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Marcionites, les épîtres ignatiennes sont un écrit marcionite interpolé par un Catholique.

Le meilleur moyen de bien saisir la portée et l'originalité du présent travail, c'est de comparer les idées qui ont cours aujourd'hui encore sur les lettres ignatiennes avec les résultats auxquels une patiente et consciencieuse étude a conduit H. Delafosse.

A en croire les critiques de la dernière génération, Zahn, Lightfoot, Funk, les sept épîtres ignatiennes, telles que nous les présente la recension moyenne, sont, dans leur entier, l'œuvre authentique d'Ignace, évêque d'Antioche en Syrie. Elles ont toutes été écrites pendant le voyage qu'Ignace, condamné aux bêtes, a fait pour se rendre à Rome, vers l'an 112, sous le règne de Trajan. A ces épîtres il faut joindre, car elle en est inséparable, la lettre de Polycarpe aux Philippiens, rédigée quelques semaines seulement après le passage d'Ignace à Smyrne. Bien que Polycarpe n'ait souffert le martyre qu'en 155 ou 166, à l'âge de 86 ans, il était déjà, nous affirme t-on, évêque de Smyrne vers l'an 112.

Voici maintenant les conclusions auxquelles arrive H. Delafosse. La lettre de Polycarpe, dans son ensemble, est authentique; mais elle contient quelques passages manifestement interpolés et ce sont justement ceux où il est question d'Ignace prisonnier et de ses épîtres.

Les épîtres ignatiennes sont toutes et chacune l'œuvre de deux rédacteurs successifs, dont le premier est marcionite et le second catholique.

Le premier auteur de ces lettres est Théophore, évêque marcionite de Syrie. Ce Théophore a prêché l'évangile de Marcion dans la province d'Asie; au cours de sa carrière de missionnaire, il a écrit diverses lettres aux églises qu'il avait fondées, pour les affermir dans la foi et la charité et leur inculquer l'esprit de discipline. Condamné aux bêtes et expédié à Rome, il a adressé de Smyrne aux Chrétiens de la capitale une lettre qui est un hymne sublime au martyre. Cette épître aux Romains est d'ailleurs la seule qu'il ait écrite pendant son dernier voyage, les autres étant antérieures à sa condamnation. Quelque temps après, un Catholique, trouvant ces lettres très édifiantes, et elles le sont en effet, voulut les mettre au service de sa propre église et tourner contre les Marcionites cette arme forgée par un des leurs. Pour les adapter à leur nouvelle

destination, il les interpola. Les additions qu'il y fit sont de deux sortes. Les unes sont d'ordre dogmatique: elles sont toutes dirigées contre le marcionisme. Les autres ont pour but un changement d'attribution voulant donner à ces lettres une origine catholique et les placer sous le haut patronage du grand docteur orthodoxe de l'Asie, Polycarpe, l'interpolateur alla chercher, dans l'épître de Polycarpe aux Philippiens, un certain Ignace dont l'évêque de Smyrne parle avec éloge et lui attribua la paternité des sept fameuses lettres.

Cet Ignace était tout simplement un obscur martyr de Philippes. Mais le rédacteur catholique en fit un évêque d'Antioche et l'identifia avec Théophore, l'auteur réel des lettres en question. De là l'expression bizarre qui revient au début de toutes les épitres: Ignace qui est aussi Théophore.

Ignace d'Antioche, comme tel, n'a donc jamais existé. Il y a bien eu un Théophore, évêque de Syrie, livré aux bêtes à Rome, et un autre martyr, du nom d'Ignace, mort à Philippes. Mais Ignace d'Antioche, Ignace qui est aussi Théophore, est un composé factice formé par l'union artificielle de deux personnages réels.

Ayant besoin de mettre son Ignace imaginaire en relation avec les Philippiens, puisque le véritable Ignace était de Philippes, le rédacteur catholique lui traça un itinéraire de fantaisie qui, faisant faire au prisonnier par la voie de terre la plus grande partie du voyage d'Antioche à Rome, l'amenait opportunément à Philippes. En même temps, il interpola la lettre de Polycarpe aux Philippiens pour la mettre en harmonie avec la nouvelle rédaction des sept épîtres.

