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ments << sur la question de savoir s'ils seraient disposés à prêter la main à la conclusion d'une Convention internationale sur le travail dans les fabriques ». Mais les réponses reçues furent loin d'être encourageantes.

Cependant, des législations sur le travail s'élaboraient, des projets étaient soumis à divers Parlements et les milieux intéressés se familiarisaient toujours mieux avec l'idée de la réglementation internationale des conditions ouvrières. La Société Suisse de Grütli ayant préconisé de nouveau, en 1886, la nécessité de cette réforme, une seconde motion fut déposée au Conseil national par MM. Decurtins et Favon, et adoptée en juin 1888, motion qui recommandait au Conseil fédéral d'ouvrir des pourparlers en vue de faire déterminer par des traités internationaux ou par une loi internationale la protection du travail des mineurs, la limitation du travail des femmes, le repos hebdomadaire et la journée normale de travail.

Le Conseil fédéral, procédant avec une grande circonspection et voulant se présenter devant les Etats avec un programme concret destiné, d'une part, à régulariser jusqu'à un certain degré la production industrielle, et, d'autre part, à améliorer les conditions de la vie de l'ouvrier, lança les invitations à une Conférence préparatoire pour le mois de septembre 1889; dans son idée, celle-ci devait discuter les Bases d'une Union internationale et régler surtout le travail du dimanche et le travail des enfants et des femmes dans les établissements industriels, << afin, dit-il, que la famille ne soit pas livrée à la dépravation physique et morale et ruinée par le fait d'une exploitation trop considérable et trop précoce des forces de l'ouvrier ». Le « projet d'un programme de discussion », rédigé sous forme d'un Questionnaire, contenait les six points suivants: interdiction du travail du dimanche; fixation d'un minimum d'âge pour l'admission des enfants dans les fabriques; fixation d'un maximum de la journée de travail pour les jeunes ouvriers; interdiction d'occuper les jeunes gens et les femmes dans des exploitations particulièrement nuisibles à la santé et dangereuses; restriction du travail de nuit pour les jeunes gens et les femmes; mode d'exécution de Conventions qui pourraient être conclues. En revanche, la question de la journée normale de travail avait été retranchée de l'ordre du jour, car le Conseil fédéral avait pu se convaincre que, sur ce point, son initiative ne serait pas suivie par certains Gouvernements.

La Conférence dut, il est vrai, être renvoyée de quelques mois, en raison d'événements politiques, mais l'accueil qu'avaient rencontré, cette fois-ci, les notes-circulaires du Conseil fédéral auprès des Etats faisait bien augurer du succès de ces assises, lorsque l'action parallèle, ouverte indépendamment par S. M. l'Empereur d'Allemagne sous forme de deux rescrits du 5 février 1890, et la convocation des Puissances à une conférence devant être ouverte à Berlin le 15 mars 1890, vinrent changer la tournure des choses. Sur le désir exprimé par l'Allemagne de voir la Suisse renoncer pour le moment à la Conférence de Berne, le Conseil fédéral y consentit d'autant plus volontiers que la cause de la protection ouvrière allait recevoir une consécration éclatante grâce à T'empressement généreux de l'Empereur Guillaume II et que là où il s'agissait de faire avancer avant tout l'oeuvre abordée d'un commun effort, aucune hésitation n'était admissible.

Le programme de la Conférence de Berlin était conçu dans des

termes analogues à celui de la Conférence projetée par la Suisse, sauf qu'il contenait encore l'examen du travail dans les mines, en dehors de la réglementation du travail du dimanche, des enfants, des jeunes ouvriers et des femmes. Mais les débats approfondis qui eurent lieu à Berlin ne firent que rendre plus saillantes les divergences existant dans les conditions industrielles de pays à pays, ainsi que les obstacles qui s'opposent à l'organisation internationale du travail; aussi les résolutions de la Conférence ne purent-elles revêtir que la forme de simples vœux. Ceux qui se réfèrent à une matière qui s'est maintenue à l'ordre du jour international, le travail des femmes, déclarent désirable que, sans distinction d'âge, elles ne travaillent pas la nuit; que, sauf exceptions admises pour certaines industries et sous réserve de restrictions pour les occupations particulièrement insalubres ou dangereuses, le travail effectif des femmes ne dépasse pas onze heures par jour et qu'il soit interrompu par des repos d'une durée totale d'une heure et demie au moins; enfin que les femmes accouchées ne soient admises au travail que quatre semaines après leur accouchement.

