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Variantes

M. Rothstein, ou bien l'usage de mètres variés était-il autorisé, comme le croit M. Staerck? Et alors cet usage était il soumis à des règles? Autant de questions vivement débattues, mais qu'on est loin d'avoir encore résolues'.

Un autre point fort controversé, c'est la question des strophes. Que les Hébreux aient connu l'usage de grouper les vers par strophes, ceci ne fait aucun doute, puisqu'il y a des pièces où revient par intervalles un refrain, toujours le même, par exemple psaume 42-43; És. 9, 7-10, 4; Amos 1-2; 4, 6-11. C'est ce que prouvent aussi les poésies alphabétiques; en effet, s'il y a des pièces où chaque vers ou même chaque hémistiche' commence par une nouvelle lettre de l'alphabet, il y en a d'autres où, à chaque lettre est consacrée une strophe de 2, de 3, voire de 8 vers1.

On aurait pu, du reste, affirmer a priori que les Hébreux connaissaient la strophe, puisqu'ils pratiquaient de longue date les chants alternés. Chez eux comme chez les Babyloniens, chez les Arabes préislamiques et les habitants actuels de la Palestine, le deuil comportait une interminable mélopée prononcée par un soliste ordinairement une femme et coupée à intervalles réguliers par les cris rituels de l'assistance. Les chants d'amour, exécutés sans doute pendant les fêtes de noces, avaient souvent

nous

1) Voici peut-être comment on pourrait provisoirement classer les plus usuels types de vers hébreux :

Types principaux.

1) 2 mots impor· tants au lieu

de 3

2) 4 mots (2+2) au lieu de 3.

3) enjambeureut.

4) double eésure.

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2) Ps. 25; 34; 145; Prov. 31, 10-31.

3) Ps. 111; 112.

4) Strophes de deux vers: Ps. 9-10; 37; Lam. 4; -de 8: Ps. 119.

de 3: Lam. 1; 2; 3;

le voyons par le Cantique des Cantiques.

-

la forme d'un dialogue dialogue entre la femme aimée et le chœur des assistants (Cant. 5, 8-6, 3) ou entre deux groupes d'assistants formant deux sortes de demi-chœurs (7, 1), ou encore entre le jeune homme et son amie (1, 15-16; 2, 1-3; 4, 16-5, 1). Il en était sans doute de même au retour d'une armée victorieuse. L'antiphonie, en tout cas, était d'un usage bien attesté dans le culte; qu'on se rappelle les deux chœurs qui évoluaient sur les remparts de Jérusalem lors de l'inauguration des murs au temps de Néhémie; ou qu'on relise les psaumes 24, 115, 118, 136.

L'intervention de voix différentes impliquait nécessairement la coupure du chant en strophes, sinon l'alternance régulière de la strophe et de l'antistrophe.

Mais la question est de savoir si le groupement des vers en strophes était la règle (Ley, Bickell, Cornill) ou seulement l'exception (Sievers, Budde). On voit la grande portée du problème pour la restitution du texte,des pièces poétiques. Si, en effet, il est établi que toute poésie hébraïque procède par strophes, une fois qu'on tiendra l'un des couplets d'un poème donné, on sera autorisé, semble-t-il, à écarter ou à corriger hardiment, dans le reste du morceau, tout ce qui trouble l'architecture intérieure des strophes : on aura en mains le plan de l'auteur primitif.

Les adversaires de l'universalité de la strophe font valoir qu'il ne manque pas de poésies où cet élément fait défaut, par exemple dans bien des pièces qui ont cours aujourd'hui en Palestine. Les partisans de la strophe répondent que toute poésie lyrique, par cela même qu'elle est faite pour être chantée, doit a priori être divisée en couplets. A quoi l'on réplique que le vers hébreu, avec son sens complet et ses deux hémistiches qui s'entrerépondent comme deux demi-chœurs, forme déjà par lui-même une petite strophe'.

