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eût toujours pour les doctrines augustiniennes avait encore contritribué, dans le milieu particulier où vivait Malebranche, à orienter les esprits dans ce sens. L'Oratoire sera, au XVIIe siècle l'un des principaux soutiens de l'augustianisme en France. Si notre philosophe voulait désarmer les théologiens, il ne pouvait donc se placer sous une meilleure égide que sous celle du premier des Docteurs ; et s'il voulait rassurer sa propre conscience, il ne pouvait trouver un représentant plus sûr de la tradition catholique.

C'est donc en toute bonne foi qu'il s'est proclamé disciple de saint Augustin et héritier fidèle de son esprit ; nous ne pouvons mettre en doute sa franchise. Ne s'est-il pas trompé ? Est-il resté, comme il le croit, fidèle à l'enseignement de l'évêque d'Hippone? Ses adversaires n'avaient-ils pas raison de penser le contraire? Et, s'il doit vraiment quelque chose à saint Augustin, que lui doit-il? Tels sont les problèmes qui s'imposeraient aux historiens de Malebranche. On a fortement critiqué, dans ces derniers temps, ce genre de recherches et l'on a trouvé bien artìficielles ces déterminations d'influences ou ces filiations prétendues de philosophe à philosophe. Nous n'y contredirons pas ; mais nous croyons bon de faire remarquer que, dans le cas présent, le problème n'est plus aussi artificiel, puisque c'est Malebranche lui-même qui nous invite à le poser. Ils sont rares les philosophes qui prétendent n'avoir fait que reproduire ou développer les opinions d'autrui; et, comme la vanité conseille plutôt de prétendre à l'originalité, on les croit sans peine. Or Malebranche répète sans cesse qu'il n'est qu'un disciple, et beaucoup refusent de le croire. Dans ces conditions, n'est-il pas légitime de chercher à résoudre un problème qui s'impose nécessairement à l'attention du commentateur ?

Nous pouvons réduire à huit les thèses où Malebranche déclare qu'il s'inspire de saint Augustin.

1o C'est d'après son exemple, et suivant les conseils répandus dans ses écrits, qu'il aurait entrepris de rendre intelligibles ses

croyances religieuses. C'est la question de la méthode et des rapports de la théologie avec la philosophie;

2o Il lui devrait l'inspiration première et même l'essentiel de sa théorie des idées et de la vision en Dieu;

30 Les thèses sur l'occasionalisme et l'universelle action de Dieu lui semblent aussi faire revivre la doctrine trop oubliée d'Augustin;

4° Il lui emprunte encore, croit-il, le fond de ses doctrines! morales, sa notion de l'ordre et de l'amour divin;

5o La conception mystique de l'union à Dieu serait directe ment puisée dans ses écrits;

6o De même ses idées sur la purification rendue nécessaire par la faute originelle et les péchés actuels ;

70 Il aurait fait revivre la vraie doctrine d'Augustin sur la prédestination et la grâce;

80 Enfin, c'est d'après ses principes qu'il jugerait des rapports qui doivent exister entre l'amour de nous-même et l'amour de Dieu.

Malebranche cite encore l'évêque d'Hippone en d'autres occasions, mais ou bien la question traitée alors est de peu d'intérêt, ou bien l'auteur ne prétend pas s'inspirer directement des écrits augustiniens. C'est ainsi qu'il s'y réfère par trois fois touchant la distinction de l'âme et du corps. Au chapitre 10 du livre 1 de la Recherche de la Vérité, il renvoie une première fois au chapitre 10 du livre de la Trinité, et aux chapitres 4 et 14 du livre de la Quantité de l'âme; puis, au chapitre 12 du même livre, il déclare que sa doctrine sur la distinction de la pensée et de l'étendue suppose la lecture préalable de Descartes ou de saint Augustin. Enfin, dans le premier Entret. sur la métaphysique no 1, il renvoie en note à la Cité de Dieu livre 11, chapitre 26 au sujet de la fameuse phrase; je pense donc je suis. Mais, dans ce cas particulier, Malebranche s'en réfère à Descartes plus souvent encore qu'à saint Augustin; puis, selon la remarque de Pascal, si Augustin a pu dire douze `cent ans avant Descartes: je pense donc je suis, cette phrase n'avait pas chez lui le même sens que chez

Descartes; elle n'est pas devenue pour lui le « principe ferme et soutenu d'une physique entière (1). » Et, comme il est manifeste que Malebranche lui donne le même sens que Descartes, nous croyons qu'il ne serait pas juste d'attribuer à saint Augustin une doctrine de notre philosophe a, primitivement, puisée chez Descartes.

