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singulier, pour ne pas dire de contradictoire, dans le fait que Jésus enseigne publiquement dans le Temple, après avoir pris des précautions pour que ses adversaires ignorent sa venue à Jérusalem.

Le rédacteur semble donc avoir transposé le récit de la source. Il y était question d'une venue de Jésus à Jérusalem pour une activité en quelque sorte privée et non pour une manifestation publique L'évangéliste a dit que Jésus était venu à Jérusalem, non pas ouvertement mais en se cachant (ci φανερῶς ἀλλὰ ὡς ἐν κρυπτῷ). [ n'est pas malaisé d'apercevoir quelles raisons ont entraîné la modification de la tradition. L'évangéliste voulait rapporter des discussions publiques que Jésus avait eues dans le Temple, mais il avait parlé de mesures prises contre lui par ses ennemis dont l'hostilité allait croissant. Il lui fallait donc, pour concilier au moins en apparence ces données contradictoires, imaginer quelque précaution prise par Jésus pour échapper à ses ennemis. C'est sur les conditions dans lesquelles Jésus est venu à Jérusalem, non pas sur celles dans lesquelles il y a agi, qu'il a dû faire porter les précautions.

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L'évangéliste raconte (7, 11-13.) comment, au moment de la fête, les Juifs se demande nt si Jésus y viendra et discutent à son sujet mais sans oser exprimer ouvertement leur avis à cause de la crainte qu'ils ont des autorités. Ce n'est pas là un élément provenant de la source, car aussi bien les discussions des Juifs au sujet de Jésus, que l'opposition déjà déclarée des autorités contre lui, établissent que Jésus a dû déjà être présent à Jérusalem, alors que la source suppose qu'il y vient pour la première fois.

On peut donc, nous semble-t-il, dans les 13 premiers versets du chapitre 7 dégager des additions et des remaniements dus à

1) C'est-à-dire probablement ici les Judéens.

l'évangéliste une tradition d'après laquelle Jésus, poussé par ses partisans à transporter son activité sur un terrain plus vaste et à se rendre pour cela en Judée, n'accepte pas cette suggestion dans le sens qu'entendent ceux de qui elle émane et se rend à Jérusalem pour y poursuivre un travail d'enseignement et de préparation, non pour s'y livrer à une manifestation messianique publique comme plusieurs de ses disciples, sans doute, en attendaient une de lui.

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II

Avant de rechercher si cette tradition se poursuit en quelques endroits des chapitres qui suivent, il convient, remontant le fil de la narration johannique, de nous demander s'il n'y a pas, dans les six premiers chapitres du IV Évangile, des morceaux auxquels on puisse attribuer la même origine qu'aux éléments primitifs de Jean 7, 1-13.

Il faut d'abord écarter tout ce qui présente Jésus à Jérusalem puisque la tradition originale du chapitre 7 parle d'une première venue de Jésus dans la ville sainte. Il faut écarter aussi les récits du chapitre premier dont le caractère secondaire est évident et qui portent, au plus haut point, la marque de l'évangéliste. Nous n'avons donc à nous occuper ici que des récits proprement galiléens, auxquels il faut peut-être joindre le morceau 3, 22-4, 3, qui se présente comme le récit d'une seconde rencontre de Jésus avec Jean-Baptiste, mais qui, en réalité, devait être, comme nous avons essayé de le montrer', le plus ancien récit parvenu jusqu'à nous des relations de Jésus avec Jean-Baptiste.

Deux des récits galiléens, ceux du miracle de Cana (2, 1-12) et de la guérison du fils du Basilikos de Capernaum (4, 46-54)

1) Maurice Goguel, Les sources des récits du quatrième Evangile sur JeanBaptiste. Revue de théologie et de questions religieuses, 1911, p. 12-44.

ont une origine commune. Ils se terminent, l'un et l'autre, par des formules qui présentent les miracles rapportés comme le premier et le second accomplis par Jésus. En outre, l'introduction du deuxième de ces morceaux (4, 46a) contient une allusion explicite au premier.

Entre ces récits galiléens et le récit de Jean 7, on peut reconnaitre certaines affinités. Au moment des noces de Cana, Jésus apparaît entouré de ses frères et c'est aussi d'eux que vient la suggestion qui sert de point de départ au récit du chapitre 7. L'idée de la révélation occupe aussi une certaine place, à la fois dans le récit du miracle de Cana (2, 11) et au chapitre 7 (v. 4). Mais, à côté de cela, il faut noter des différences importantes. Au chapitre 2, il est question de la révélation de la gloire du Christ et au chapitre 7 de la révélation du Christ lui-même. Nous avons vu d'ailleurs que dans 7, 4, l'idée de la révélation du Christ est à mettre au compte de l'évangé liste. En outre au chapitre 2, comme d'ailleurs au chapitre 4, il est question de queia, tandis qu'au chapitre 7, les frères de Jésus l'engagent à montrer aux Judéens les œuvres (pyx) qu'il accomplit.

