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du 1er royaume babylonien (MM. I a, 2100-2000). Du côté de l'Égypte, la conquête de l'ivoire et de l'or en Nubie, surtout au deuxième millénaire, à partir d'Amenemhet Ier (2000-1981) (1) avait eu des conséquences intéressantes pour la civilisation, et même pour la religion du monde méditerranéen (2). Les échanges avec les Cananéens et Byblos continuaient; récemment on a découvert, en Crète aussi, une preuve des relations établies alors par le commerce, la diplomatie, ou... le tourisme; dans la maison d'un des grands dignitaires de Cnossos, la nouvelle fresque, encore inédite, du Paysage africain », avec ses singes à capuche bleue, nubiens, nous apporte, vers 1600, un décisif témoignage; mais sans doute ne fut-elle pas la première marque tangible de l'attrait exercé sur les Peuples de la Mer par la riche civilisation lointaine des Pharaons africains; or, bientôt à Mycènes, à Argos même, les pierres gravées décorées de figures d'éléphants rappelleront à leur tour, pour le temps voisin de la royauté de Tell-el-Amarna (3), le mouvement incessant établi dès lors entre l'Égée et l'Afrique. Les pérégrinations de Ménélas et d'Hélène, étoile de la mer, en sont un dernier symbole. Les artistes et les objets d'art ne voyageaient pas seuls. Les armes et les dieux suivaient les grandes routes d'échange. Vers le temps où la harpé mésopotamienne (4), que brandit Eannatoum de Lagash sur la Stèle des Vautours, devenait par excellence l'emblème de Byblos, Isthar-Astarté, passée chez les Cananéens dès l'époque d'Hammourabi, avait multiplié en SyriePalestine les types de la déesse nue pressant ses seins. Il faut bien connaître de tels transferts pour juger historiquement de la position du monde crétois en Méditerranée orientale, et origines mêmes de la civilisation grecque. L'Hellade a vu plusieurs fées orientales penchées à son berceau: sans elles, auraitelle reçu les beaux dons qui nous étonnent encore? Quand on sous l'influence, d'ailleurs, d'une « renaissance sumé-un premier « âge d'or » de la littérature orientale

constate

rienne »,

(1) P. 63.

(2) P. 67.

des

(3) On a trouvé, on le sait, des objets crétois aussi dans l'Est du Delta, au Fayoum, et ailleurs jusqu'à Abydos.

(4) E. Pottier, Syria, 1922, p. 301.

sous Hammourabi avec toute une curieuse floraison poétique (1), on devine que la Grèce n'a pas innové pour tous ses instincts litté raires, et qu'en particulier aussi ses préoccupations de la mort, de l'au-delà, ont dû lui être suggérées du dehors. Du côté de l'Égypte, je l'ai dit, le monde minoen ne recevait pas moins, certes, entre 2000 et 1600. Le dernier et le plus prudent historien de la religion minoenne, M. M. P. Nilsson, qui d'ailleurs, à mon sens, a fait à l'influence asiatique en Crète une part trop congrue reconnu tout ce qui a pu passer à travers la Messara crétoise, d'importations venues du Nil; et il conclut que, par exemple, certaines doctrines sur l'Élysée, transmises plus tard sans doute à Éleusis, venaient de la terre des Pharaons (2).

a bien

Dans les Premières civilisations, l'histoire du monde proprement égéen n'a été développée qu'à partir des environs de 2000; mais tout ce qui est antérieur est résumé brièvement (p. 112122). C'est que l'attention est vivement attirée encore au deuxième millénaire, par l'Égypte et l'Asie. J'avoue que les hypothèses énoncées sur les Indo-Européens et leurs premières migrations laissent de l'incertitude dans l'esprit de ceux qui sont plus habitués à compter sur les informations directes de l'archéologie ; au sortir des discussions linguistiques, on retrouve avec satisfaction, dans le livre, la part consacrée à l'étude des grandes invasions des Hittites (p. 136-140), des Cassites et des Hyksos (p. 140-156), pour la première moitié du second millénaire. Là devait se placer du point de vue crétois l'étude générale des contacts de la civilisation thébaine avec la monarchie des Minos, pour les xvre et xve s.; elle a été tracée de main de maître (p. 157-189), jusqu'à la chute de Cnossos. Non qu'un recenseur vétilleux ne dût trouver matière, sans doute, à discuter çà et là (3). Je revien