Il est facile de constater par cet exemple que les vœux adoptés à Berlin, s'ils n'ont pas été suivis de sanction, ont, au moins, pose de précieux jalons sur cette route épineuse de l'unification et ont puissamment éclairé l'opinion publique; aussi est-il bien permis de leur appliquer les paroles de Properce: In magnis et voluisse sat est. D'ailleurs, le renouvellement de réunions semblables avait été positivement prévu et la Suisse déclara, dans le message du Conseil fédéral du 9 juin 1890 concernant la Conférence de Berlin, ne pas vouloir rester stationnaire, mais achever, au gré des circonstances, ce qu'elle avait commencé. En effet, à la suite des résolutions votées par les Chambres en juin 1895, le Conseil fédéral tenta en 1896, par l'entremise de ses agents, un troisième essai de rouvrir la question internationalement, mais ne recueillit que des réponses pour la plupart évasives.

II.

Une nouvelle phase s'ouvre dans l'évolution de cette œuvre. A l'action gouvernementale succède l'initiative privée, jeune et vigoureuse. De même que les inventeurs, les littérateurs, les artistes, les pacifistes, etc., se sont unis pour faire triompher leurs revendications et ont, par leur action collective, préparé l'élaboration d'Unions internationales ou d'Accords entre Etats, de même les économistes, les légistes, les fabricants et les ouvriers se rencontrent dans une aspiration commune pour s'entourer des lumières propres à se concilier le concours des esprits non prévenus. C'est l'Association pour l'étude des accidents du travail qui, dès 1889, commence à déployer une activité féconde, étendue plus tard aux assurances ouvrières; ce sont les Congrès internationaux pour la protection ouvrière tenus en 1897 à Zurich et à Bruxelles qui demandent la fondation d'un Office international du Travail; c'est le Congrès des partisans de la protection ouvrière, réuni à Paris lors de l'Exposition universelle de 1900, qui décide la création d'une Association internationale pour la protection légale des travailleurs, association tout à fait neutre au point de vue politique et social, et divisée en sections nationales. Peu de mois après, le 1er mai

1901, l'organe central de cette association, l'Office international du Travail, commence à fonctionner à Bâle; cette institution privée obtient l'appui financier de la Confédération suisse et, successivement, des subventions d'une série d'autres Gouvernements qui témoignent par là de leur volonté de seconder ses recherches scientifiques sur les réformes législatives et autres réalisées ou projetées dans divers pays. Les réunions que l'Association tient à Bâle et à Cologne avec l'assissistance des Délégués de plusieurs Etats examinent avec ardeur quelles exploitations économiques ou quelles parties de l'organisation du travail industriel se prêtent surtout à l'élaboration d'une entente générale; après avoir signalé comme particulièrement nuisibles, parmi les premières, l'emploi du phosphore et la fabrication de la céruse, et, parmi les secondes, le travail nocturne des ouvrières, l'Association fait prier le Conseil fédéral, par l'entremise d'une Commission spéciale d'étude, réunie à Bâle en septembre 1903, de bien vouloir convoquer une Conférence internationale à qui incomberait le soin de rédiger un accord destiné à interdire, dans des délais limités, le travail de nuit des femmes occupées dans l'industrie et l'emploi du phosphore blanc dans la fabrication des allumettes.

Le Conseil fédéral entre dans ces vues. La Conférence, d'un caractère consultatif et technique à la fois, s'ouvre dans la salle du Conseil des Etats, à Berne, le 8 mai 1905 (1); quinze Gouvernements y sont représentés par 51 délégués. Le programme de la Conférence a été prudemment défini et ne renferme que les deux questions précitées qui semblent mûres pour la codification. Après les discussions aussi laborieuses qu'instructives, la Conférence, animée d'un esprit de large conciliation, adopte, le 16 mai 1905, deux textes réunis en un Acte final, les « Bases d'une Convention internationale sur l'interdiction de l'emploi du phosphore blanc (jaune) dans l'industrie des allumettes. »

En même temps les Délégués prient le Conseil fédéral de saisir les pays intéressés de ces propositions en vue des négociations diplomatiques qu'ils jugeront utiles d'ouvrir. Les propositions sont transmises aux Gouvernements des Etats représentés à la Conférence préparatoire par une note-circulaire du 26 juin 1905. La réunion de la Conférence diplomatique de 1906 est le fruit de cette démarche.

Circulaires du Conseil fédéral suisse

PREMIÈRE CIRCULAIRE

Berne, le 30 décembre 1904.

Monsieur le Ministre,

A la demande de la Commission instituée par les Délégués, réunis à Cologne, de l'Association internationale pour la protection légale des

(1) Arch. dipl. 1905, t. 95, p. 271 et suiv.

travailleurs, le Bureau de cette Association nous a priés, en date du 16 septembre 1903, de vouloir bien convoquer une Conférence internationale aux fins de résoudre les questions suivantes touchant la protection ouvrière :

1° Interdiction de l'emploi du phosphore blanc dans l'industrie des allumettes.

2o Interdiction, pour les femmes, du travail industriel de nuit.