La première rédaction, étant marcionite, ne peut pas être antérieure à Marcion, par conséquent aux années 144-150. Et même, pour tenir compte des circonstances, on doit vraisemblablement la placer entre 160 et 180. D'autre part, elle est antérieure à 188, puisque Irénée la connaît.

La seconde rédaction utilise deux passages d'Irénée; elle est donc postérieure à ce Père; mais elle est antérieure à Jules Africain qui s'appuie sur elle elle a donc été faite entre 190 et 211.

Telle est la thèse toute nouvelle que soutient H. Delafosse dans son Introduction.

Tout n'est pas également certain dans ces diverses conclusions; il y a sans doute une part à faire aux conjectures. Mais trois points au moins sont d'une certitude absolue et ce sont justement les plus

importants, même les seuls importants. Nous ne pouvons ici que les signaler, renvoyant pour la démonstration à H. Delafosse lui-même.

1o Chacune des lettres ignatiennes est l'œuvre de deux rédacteurs successifs. Ce n'est pas là une simple conjecture; c'est un fait évident, indéniable: car les deux auteurs se contredisent nettement, parfois dans la même phrase, l'un soutenant le marcionisme, l'autre le combattant vigoureusement.

2o C'est la première rédaction qui est marcionite car la rédaction anti-marcionite n'arrive jamais qu'en surcharge et avec une maladresse qui trahit du premier coup son caractère d'interpolation.

30 L'œuvre entière, à la fois marcionite et anti-marcionite, est donc postérieure à l'éclosion de cette hérésie. Il en est de même de l'épître de Polycarpe qui, dans sa rédaction primitive et avant toute interpolation, combat énergiquement le marcionisme.

Cette question de date est d'une importance capitale pour l'exégèse historique du Nouveau Testament. Car, soit dans les lettres ignationnes, soit surtout dans celle de Polycarpe, on trouve d'assez nombreux emprunts au quatrième évangile, à celui de Matthieu, à l'épître aux Éphésiens, aux épîtres pastorales, à l'épître de Clément aux Corinthiens. Quand on plaçait la composition des lettres du faux Ignace et de Polycarpe aux environs de l'an 112, force était d'admettre que les ouvrages susmentionnés dataient des dernières années du premier siècle ou des premières du second. La thèse d'H. De- · lafosse, si solidement établie, donne à la critique biblique une marge beaucoup plus grande.

Comme la rédaction anti-marcionite attaque surtout le docétisme, les critiques qui placent vers 112 la composition des lettres ignatiennes se sont évertués à découvrir des docètes trente ou quarante ans avant Marcion; et il est en effet parfaitement possible qu'il y en ait eu quelques-uns dès cette époque. Mais la doctrine que soutient le premier rédacteur des lettres et que combat le second n'est pas seulement le docétisme; elle comprend encore l'apparition soudaine d'un nouveau Dieu jusque-là inconnu qui vient renverser l'empire du prince de ce monde, c'est-à-dire du Dieu créateur, l'identité du nouveau Dieu et de Jésus-Christ, le rejet de la Loi, des prophètes et de tout l'Ancien Testament, l'accusation de judaïser portée contre les Catholiques, la négation de la résurrection et du jugement. Or qu'est-ce que tout cela, sinon le pur et complet marcionisme? Et si un tel ensemble

de doctrines avait existé avant Marcion, qu'est-ce que celui-ci serait venu faire? Aucun doute n'est donc possible: le système tour à tour soutenu et combattu dans les lettres du faux Ignace et de Polycarpe ne peut-être et n'est en réalité que le marcionisme.

La disposition typographique de la traduction est ici la même que pour les épîtres de Paul: les deux rédactions sont imprimées en caractères différents, ce qui permet de les distinguer du premier coup d'œil.

L'interpolateur catholique, par ses surcharges maladroitement introduites, transforme souvent en galimatias un texte qui par lui-même serait simple et clair. Les anciens traducteurs, croyant à l'unité de composition, étaient obligés de se livrer à des tours de force d'interprétation pour concilier les contradictions et tirer de ce chaos un sens acceptable. En maintenant séparées les deux rédactions, H. Delafosse arrive à débrouiller certains passages jusqu'ici inextricables.

