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MARC LATIN ET
ET MARC GREC

On a honneur et avantage à débattre un problème de philologie des évangiles avec un helléniste de l'envergure et de la courtoisie de M. Hubert Pernot. Ses Pages choisies des évangiles, ses Etudes sur la langue des évangiles sont devenues classiques. Par la connaissance approfondie du grec populaire et du néo-grec il a fixé le sens de beaucoup de passages controversés. Il n'a pas l'effroi des solutions nouvelles. Il ne rejette pas non plus a priori une tradition ancienne qui contredit nos routines. Je ne me sentirai parfaitement affermi dans la position que j'ai prise que lorsque je serai parvenu à le convaincre.

La question débattue est celle-ci. Je défends la tradition qui nous apprend que l'évangile de Marc a été écrit en latin (popust) Et j'estime que le texte latin dont le Codex Bobiensis k et le Coder Palatinus e sont des témoins, malheureusement grossiers et incomplets, n'est pas la traduction du texte grec représenté par les manuscrits chefs de file B, D et W. Au contraire M. Pernot défend l'opinion généralement admise que le texte de k est une traduction

du grec.

De deux versions mises en regard, l'une latine, l'autre grecque, il peut sembler facile de décider où est l'original, où est la traduction. En fait c'est assez délicat. Le grec et le latin se calquent fort bien l'un sur l'autre. Il faut une pesée minutieuse de

(1) Voir dans la Revue L'Evangile de Marc a-t-il été écrit en latin (juillet-décembre 1926) et Un prétendu original latin de l'évangile de Marc (janv.-févr. 1927).

quelques passages choisis et un dénombrement des caractéristiques générales.

Je suivrai la critique de M. Pernot en m'attachant à ne laisser aucun argument sans examen.

Une remarque est à faire au début. « Le copiste de k, dit justement M. Pernot, était d'une crasse ignorance; il ne comprenait sans doute que fort peu le latin qu'il avait sous les yeux et il était, comme scribe, tout à fait inexpérimenté. » Il fait à chaque ligne des fautes incroyables. Il écrit uerum in quo oritur pour uermis non moritur, regnus pour petrus, feribas pour scribas, nuptis pour uultis, filia pour folia, nomen pour non enim ou pour pater, et sum pour tuum, in tribus pour inscriptio, inprobitas pour haerebit ad, illi monet pour illo omnes, si mulier pour similiter, etc. Mon but n'était pas de refaire l'édition critique de k qui a été donnée par Hans von Soden (Das lateinische Neue Testament in Afrika zur Zeit Cyprians. Leipsig 1909, p. 429-449). J'ai donc suivi en général le texte établi critiquement par Soden. J'ai signalé seulement les corrections que je proposais moi-même. Ainsi dans mon premier exemple j'ai donné seruis suis au lieu de discipulis suis, domus au lieu de domui, utrum au lieu de uerum, gallorum cantu au lieu de gallorum gallo, corrections de Soden que personne ne contestera. Et j'ai indiqué que je lis dixit, au lieu de dixi que donne le manuscrit.

I

XIII, 34-37 (parabole du portier). Le latin a deux mots qui ne sont pas représentés en grec sic et uni. M. P. fait de sic une simple addition et de uni une correction maladroite introduite par un copiste qui pensait à l'interlocuteur de Jésus, présenté trentequatre versets plus haut (XIII, 1 Maître, regarde quelles pierres...)

Je vois au contraire dans sic le corrélatif de quomodo (comme un homme... a commandé au portier de veiller, de même veillez car vous ne savez pas quand le maître de la maison vient). En latin les deux propositions ont un lien organique: parabole, appli

cation. En grec l'enchainement est làche (ós...). Sic me paraît donc primitif.

Quant à uni, il dur de le rapporter à un interlocuteur déjà lointain à qui Jésus n'a rien dit de comparable à ce qu'il dit maintenant. Si l'on adopte la correction dirit au lieu de dixi, le sens est tout simple: Ce que l'homme a dit à un seul (au portier) je vous le dis à tous. C'est la conclusion de la parabole.

En ce cas la faute dixi a passé en grec où elle a donné: Ce que je vous dis, je le dis à tous. M. P. entend: Ce que je vous dis. à vous quatre (Pierre, Jacques, Jean et André qui ont demandé à part: Dis-nous quand ces choses arriveront. XIII, 1), c'est à tous les disciples que je le dis. Mais la phrase, dans son con-, texte, paraît conclure la parabole plutôt que nous ramener au verset 4. Swete (The Gospel according to St Mark, 3 éd. Londres 1920. p. 319) dégage ainsi la leçon du morceau : devoir de veiller n'est pas limité au popós, tous doivent prendre la veille. » Or ce sens naturel est dans le latin (avec la lecture dixit) et n'est pas dans le grec.

« Le

XIV, 41-42 (à Gethsemani). Le latin a douze mots: ecce appropinquauit qui me tradit et post pusillum excitauit illos et dixit, dont les sept derniers ne sont pas représentés en grec et dont les cinq premiers sont, en grec, à une autre place, trois phrases plus loin. En revanche le grec a iné (tò téλos) qui n'est pas représenté en latin.