«

En ce qui concerne ce second point, il résulte des déclarations du Bureau et des << Résolutions » de la Commission précitée (délibérations des 10 et 11 septembre 1903, à Bâle) que la question embrasse les postulats ci-après:

a. Sous le terme de « femmes », on doit entendre toutes les ouvrières, sans distinction d'âge.

b. L'interdiction du travail de nuit des femmes. doit consister à assurer à toutes les ouvrières employées dans un établissement industriel, donc en dehors de leur famille, un repos de douze heures consécutives du soir au matin.

c. Des dispenses pourront être prévues pour le cas d'accident imminent ou déjà survenu.

d. Les ouvrières dont le travail s'applique à des produits susceptibles d'altération très rapide, par exemple ceux de la pêche et de certaines industries fruitières, peuvent être autorisées à travailler la nuit, chaque fois que cela est nécessaire pour sauver les produits d'une perte inévitable.

e. Les industries saisonnières et celles dont les besoins sont analogues trouveront, dans une disposition transitoire qui fixe à dix heures la durée du grand repos de nuit, les heures supplémentaires dont elles peuvent avoir besoin dans l'état actuel de leur organisation.

f. Des délais à déterminer pourront être accordés pour la réalisation des réformes.

On trouvera également des renseignements sur la question dans les deux ouvrages suivants: «Mémoire explicatif sur l'interdiction de l'emploi du phosphore blanc dans l'industrie des allumettes » et «Mémoire explicatif sur les Bases d'une interdiction internationale du travail de nuit des femmes. » Ces ouvrages ont été communiqués aux divers Gouvernements, en 1904, par le Bureau de l'Association internationale, au nom de son Comité.

Nous avons fait pressentir confidentiellement les Gouvernements d'un certain nombre d'Etats, à l'effet de savoir s'ils réserveraient bon accueil à une proposition suisse visant la convocation d'une Conférence internationale. La presque unanimité des Etats en cause ont officieusement fait connaître leur adhésion provisoire.

Le Conseil fédéral suisse, en cela fidèle à ses traditions, croit done devoir donner suite à la demande qui lui a été adressée. Nous verrions, nous aussi, avec satisfaction se réaliser enfin, ne fût-ce d'abord que dans un cadre restreint, l'idée d'une entente internationale touchant certaines questions de protection ouvrière. Nous avons le ferme espoir que la Conférence ne se contentera pas de manifestations théoriques, mais

qu'elle s'efforcera de préparer une entente effective entre les Etats. Nous estimons, à cette fin, qu'il y aurait lieu, pour la Conférence, d'établir les principes de Conventions internationales; ce travail, cela va de soi, ne préjugerait en rien les intentions des Gouvernements représentés à la Conférence, et la conclusion même des Conventions demeurerait entièrement réservée à d'ultérieures négociations diplomatiques.

Nous proposons de faire figurer au programme de la Conférence les questions mentionnées sous chiffres 1 et 2 ci-dessus et définies sous lettres a à f. L'idée d'étendre l'interdiction du travail de nuit aux jeunes gens du sexe masculin, jugée inopportune de différents côtés, a été abandonnée. Il est désirable que, par le fait même de l'étroite limitation de son programme, la Conférence aboutisse plus facilement à une entente féconde en heureux résultats.

La Conférence internationale s'ouvrira le lundi 8 mai 1905, à 3 heures de l'après-midi, dans la salle du Conseil des Etats, au Palais fédéral, à Berne. En y conviant le Haut Gouvernement de Votre Excellence, nous le prions de vouloir bien nous faire connaître les noms de ses Délégués.

La présente note-circulaire a été adressée aux Gouvernements des pays suivants: Allemagne, Autriche-Hongrie, Belgique, Danemark, Espagne, France, Grande-Bretagne, Grèce, Italie, Luxembourg, PaysBas, Portugal, Roumanie, Serbie, Suède et Norvège.

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l'assurance de notre considération très distinguée.

Au nom du Conseil fédéral suisse:
Le Président de la Confédération,
COMTESSE.

Le Chancelier de la Confédération,

RINGIER.

DEUXIÈME CIRCULAIRE.

Berne, le 26 juin 1905.

Monsieur le Ministre,

Par note-circulaire du 30 décembre 1904, nous avions invité votre Gouvernement à se faire représenter à une Conference internationale pour la protection ouvrière, qui devait avoir lieu à Berne."

A notre vive satisfaction, vous avez bien voulu donner suite à notre invitation, et nous vous en exprimons ici toute notre gratitude. La participation de quinze Etats a permis à la Conférence, dans sa session du 8 au 17 mai 1905, d'épuiser le programme proposé par notre circulaire et de prendre d'importantes décisions.

Nous vous remettons ci-joint les procès-verbaux de la Conférence, en faisant remarquer que MM. les Délégués des Etats participants les recevront directement.

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