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A. HOUTIN. Le Père Hyacinthe dans l'Église romaine, 1827-1869. Paris, E. Nourry, 1920. Un vol. in-12 de 396 p. avec un portrait.

Tout éloge de la méthode et de l'érudition de M. A. Houtih serait superflu à cette place: nos lecteurs le savent, peu de savants possèdent une information aussi étendue que la sienne sur l'histoire de la pensée et de la hiérarchie ecclésiastiques; bien peu exposent et jugent l'une et l'autre avec un tact aussi ingénieux, avec une critique aussi pénétrante.

Mais il y a lieu d'ajouter, cette fois, que M. A. H. a rarement joué et gagné une partie aussi ardue: ce livre sur le P. Hyacinthe est d'une sûreté dans la mesure qui donne dès l'abord le tou et l'aspect de l'histoire d'un passé déjà serein à cette histoire qui date d'hier à peine. M. A. H. aime son sujet, mais il ne s'en efface pas moins derrière lui, laisse parler le document le plus souvent possible. Ici le document parle avec abondance: jour par jour, presque heure par heure, le P. Hyacinthe tenait depuis 1850 et tint jusqu'à ses derniers moments le journal exact de sa vie, faits matériels et faits spirituels, ces derniers en proportion plus forte, cela va sans dire. Ce journal, M. A. H. l'a eu entre les mains; il en a éclairé nombre de passages à l'aide d'une volumineuse correspondance qui lui a eté confiée par le P. Hyacinthe ou par les siens, de papiers retrouvés dans sa succession, de souvenirs recueillis surtout de la bouche de son fils, M. P. Hyacinthe-Loyson, libre et ardent esprit tout récemment disparu... Ce livre sort directement de cette masse de témoignages dont tous sont vivants et concoureut à faire de cette histoire d'une âme austère le plus poignant des récits.

Ce premier volume retrace les années de formation du P. Hyacinthe, les expériences diverses que tente ce cœur droit à la recherche d'une vie religieuse, sa triomphale carrière de prédicateur, la période de doute, d'angoisse, puis la rupture avec son ordre et avec l'Église romaine. Drame aux lentes péripéties, où l'évolution apparaît parfois comme indécise; mais sans doute se tromperait-on si l'on ne prêtait à ce drame qu'un intérêt purement religieux. Dans l'histoire de la pensie nous dirions pour un peu des formes littéraires de la pensée en France au XIXe siècle, la physiono mie du P. Hyacinthe est de premier plan. M. Houtin a fait res

sortir avec une extrême finesse d'analyse « l'incessan.e contradiction qui était la loi de sa conscience et le tourment de son esprit. » Le P. Hyacinthe était trop sincère pour être effleuré du soupçon d'affectation livresque, même inconsciente, mais ce « tourment de son esprit »>, il en a le sentiment insistant, il se laisse aller à la douceur amère d'en parler : « Dans ces obscurités et ces tempêtes où je marche et agis» (p. 282). Cela, et aussi cette conviction de son isolement moral [« mon malheur dans ma vie ordinaire est d'être seul» (p. 225), « on est toujours seul dans ce monde» (p. 219)], le situe dans le monde de la sensibilité romantique où certaines âmes religieuses se trouvaient si parfaitement à leur aise. Il a eu une éducation très sentimentale et très littéraire; il est l'homme de l'impression vive, de l'intuition d'artiste, de poète, plus que de penseur et de théologien. Il a des effusions, des cris que le romantisme français aurait pu, au moins autant que Léopardi, reconnaître pour sieas: « Je saisissais la souffrance comme étant le foud mene de la pensée humaine souffrance toujours sourde et latente, parfois aiguë (p. 202). De chaque religion il

voit

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et verra toute sa vie surtout les valeurs émotives: il a tour à tour le sens du pathétique chrétien-catholique, protestant (le vieil aveugle qui lit la Bible), grec et juif. La hiérarchie romaine se résout en élans de coeur : «Des entrailles! entendez-vous bieu, c'est ce qui fait le prêtre » (p. 230).

Du romantisme sincère qui est diffis dans sa pensée il tient sans doute aussi ce culte pour la Femme « considérée dans le plan divin » (p. 185), la fen.ne initiatrics, Beatrice ou Matelda, qui devient une réalité dans son grave et pur roman avec Me Mériman. Peut-on dire enfin qu'il n'y ait pas eu chez lui un secret penchant pour le lyrisme verbal? Il signe en toute bonne foi « Prêtre solitaire de l'Église des hommes et des mondes ; il veut «< préparer les sublimes dimensions de l'Église future », et, bien que 'essentiel de ses idées religieuses ne comporte, semble-t-il, aucun élément apocalyptique, il a une prédilection pour le mot de millenium (pp. 215, 216, 232, même vide des images qu'il évoque d'ordinaire. C'est ce lyrisme facilement sonore qui provoquait de la part de Mar Maret un jugement où perce quelque ironie: « Vous, vous êtes un prophète!» (p. 282). Lorsque le grand prédicateur de Notre-Dame voulait reprendre et mettre au point pour l'impres

sion l'une des improvisations superbes qu'elaient ses conférences, sou travail << restait toujours fatalement un travail de poète et d'orateur » (p. 383).