Pour M. P. un traducteur latin a ajouté et post pusillum excitauit illos et dixit parce qu'il a pris à tort xzbudete (10) hoov zal ávaπzússe pour des impératifs. Il a voulu rendre la scène compréhensible et empêcher que Jésus dise à la fois : Dormez, réveillez-vous! Selon M. P. zzúdere. vaпaúce sont des indicatifs. I signifient: Alors voilà que vous dormez et que Vous reposez! Réveillez-vous !

M. P. est, à ma connaissance, le premier exégète qui propose d'entendre ces mots à l'indicatif, sans interrogation (Klostermann veut les entendre à l'interrogatif: Dormez-vous ? à quoi to homó s'oppose). J'objecterai qu'un peu plus haut, dans

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un contexte semblable popsits xal пpoσzúуzes sont à l'impératif. Dans l'antiquité, l'indicatif n'a été senti par personne. La Vulgate, comme M. P. le rappelle, traduit par l'impératif. Euthymius commente : «< Jusqu'à présent vous n'avez pas veillé, maintenant dormez et reposez-vous, si vous pouvez ! »

Le passage d'Irénée auquel M. P. fait appel suppose l'impératif Inveniens eos dormientes. Dominus primo quidem dimisit, significans patientiam Dei in dormitione hominum, secundo uero ueniens excitauit eos et erexit (IV, xx11, 1). Jésus laissa dormir les disciples, pour montrer la patience de Dieu devant le sommeil des hommes. Il ne leur a donc pas dit avec impatience : Alors voilà que vous dormez ! Fait plus significatif encore, le passage suppose les mots et post pusillum excitauit illos et dixit, mots qui ne sont pas représentés en grec et n'existent que dans k. Il atteste ainsi que le texte dont k est le témoin était lu vers 180. Le grec n'a pas d'attestation aussi ancienne.

On ne peut donc admettre que les mots et post pusillum excitauit eos et dixit aient été inventés par un traducteur. Sur la caution d'Irénée, ils ont toute chance d'être primitifs.

M. P. ne rend pas compte du déplacement en grec de ecce appropinquauit qui me tradit ni de l'absence en latin de in! (TO TÊN 5).

J'ai proposé de ces deux faits une explication très simple. Les douze mots où se marque la divergence du latin et du grec sont précédés de iam nunc; ils sont suivis de iam hora est. Je pense qu'il s'est produit un saut du même au même, de iam à iam. Le traducteur grec a sauté douze mots. Puis, s'apercevant de l'omission il a traduit, plus loin, la fin de la phrase tronquée (ecce appropinquauit qui me tradit) en indiquant l'écart par nota: nézetékos, la fin est plus loin. Cette note au copiste a pénétré dans le texte. Voila pourquoi ἰδοὺ ὁ παραδιδούς με ἤγγικεν est déplacé en grec et pourquoi απέχει (τὸ τέλος) n'est pas représenté en latin (1).

le

(1) XIII, 29. Le latin in proximo et in foribus est finis offre un bon sens. Dans le grec: È Èsty Em! Oupas, le verbe souffre de l'absence de sujet.

XV, 34-35 (il appelle Elie). M. P. admet que le grec de B: . pourrait être une correction d'après l'araméen. 'Exo rend inconcevable le malentendu : il appelle Elie. Le grec de D: he, (prononcé ) le rend moins coulant que la curieuse transcription latine: heli heliam.

Ad quid me maledixisti? se comprend comme accomplissement de la fameuse citation paulinienne du Deuteronome (XXI, 23): Maudit de Dieu est celui qui est pendu au bois. Au contraire ὠνείδισας με de D ne se comprend ni comme citation du Psaume XXII, ni comme citation du Deutéronome. Je ne puis y voir que la traduction de me maledixisti. Les leçons du Colbertinus c (exprobrasti me) et du Vindobonensis i (me in opprobrium dedisti) sont des retraductions latines de dig u. Si malediristi est, au contraire, primitif, il faut qu'il soit « en suspens » et il l'est en effet. Quant à B, il a le texte du Psaume XXII: yxatné μe (pourquoi m'abandonnas-tu ?): me maledixisti ne peut pas en être la traduction.

XV, 39 (confession du centurion). D'après le latin le centurion est frappé du cri de Jésus (quia sic exclamauit). D'après le grec il est frappé de sa mort si rapide (ött oйtos éénveuse). La confession du centurion: Vraiment cet homme est fils de Dieu, est mieux amenée par le cri de Jésus que par la rapidité de sa mort. M. P. demande : « En quoi le fait de crier Mon Dieu indique-t-il qu'on est fils de Dieu ? Le fait de mourir rapidement l'indique bien moins. Dans ce n'est pas veuse mais xoátas ééπvsudev qui me parait reposer sur exclamauit.

IX. 12 (Elie est venu). Le latin porte: I (Elie) fit tout ce qu'il devait faire (fecit quanta oportebat illum facere), selon qu'il est écrit sur lui. Le grec: On lui fit tout ce qu'on voulait (ἐποίησαν αὐτῷ ὅσα ἤθελον selon qu'il est écrit sur lui. La supériorité du latin est éclatante et j'ai indiqué comment le grec en est la corruption ἐποίησεν τη ἐποίησαν, ὄφελον Ιu ἤθελον). M. P. veut bien reconnaitre que k représente ici la bonne tradition. Si dans ce passage le latin est manifestement original il

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