Mais ce n'est pas tout. L'hypothèse d'après laquelle le récit de Jean 7 serait la suite des récits galiléens des chapitres 2 et 4 se heurte à une grosse difficulté, c'est que le fil de la narration galiléenne est, en tous cas, interrompu après le récit de la guérison du fils du Basilikos puisque ce n'est qu'au chapitre 21 que nous trouvons, introduit par l'éditeur de l'évangile, et transformé par lui, où peut-être déjà avant lui, le récit de la troisième manifestation galiléenne de Jésus. Ceci suppose, pour le moins, une telle dislocation de la source galiléenne qu'il faudrait des indices singulièrement plus précis que ceux que nous avons relevés pour qu'on puisse lui attribuer avec quelque certitude le récit de Jean 1.

Il nous reste à examiner s'il peut y avoir quelque relation entre le récit qui nous occupe et trois autres récits des premiers chapitres qui sont :

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1o La rencontre de Jésus avec Jean-Baptiste (3, 22-4, 3); 2o Jésus, dans sa natpis refuse un miracle qui lui est demandé (4, 43-45. 48);

4o Multiplication des pains (6, 1-71).

Les deux premiers de ces récits sont trop fragmentaires pour qu'on puisse, à leur sujet, aboutir à une conclusion certaine quant au récit de la multiplication des pains c'est, sous la forme que le IV Évangile lui donne, la narration d'un échec de Jésus. Or l'épisode du chapitre 7, ne peut avoir suivi le récit d'un échec, car Jésus n'est pas invité à chercher en Judée un terrain plus favorable que celui sur lequel il a travaillé jusque là, il est invité à étendre son champ d'activité et cela dans des conditions qui supposent le succès de l'activité qu'il a exercée jusque-là. Il est vrai que sous sa forme primitive — et cela apparaît spécialement dans le IV Évangile - la multiplication des pains pourrait avoir été l'occasion d'un mouvement d'enthousiasme populaire auquel Jésus se dérobe en se retirant dans un endroit écarté. Mais, ainsi comprise, la multiplication des pains ne pourrait avoir précédé la demande adressée à Jésus. Ce n'est pas au moment où il venait de se dérober à une ovation messianique qu'on aurait pu songer à lui suggérer l'idée d'une manifestation publique à Jérusalem.

Nous ne pouvons donc considérer qu'il y ait un lien nécessaire entre le récit de Jean 7, et aucun des récits antérieurs.

III

Nous avons maintenant à rechercher si le fil que nous avons essayé de dégager dans les treize premiers versets du chapitre 7 peut être retrouvé en quelqu'endroit de la suite du récit.

Les versets 14-15 du même chapitre, racontent qu'au milieu de la fête, Jésus enseigne dans le Temple et que les Juifs étonnés font cette remarque : πῶς οὗτος γράμματα οἶδεν μὴ μεμαθηκώς; reci ne peut être attribué au rédacteur de l'évangile pour qui Jésus,

à plusieurs reprises déjà, a publiquement enseigné et agi à Jérusalem et ne peut donc provoquer une surprise telle que celle qui est ici relatée. Ces versets sont d'ailleurs en contradiction avec les versets 11 à 13, attribués par nous à l'évangéliste, et qui supposent à Jésus une telle notoriété que nul ne pourrait être surpris de l'entendre enseigner.

Les versets 7, 14-15 doivent donc être attribués, non à l'évangéliste, mais à une source. Il n'est pas établi par là que la source d'où ils proviennent soit celle qui a fourni les éléments primitifs des treize premiers versets du chapitre. La surprise des auditeurs de Jésus est mal à sa place à Jéru salem là où Jésus étant un inconnu, ceux qui l'entendent ne peuvent savoir qu'il n'a pas reçu l'enseignement des rabbins. Les versets étudiés rappellent d'ailleurs directement l'impression produite par l'enseignement de Jésus sur les habitants de Nazareth (Mc. 6, 1-6 et par.) et comme il est établi que Jean a connu et utilisé la forme primitive de cette péricope est-il téméraire de penser que l'étonnement des auditeurs provient de la tradition synoptique mais a été transposé de Galilée à Jérusalem?

A la surprise que manifestent ses auditeurs Jésus répond par une déclaration sur l'origine celeste de son enseignement et sur la possibilité de reconnaître cette origine par l'accomplissement de la volonté divine (16-18) on reconnaît dans ce verset les idées propres de l'évangéliste. L'enseignement attribué à Jésus est sans relation avec aucune circonstance concrète; il faut donc écarter l'idée que quelque chose de ces versets puisse venir de la source dont nous recherchons la trace.

Avec le verset 19 s'ouvre un développement nouveau. Jésus ne se défend plus, il attaque ses adversaires. Le lien entre les versets 18 et 19 n'est pas facile à saisir, du moins si on le cherche dans le discours même de Jésus. On ne voit pas en

1) Maurice Goguel, Le rejet de Jésus à Nazareth, Zeitschr. f. neutest. Wisseusch, XII (1911), pp. 321-324.

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