Qu'on ne s'y trompe pas cependant la personnalité religieuse du du P. Hyacinthe n'apparaît nullement comme diminuée du fait qu'elle emploie un mode d'expression qui révèle son temps. Les formes classiques dont se pare la pensée d'un Fénelon ne l'appauvrissent à nos yeux ni ne la vieillissent, et le P. Hyacinthe est avec Fénelon, et aussi François de Sales, de la famille toujours jeune des grands mystiques français, artistes innés, parfois même un peu dupes de leur art et de leur émotio. d'artistes. Visiblement la doctrine l'intéresse moins que la forme intime qu'elle revêt chez tel ou tel des directeurs momentanés qu'il a rencontrés au cours de ses années d'apprentissage. Il a pourtant trouvé sur son chemin quelques-unes des individualités les plus fortes et les plus actives de l'histoire religieuse du xix siècle que lui ont donné de durable et d'organisé les Montalembert, les Lacordaire, les Le Play, les Baudry (exception faite peut être pour ce dernier). à plus forte raison les Darboy ou les Isoard? Chaque fois il s'attache moins aux théories qu'à l'homme même, et de ses expériences successives il retire un sentiment de solitude à la fois morale et matérielle de plus en plus amer. L'incessant exode qui devait être toute sa vie » (p. 4), c'est bien ce voyage douloureux parmi les hommes et les idées, hommes et idées qu'il aborde, aime et quitte au gré des raisons de

son cœur.

Ce maître des effusions spirituelles se crut-il réellement un homme d'action? I reconnaît lui-même ce conflit incessant qui mit aux prises en lui le contemplatif et le réaliste, cette hésitation où il se trouve à chaque pas entre attendre et préparer (p. 199-204). S'il est troublé dans tout son être par le mot de Döllinger: « Il faut appar tenir à une Église positive », c'est qu'il se sent peu sûr, une fois sorti de toute Église, de trouver par lui-même une forme positive de doctrine et d'action. L'« adoration silencieuse » dans laquelle il acheva sa vie fut un repos résigné pour ce grand mystique à la fois simple et inquiet.

Il réalisa peu et le savait : « Mon fils me dit souvent que je ne laisserai pas une œuvre écrite ou instituée, après moi, mais seulement ma vie » (p. 10). Cette vie, nous en connaissons dans son

moindre moment la période la plus tragique grâce au parfait historien qu'elle a trouvé en M. Houtin. Il est à peine besoin de dire avec quel intérêt nous lirons les volumes qui retraceront les phases suivantes de cette carrière si souvent douloureuse et toujours si pure. P. ALPHANDÉRY.

NOTICES BIBLIOGRAPHIQUES

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Tome I, 1920.

Syria. Revue d'art oriental et d'archéologie, publiée sous le patronage du Haut-Commissaire de la République française en Syrie. Paris, P. Geuthner. 340 pp., 182 fig., et 40 pl. hors texte. La France ayant reçu le mandat d'organiser la Syrie, elle ne pouvait se désintéresser de tout ce qui touche à l'art et à l'archéologie dans cette région Dès les premiers jours elle a organisé un « Service des antiquités de Syrie » dont M. Chamonard trace le programme et annonce les premiers travaux. Les fouilles de Saïda, jadis commencées par Renan au cours de sa mission de Phénicie, et comtinuées en 1914 par le Dr Contenau, ont pu être reprises dès 1920. Cette année-ci, en divers autres endroits, notamment sur le site présumé de Qadesh, des recherches archéologiques sont entreprises et l'Ecole biblique de Jérusalem forme sous l'habile direction du P. Lagrange et de ses collaborateurs, de jeunes archéologues qui exploreront méthodiquement ce pays si riche en antiquités de diverses civilisations.

A côté et comme complément de l'organisation scientifique établie sur les lieux mêmes, il était bon qu'il existât une publication spéciale pour faire connaître les richesses artistiques et archéologiques de la Syrie. C'est l'œuvre que se proposent les fondateurs de Syria, revue trimestrielle publiée sous la direction de MM. Pottier, Migeon et Dussaud, conservateurs au Musée du Louvre.

Le premier volume contient un rapport très détaillé du Dr Contenau sur les fouilles de Saïda en 1914; pour la première fois en Phénicie des fouilles régulières ont permis de remonter au delà de l'époque perse et de reconnaitre des vestiges du second millénaire.

M. Dussaud a publié un verre moulé portant un nom nouveau de verrier sidonien ». Il commence une étude, illustrée de croquis conservés au Louvre, « sur Le peintre Montfort en Syrie 1837-1838 ».

M. Pottier aborde « l'art hittite », d'après ses leçons à l'École du Louvre en 1917-1918. Il se propose de montrer «< que l'art hittite ne joua pas à l'égard de l'art assyrien le rôle subalterne d'imitateur et de disciple ». Cet important tra vail comportera la reproduction au trait de presque tous les monuments hittites actuellement mis au jour.

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