(1) Autour de Mardouk, dieu nouveau (cf. le Chant de la Passion de Mardouk) et les cérémonies de l'akitu (S. A. Pallis, The babyl. Akitu festival, 1926); cf. encore l'épopée de Gilgamesh d'Ourouk, et le poème du Juste souffrant, etc. (p. 107 sqq.) Il faut renoncer à croire que sur la Stèle d'Hammourabi au Louvre, Shamash « dicte les lois » (Contenau, p. 100). (2) The Minoan-Mycenean religion, etc., 1927, notamment p. 54% 5qq. (3) La civilisation néolithique finit en Crète vers 3400 (et non 3000, P. 118). Un fait important, et qu'il fallait souligner (cf. p. 119), c'est qu'à

drai bientôt, dans cette Revue même, à propos du nouveau livre de M. M. P. Nilsson, sur les questions concernant spécialement les religions minoenne et mycénienne. Pour l'expansion achéoéolienne dans la mer Égée et en Asie-Mineure (1400-1100), G. Fougères avait adopté, sans assez de réserves, les renseignements tirés par E. Forrer des tablettes hittites de Boghaz-Keui; on sait combien il restera prudent de ne pas considérer comme déjà acquises certaines assimilations onomastiques qui ont été proposées d'abord en Allemagne (1).

Le livre III qui forme presque la moitié du tome I étudie << les nouvelles forces du monde antique, du xre au vre siècle av. J.-C. ». J'ai signalé que toute cette grande << fresque >> historique, si allègrement peinte, de justes proportions, et pleine d'aperçus précieux (2), laissait de côté presque complètement et volontairement ! l'histoire des dieux, des cultes. On pourra revenir sur le sujet à propos du tome II.

Ch. PICARD.

l'époque néolithique, tous les Balkans et la Grèce avaient dû participer à une même civilisation (céramique dite de Dhimini, etc.); de 2500 à 2000, il n'y a pas eu, comme, à tort, on le croit ailleurs, de « barrière de l'Othrys ». Les nouvelles fouilles roumaines, d'après les deux premiers fascicules parus de Dacia, montrent combien haut ont pu remonter ensuite les influences égéennes, dans la péninsule balkanique. Le regretté G. Fougères n'a pas connu à temps l'importante trouvaille des armes de Mallia, qui ajoutent désormais si utilement à notre perception des influences asiatiques en Crète; encore l'exploration de la partie orientale de l'île reste elle trop peu avancée ! P. 167 et 195, le « modeste village de huttes ovales à Tirynthe» (cf. Schuchhardt, Prehistorische Zeitschr., XVI, p. 109-123) n'est pas une conquête sûre de la science. Je ne croirais pas trop non plus à la < Rotonde couverte » (diam. 3om!) D'une façon générale, il me semble qu'on a tendance en France à exagérer, pour la Crète, le caractère de luxe et de fantaisie d'une civilisation qui ne nous est que fort partiellement connue, et par des documents d'art, donc conventionnels. P. 182, c'est une erreur que de faire remonter jusqu'à 2000 la garde noire » des Minos, la fresque cnossienne dite des « Mercenaires » n'étant pas antérieure à 1600. P. 196, le « palais mycénien (?) de l'île de Ghà (Béotie) pourrait n'avoir été qu'un poste fortifié.

ou

(1) Cf. p. ex. A. Sayce, JHS, XLV, 1925, p. 161-163.

(2) Je ne relèverai pas ici les points à discuter pour l'histoire générale, l'histoire des arts; cf. U. Kahrstedt, Hist. Zft, 136, 1927, p. 535 sqq.

P. 355, un fâcheux lapsus a fait écrire que l'Olympieion de l'Ilissos, entrepris par Pisistrate, était dorique; il eût été ionique, comme les grands temples d'Asie-Mineure.