On n'a pas jusqu'à présent fourni la preuve topique, fondée sur les textes, qui fera cesser les hésitations. Dans le doute, il faut donc, au moins provisoirement, s'abstenir de statuer une division en strophes là où elle ne s'impose pas absolument. D'autant plus que l'exemple des Syriens montre que, même dans des pièces divi

1) K. Budde, Geschichte der althebraeischen Litteratur, Leipzig, Amelang, 1904, p. 30-31.

sées, en strophes, les Orientaux ne s'astreignaient pas toujours à construire tous les couplets sur un schéma rigoureusement uniforme1.

même morceau

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Et d'une façon générale, la musique orientale, à laquelle la musique israélite ancienne devait être fort semblable, est très loin de présenter la régularité et la simplicité de rythme auxquelles nous ont habitués les chants populaires de nos pays. Dans la musique syrienne, la mesure change fréquemment au cours d'un il en est de même dans les éléments les plus anciens de la musique synagogale; il y a aussi des mesures irrationnelles. Une grande liberté est laissée aux chanteurs de modifier les airs. De sorte qu'on constate, chez les Syriens, ce fait, au premier abord assez étrange, que les poésies destinées à être chantées sont d'un rythme beaucoup moins régulier que les pièces qui doivent être dites, comme l'homélie versifiée. Même constatation chez les Grecs anciens : les odes de Pindare sont d'un mètre infiniment plus libre que les poèmes homériques, par exemple; Cicéron et Horace n'y voyaient que de la prose. Il ne faudra donc pas nous étonner si, dans la poésie hébraïque, les pièces proprement lyriques présentent une symétrie prosodique beaucoup moindre. que les compositions didactiques.

De la prudence! beaucoup de prudence! C'est le conseil que l'on ne saurait donner avec trop d'insistance aux métriciens ainsi qu'aux critiques disposés à s'appuyer sur leurs théories. L'un des spécialistes de la métrique hébraïque, et non des moindres, M. Sievers, ne s'est-il pas avisé de découper en vers toute la Genèse, y compris les généalogies, les listes chronologiques, y compris le récit juridique racontant l'acquisition de la caverne de Macpéla (ch. 23)? Et ce qu'il y a de plus inquiétant, c'est qu'il y réussit et obtient un résultat rigoureusement conforme à son système 3.

1) Jeannín, Journal Asiat., 1913, p. 98-101. Dans le genre appelé qolé, qui est la forme hymnologique par excellence, il y a souvent des différences de structure, surtout à la fin des couplets, entre la strophe type (hirmus) et les suivantes.

2) Ibid., p. 93-94

3) Voyez sur ces questions Edouard Koenig, Poesie und Prosa in der althebraeischen Literatur abgegrenzt, Zeitschr. f. d. altt. Wiss., 37e annéè (19171918), p. 145-187, 38° année (1919-1920), p. 23-53.

Mais, d'autre part, il n'y a pas lieu de partager le scepticisme que certains esprits trop circonspects professent à l'égard des recherches métriques. Elles ont établi dès à présent certains principes qui permettent de reconnaître comme altérés divers passages de l'édition masorétique présentant des irrégularités de rythme qu'aucune licence poétique, à coup sûr, n'a jamais pu justifier; par exemple lorsque, dans une pièce à vers symétriques (4 + 4 ou 3 + 3), on en rencontre un dont le premier membre a 6 temps forts et le second 2 (Ps, 89, 9) il faut certainement en faire passer deux du premier hémistiche dans le second'.

Il y a, de même, lieu de soupçonner une altération du texte quand, dans une pièce offrant partout ailleurs un mètre uniforme, on trouve un ou deux vers d'un type différent. Tel le célèbre psaume De profundis (139). Il est en général en vers asymétriques (3+2); le premier et le troisième, cependant, ont des membres égaux (3 + 3):

Des profondeurs [de l'abime] je t'invoque, Yahvé;

Seigneur, écoute ma voix !