Au sujet de l'âme des bêtes, Malebranche a rappelé par trois fois les sentiments de l'évêque d'Hippone. Au chapitre 7 de la Recherche de la Vérité, il reconnaît que saint Augustin croyait à l'âme des bêtes, et renvoie au chapitre 23 du De anima et ejus origine, ainsi qu'au De quantitate animæ. Dans le 15e Eclaircissement à la Recherche, il admet qu'il a parlé selon les préjugés; c'est faute d'avoir spécialement réfléchi à cette question, cer cette doctrine était contraire à ses principes; il renvoie, comme preuve, au 6e volume de la Philosophie chrétienne d'Ambroise Victor, et indique en note quelques-uns des principes augustiniens qui obligent à dire que les bêtes n'ont pas d'âme. Au n. 25 des Réflexions sur la prémotion physique, il répète ce qu'il a déjà dit dans le 10 Eclaircissement. Puisque Malebranche lui-même reconnaît qu'Augustin a cru, quoique par manque de réflexion, à l'âme des bêtes, on comprendra que sur cette question nous gardions le silence.

Sur la nature du désordre survenu dans l'homme, à la suite du péché originel, nous ne pouvons rien dire non plus, puisque nulle part Malebranche ne s'appuie sur Augustin. Peut-être ses conceptions s'inspirent-elles des écrits de ce Père touchant la grâce prévenante et la délectation spirituelle; mais de simples suppositions ne suffisent pas, quand il s'agit d'une question aussi délicate que celle d'une filiation intellectuelle. Au sujet de la transmission du péché originel, notre philosophe renvoie, dans le 4 Entretien des Conversations chrétiennes, au livre Contre Julien livre 5, chapitres 14 et 24, et livre 6, chapitres 7 à 18; puis au livre Des Noces, livre I chapitre 19 et livre 2 chapitre 34 ;

(1) Pascal. De l'art de persuader. Edition Brunschvig, p. 192, 193.

mais c'est la seule citation concernant ce problème. Et, comme la doctrine de Saint Augustin diffère beaucoup de celle de Malebranche, ne nous attardons pas à chercher des rapprochements que l'auteur ne voulait point établir.

Touchant la question si importante de la providence et de l'optimisme nous devons encore garder le silence, car Malebranche l'appuie de nombreux textes de l'Ecriture, sans citer saint Augustin. La chose peut paraître étrange, mais notre phylosophe n'a jamais prétendu trouver chez l'évêque d'Hippone la croyance aux voies générales et à la perfection de notre univers, du moins en ce qui concerne l'action ordinaire de la providence. Il répète souvent, dans les additions et les éclaircissements au Traité de la Nature et de la Grâce, puis dans les Réflexions sur la prémotion physique que Dieu n'agit pas par caprice mais selon la justice et la sagesse; et, à cette occasion, il rappelle maints passages des écrits augustiniens. Peut-être a-t-il puisé là l'idée première de sa doctrine de la providence? Remarquons que tous les textes allégués concernent la distribution de la grâce où les motifs de la prédestination.

Il est d'autres questions très secondaires, où notre philo sophe s'en réfère à l'évêque d'Hippone. Dans la seconde partie du Traité de Morale, par exemple chapitre 10, n. 15 il se plaint avec lui qu'on ne cherche pas à rendre les enfants raisonnables, pour en faire des habitants de la cité sainte; et au chapitre II, n. 4 il estime, à sa suite, que le péché a introduit dans le monde les différences sociales. Mais nous avons limité nos remarques, aux thèses fondamentales, et, dans ces thèses fondamentales, à celles que Malebranche lui-même prétend inspirées d'Augustin.

L. BARBEDEtte.

REVUE DES LIVRES

Analyses et Comptes Rendus

S. RADHAKRISHNAN. Indian Philosophy, vol. I, 8o, p. 648, London, Allen and Unvin, 1923.

Le livre de M. Radhakrishnan se propose d'étudier l'évolution de la pensée hindoue depuis ses origines lointaines jusqu'à ces productions les plus récentes. Dans l'histoire de cette pensée, M. Radhakrishnan distingue quatre étapes ou périodes bien déterminées: 1) la période védique, embrassant les Véda's et les Upanisad's (de 1500 à 600 avant J.-C.); 2) la période épique, se plaçant entre les Véda's et la formation des écoles philosophiques proprement dites, les darsana ́s (de 6oc avant J.-C. jusqu'à 200 après); 3) la période des saha's ou celle des textes philosophiques fondamentaux (200 après J.-C.); et 4) la période scolastique ou celle des commentateurs. Remarquons de suite combien cette classification est, au fond, arbitraire et factice: elle n'est, en effet, ni chronologique ni systématique, puisque d'une part elle classe en une seule période des textes aussi différents que les Védas's et les Upanisad's et que d'autre part, elle sépare l'une de l'autre la période des « sûtras de celle des commentaires qui n'en sont pas séparables du point de vue systématique et qui, chronologiquement, appartiennent aux mêmes époques. D'ailleurs M. Radhakrishnan ne suit pas sa propre division. Ainsi, dans ce premier volume qui ne devait traiter que des deux premières périodes il donne un exposé beaucoup trop rapide à notre avis I des doctrines bouddhistes et jaïnas.

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