LA FORMATION RELIGIEUSE DE MALEBRANCHE

SES PREMIÈRES ÉTUDES

Malebranche ne fut pas de ces croyants que n'effleure jamais l'ombre d'un doute. On trouve trace, chez lui, d'une lutte douloureuse entre le cœur assoifé de Dieu et l'esprit qui n'arrive pas à comprendre le credo qu'il accepte: << L'on peut dire que si le cœur est chrétien, le fond de l'esprit est païen » (1). C'est après de longs tâtonnements qu'il commence à « répandre sur les vérités de la foi cette lumière qui sert à rassurer l'esprit et à le mettre bien d'accord avec le cœur » (2). Quand on suit l'évolution de sa pensée, il est impossible de ne pas reconnaître un écho des luttes intérieures qu'il a soutenues, puis de la paix qu'il a laborieusement conquise, dans ces paroles d'Ariste: « Ah Théodore comment pourrai-je vous ouvrir mon cœur? Comment vous exprimer ma joie? Comment vous faire sentir l'état heureux où vous m'avez mis? Je ressemble maintenant à un homme échappé du naufrage, ou qui trouve tout calme après la tempète. Je me suis senti souvent agité par des mouvements dangereux à la vue de nos incompréhensibles mystères. Leur profondeur m'effrayait, leur obscurité me saisissait; et quoique mon cœur se rendit à la force de l'autorité, ce n'était pas sans peine de la part de l'esprit; car, comme vous le savez, l'esprit appréhende

(1) Recherche de la Vérité, 1. vi, 2o partie, ch. m.
(2) Entretiens sur la Métaphysique, XIVe entr., n. XIII.

naturellement dans les ténèbres. Mais maintenant je trouve qu'en moi tout est d'accord: l'esprit suit le cœur. Que dis-je ! l'esprit conduit, l'esprit transporte le coeur; car plus nos mystères sont obscurs, quel paradoxe! ils me paraissent aujourd'hui d'autant plus croyables» (1). L'histoire de ces luttes permet de mieux comprendre la génèse de la philosophie religieuse qu'elles ont fait naître.

Sensibilité aiguë, imagination ardente, esprit inquiet, telle était la nature foncière de Malebranche, et elle aurait pu l'entraîner dans une voie tout autre que celle qu'il a suivie, si sa difformité native et ses souffrances presque continuelles ne l'avaient tourné de bonne heure vers les espérances célestes. « La faiblesse de sa complexion, nous dit André, commença dès lors à le dégoûter du monde. Ne pouvant espérer d'y être fort longtemps, il tourna ses vues et ses désirs vers les objets de l'éternité » (2). A voir ses nombreux frères jouir largement de la vie, il dut sentir plus cruellement encore son impuissance physique; de là un amour précoce de la solitude, si contraire à sa nature expansive qu'André y voit un effet de la grâce: « il avait toujours pour la retraite un attrait singulier, qui, étant contre son naturel vif et tendre, ne pouvait avoir que Dieu pour auteur » (3). Les exhortations d'une mère aimante et pieuse, pleine d'attention pour cet enfant souffreteux, firent aussi sur lui la plus forte impression; sa difformité lui interdisait nombre de carrières et ne pouvait faire augurer que des insuccès dans le monde; on songea, dès le début, à lui garantir une existence toute de paix dans l'état ecclésiastique. Le chanoine de Lauzon encouragea ces espérances, et la mère orienta dès lors vers ce but les désirs de l'enfant (4). Elle lui parla de l'inanité des jouissances mondaines et le dégoûta du plaisir avant qu'il l'eût connu par les caresses de sa voix, lorsqu'elle magnifiait le bonheur de servir Dieu et la paix tranquille du bon prêtre, comme par les exemples de son ardente dévotion, elle entraina

(1) Ibidem. XIVe Entr., n. I.

(2) André, Vie de Malebranche, ch. 1, p. 5.

(3) Idem, Ibidem, ch. 1, p. 7.

(4) Batterel, Mémoires Domestiques, t. IV, p. 325 et André, ch. 1, p. 7.

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