Si tu te souvenais de mes iniquités, Yahvé,'
Seigneur, qui subsisterait?

Il faut certainement supprimer les deux fois le mot « Seigneur »> après « Yahvé ». On devine aisément ce qui s'est passé. Les Juifs, on le sait, lisaient « Seigneur » au lieu du nom propre « Yahvé ». Ici un copiste a écrit les deux mots côte à côte, en oubliant d'effacer le premier. La version syriaque n'a qu'un des deux termes.

Parfois, au milieu d'un psaume on trouve tout à coup un développement d'un rythme différent. Si, comme il arrive souvent, ce développement est mal relié au contexte ou traite un sujet plus ou moins hétérogène, on peut être sûr que l'on a affaire à un de ces cantiques composites, formés de strophes prises à des pièces diverses, comme on en rencontre plusieurs dans l'Ancien Testament (le psaume 108, par exemple, ou 1 Chron. 16). C'est le cas pour le psaume 66, où un chant d'actions de grâces national à vers symé triques se termine par un cantique individuel pour l'accomplissement d'un vœu en vers asymétriques.

L'examen de la forme prosodique, pratiqué avec prudence, peut

1) En corrigeant, par exemple, hâsîn yah en ḥasdeká.

done rendre de grands services pour la critique des parties versifiées de la littérature hébraïque. Il nous aide de plus à mieux analyser le charme musical que la poésie de l'ancien Israël exerce sur tous les lecteurs de ces pages vénérables, mais que l'on devait se borner jusqu'ici à sentir assez confusément.

MM. Dussaud, Mayer Lambert et Sidersky présentent des observations au sujet de la communication de M. Lods.

La séance est levée à 6 heures 1/4.

Séance du 26 juin 1920.

La séance est ouverte à 4 heures et demie. M. Ed. Pottier préside. Présents M. Brunot, MM. Ed. Pottier, P. Alphandéry, Barrau-Dihigo, Berr, Brunet, Contenau, Cumont, De Faye, R. Dussaud, général Frey, Gaudefroy-Demombynes, Geuthner, H. Girard, Glotz, Goguel, Guignebert, Hackin, Huet, Kindberg, Lacombe, Mayer Lambert, Lebègue, Lods, Macler, MassonOursel, Pommier, Sidersky, Strauss, Ms Tourian, J. Vienot, Vignon.

Excusés: MM. P. Boyer, Choublier.

Lecture est donnée par le Secrétaire des séances du procès-verbal de la séance du 31 mai 1920, qui est adopté sans observations.

Le Secrétaire général indique brièvement où en est la préparation de la réédition entreprise par la Société du livre de Jean Astruc Conjectures sur les mémoires originaux dont s'est servi Moïse pour composer la Genèse. La copie de l'ouvrage original est actuellement terminée. Il est probable que cette réédition représentera, avec la préface que lui donnera M. Lods et la notice biographique qu'ajoutera M. Alphandéry, environ 450 pages in-12.

La parole est donnée à M. Eug. de Faye pour une communication sur la Méthode d appliquer à l'étude du gnosticisme.

Longtemps. par suite de la pénurie des documents authentiques, on a puisé dans les Pères de l'Eglise seulement les informations relatives au gnosticisme. On oubliait que ceux-ci étaient des témoins prévenus. A tout le moins il faut les classer en témoins renseignés comme Clément, Origène, en témoins mal éclairés et dépourvus de critique comme Irénée et enfin en témoins malveillants comme Epiphane. Des témoignages patristiques résultait une image du gnosticisme. confuse et inintelligible.

A l'heure présente, maintenant que des documents gnostiques originaux faciles à dater, même à localiser, existent ainsi que bon nombre de fragments d'écrits, il convient d'appliquer à l'énigme gnostique une autre méthode.

Il faut d'abord extraire des documents originaux une image du gnosticisme, de ses tendances, de ses doctrines, et se servir ensuite de cette image pour

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