il en était ainsi, à peine vingt mille Koutso-Valaques en Macédoine se joindraient au schisme tandis que cent mille resteraient fidèles au Patriarcat. » (Livre bleu No 29).

Si l'on ajoute à toutes ces causes de trouble les difficultés soulevées par l'arrangement Turco-Bulgare, il est facile de se rendre compte de la tâche ardue des Agents Civils. Les dépêches nos 19 et 27 du livre bleu nous donnent un aperçu de ces difficultés.

N° 19 dépêche de M. Buchanan au Marquis de Lansdowne.

Sophia, 17 Septembre 1904.

<< Au cours de notre conversation de ce matin, M. Petkoff s'est plaint que le gouvernement turc ne donnait pas suite effective à la question de l'amnistie en ce qui regarde le clergé et les maîtres d'école et que par suite beaucoup d'écoles bulgares en Macédoine restaient fermées. Or, a-t-il ajouté, c'est par l'intermédiaire de ces deux classes, représentant l'élément éclairé de la population bulgare, que le gouvernement avait espéré exercer une influence modératrice sur les paysans. Parmi ces prêtres et ces maîtres d'école, les uns déjà revenus en Macédoine n'ont pu exercer leurs fonctions; les autres, séjournant dans la Principauté, n'ont pas eu la permission de retourner en Macédoine, quoique innocents de toute complicité dans l'insurrection de l'année dernière.

En ce qui concerne la situation générale de la Macédoine, M. Pétkoff m'a fait entrevoir qu'il avait peu de confiance dans la persistance de l'amélioration actuelle et qu'il craignait que le manque d'activité des bandes ne fût une trêve passagère. Les chefs, a-t-il observé, sont d'accord en ce moment pour se tenir tranquilles et attendre le résultat des réformes, mais ils continuent leurs préparatifs et gardent leurs cadres prêts à toutes éventualités. »>

Dans la dépêche no 27, en date du 1er Octobre 1904,

M. Buchanan fait connaitre au Marquis de Lansdowne les résultats d'une entrevue avec M. Petkoff. Ce dernier se plaint que la Porte n'ait pas exécuté les articles 3, 4, 7 de l'arrangement Turco-Bulgare, relatifs à l'amnistie, le rapatriement des réfugiés et les facilités à accorder aux Bulgares voyageant en Turquie pour affaires. L'amnistie n'a pas été appliquée aux maîtres d'écoles et aux prêtres et l'on a empêché de rentrer en Macédoine cinq mille réfugiés sous prétexte que le temps prévu pour l'application du rapatriement était parvenu à expiration. (1) Le livre bleu reconnaît les bons résultats donnés par la réorganisation de la gendarmerie: Le sentiment d'un accroissement de sécurité, déclare le Rapport Russe cité plus haut, par rapport à leurs droits et à leur avoir, n'a pu être que confirmé, parmi les habitants de ces contrées

(1) Voir également le N° 74 du livre bleu.

éprouvées, par l'apparition des officiers étrangers appelés à réorganiser la gendarmerie, et dont il s'agit actuellement d'augmenter le nombre. Parcourant constamment leurs circonscriptions respectives pour les besoins de leur service, ils sont un élément de contrôle permanent de l'Europe, peut-être d'autant plus utile qu'il est moins réglementé dans ce sens; ils accueillent dans leurs tournées les requêtes des habitants, et les transmettent aux Agents Civils; ils peuvent signaler les abus dont ils sont témoins; leur présence fait envisager la gendarmerie comme une force tutélaire et non hostile et vexatoire pour la majorité, comme par le passé. Avec l'augmentation de leur nombre, l'action des officiers étrangers ne pourra que gagner en influence comme en étendue. Pour ce qui est du travail de réorganisation proprement dit, et au dehors des soins d'une meilleure discipline et instruction technique, les officiers étrangers ont déjà procédé à une large épuration du personnel de la gendarmerie, tant en ce qui concerne les officiers que les hommes de troupes, en y introduisant graduellement l'élément chrétien, qui atteint actuellement environ 23 pour cent de l'effectif total. »

Ces faits ressortent de nombreuses dépêches. C'est ainsi que dans une dépêche (Livre bleu no 18) du 20 septembre 1904, le colonel Fairholme expose les résultats, acquis dans le secteur de Drama. Non seulement les officiers européens ont brisé l'obstruction des autorités turques, mais ils ont encore obtenu le droit de visiter les prisons et d'être présents dans tous les procès où la gendarmerie est intéressée. L'on fait, du reste, remarquer que le corps de la gendarmerie a été amélioré d'une façon sensible par le fonctionnement à Salonique de deux écoles de gendarmerie dont le but est d'instruire des officiers, des sous-officiers et des gendarmes. (Livre bleu no 33).

Une grande partie du livre bleu est consacrée au conflit survenu entre la Porte et les Puissances au sujet de l'augmentation du nombre des officiers de gendarmerie européens. Le premier octobre 1904 (Livre bleu no 34) une dépêche du colonel Fairholme à sir O'Connor rendait compte d'une séance de la commission de la gendarmerie tenue à Salonique. La commission, déclare-t-il, a été unanime pour demander la nomination de 23 nouveaux officiers dans la proportion suivante : six Autrichiens, six Russes, cinq Italiens, cinq Français et un Anglais. Le 18 octobre, réponse de la Porte aux Ambassadeurs d'Autriche et de Russie qui avaient annoncé l'arrivée des officiers: « Le Gouvernement Impérial ne saurait aujourd'hui, pour les mêmes considérations, revenir sur sa décision. En effet, lesdits officiers, qui sont entrés depuis plusieurs mois dans l'exercice de leur mandat, poursuivent leur tàche d'une façon satisfaisante, et à en juger par le travail déjà accompli, tout fait présumer que dans un bref délai l'œuvre de réorganisation sera menée à bonne fin.

Dans ces conditions et eu égard aux sacrifices assumés par le Trésor Impérial pour le succès de cette réorganisation, l'adjonction de nouveaux officiers au moment où tout marche à souhait, loin d'offrir quelque utilité, ne pourrait, au contraire, que causer des complications et entraîner de nouvelles dépenses que le budget déjà trop chargé des trois provinces n'est pas en état de supporter.

Le 22 octobre, les ambassadeurs d'Autriche et de Russie déclarent

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