Les notes courtes et substantielles qui accompagnent la traduction sont d'une importance toute particulière: car ce sont elles surtout qui, en soulignant le texte, nous apportent la démonstration et la justification de la thèse, assez hardie en apparence, d'Henri Delafosse.

Auguste SIOUVILLE.

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Volume I.

1. Barsalibi's treatise

WOODBROOKE STUDIES. against the Melkites. 2. Genuine and apocryphal Works of Ignatius of Antioch. 3. A Jeremiah Apocryphon. 4. A new Life of John the baptist. 5. Some uncanonical Psalms. edited and translated by A. Mingana, with introduction by Rendel Harris. gr. 8°, 294 pages; Cambridge, Hefer, 1927, 15 sh. 6 net (1).

Dans les introductions, M. Rendel Harris présente avec érudition et humour les textes édités, traduits et commentés par M. Mingana. Les noms de ces deux auteurs, déjà si connus par d'heureuses découcitons Les odes de Salomon pour M. Rendel Harris et Les sources syriaques, pour M. Mingana donnent déjà grand intérêt

vertes

à cette collection.

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(1) Ces études avaient déjà paru dans le Bulletin of the John Ryland's library, 1927.

I. Signalons tout d'abord que le texte syriaque du traité de Denys bar Salibi, évêque jacobite, mort en 1171, conservé dans un seul manuscrit, no de la collection Mingana, est reproduit en photographie blanc sur noir. C'est une révolution dans l'art typographique que cette reproduction des textes, sans augmentation sensible du prix de revient, qui supprime les fautes de copie et d'impression, ainsi que le fastidieux travail de la correction des épreuves (1), Les annotations du texte figurent dans les notes de la traduction.

Le titre porte: « ensuite nous écrivons dix chapitres que fit Mar Denys métropolitain d'Amid, qui est Bar Salibi, l'illustre, contre Rabbar Jésu (Isho') diacre ». C'est une lettre, « écrite en håte pour répondre à une lettre du jacobite Rabban Jésu, qui proposait de pactiser avec les Grecs (melkites). Le Rabban (notre maître) d'après son titre, peut avoir été le supérieur de quelques moines, ou même un semi-laïque instruit (car il est question de ses enfants > p. 55). Peut-être avait-il quelque rancune d'être resté diacre chez les Jacobites, lorsqu'un de ses homonymes « Rabban Jésu, diacre », était devenu patriarche peu auparavant, en 1138 (2). Le Rabban veut tendre la main aux Grecs: S. Paul a dit : « Priez les uns pour les autres » et non << Jetez-vous l'anathème » ; quoi de mieux que d'être en paix avec tous; les Grecs ont, mieux que nous, des prières, des leçons et des chants ecclésiastiques pour chaque fête; ils ont des reliques insignes; ils sont la tête de tous les chrétiens; ils ont une capitale incomparable: les marchands qui l'ont vue témoignent qu'il n'y a ni royaume, ni gouvernement, ni richesse, ni charité comparables aux leurs, tandis que nous autres Syriens nous sommes tenus pour rien; ils sont les héritiers des Romains tandis qu'on ne trouve plus guère de Syriens en dehors de Mélitène et d'Edesse; pourquoi résister, d'autant que bien des motifs de division paraissent secondaires : Quelle importance y a-t-il à faire le signe de croix avec un doigt ou avec deux et à ajouter ou à ne pas ajouter Qui crucifixus est pro nobis au Trisagion?

(1) C'est l'occasion de rappeler une fois de plus que ce mode de photographie directe sur papier, en blanc sur noir, à l'aide d'un prisme, en usage aujourd'hui dans toutes les bibliothèques, a été imaginé par Mgr Graffin, comme le préliminaire indispensable aux éditions de ses Patrologies. (2) Cf. Bar Hébraeus, Chronicon ecclesiasticum, t. I, p. 479-481.

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