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nez, que M. Doutté a déjà signalé. « Serait-ce un signe de reconnaissance », dit cet auteur? Je ne le crois pas, parce qu'on le retrouve, en maintes tribus du Maroc, où il n'a pas cette signification.

Ces R'enanema disent venir du Sahara et se donnent pour les descendants des Kharedjites qui, d'après eux, avaient tatoué, en signe de mépris, le nom de Mohammed sur leur talon. Cette anecdote, où le tatouage joue un rôle aussi inattendu, prouve que la mentalité de la centaine de R'enanema, essaimée à Tamesloht, est bien semblable à celle de Zkara; elle explique l'impression de M. Mouliéras, qui avait vu en eux, des antimusulmans.

Il ne me reste à parler que des Juifs; ils suivent généralement la prescription du Lévitique : « Vous ne ferez point d'incisions sur votre chair en pleurant un mort, et vous ne ferez ni aucune figure, ni aucune marque sur votre Corps >> (XIX, v. 28).

Les Israélites criminels eux-mêmes ne portent que rarement des tatouages; sur 195 fiches établies par le service anthropométrique de Rabat (fin 1918), je n'en ai relevé que 8 et on n'en trouverait pas une proportion plus forte chez les prostituées. Encore faudrait-il faire une place à part aux femmes tatouées de force par les musulmans. J'ai vu un certain nombre de juives enlevées par les tribus lors des sacs des Mellah de Fès et de Casablanca; quelques-unes portaient encore la siyâla; le plus grand nombre avait essayé de la supprimer au moyen d'un caustique.

La violation, volontaire ou non, de la loi religieuse, comporte d'ailleurs chez les israélites une sanction: les tatouées

1) Doutté, En tribu, Paris 1914, p. 334.

2) Communication de M. Pillet, officier interprète à Marrakech. Il est bien entendu que ce trait qui rappelle celui du chanoine Docre dans le roman de Huysmans, Là-Bas (Paris, 1899, p. 337), n'a aucun fondement.

ne peuvent être enterrées parmi leurs coréligionnaires. C'est le sort qui décide de l'emplacement de leur tombeau. Le fossoyeur fait tourner 7 fois la pioche en l'air avant de la lancer dans l'espace là ou elle tombe, il creuse la fosse, fût-ce auprès de la dalle funèbre d'un rabbin.

En somme, la proscription du tatouage est efficace chez les Juifs, tandis qu'elle demeure inopérante chez le plus grand nombre des arabo-berbères du Maroc.

Il faut d'ailleurs la subtilité des jurisconsultes musulmans, pour trouver dans l'imprécision du Qorân, le fondement de la doctrine des Hadit.

Les tatouages existaient en Arabie, du temps du Prophète; les poètes les mentionnaient'; toutes les femmes en étaient ornées et Fatima ez-Zohra portait bien vraisemblablement la Siyala que lui attribue la croyance marocaine. Néanmoins le Qorân ne contient aucune opposition de principe à l'égard de cette pratique qui on le voit, était fort répandue; il ne lui accorde qu'une allusion discutable, défendant simplement de « défigurer la créature humaine ». Ce sont les commentateurs qui lisent dans ces mots la prohibition du tatouage; ils raisonnent comme les zélateurs islamiques, pour qui, représenter la créature humaine, était empiéter sur l'œuvre de Dieu; et cependant, Mohammed et ses continuateurs, purent voir sur les joues des « serviteurs de la Sainte Maison de Dieu » ces scarifications qui ont été adoptées par les Naciria, et qui sont restées, au sanctuaire même de l'Islâm, comme un argument éclatant contre l'interprétation des jurisconsultes.

Il est remarquable que le Qorân et les Hadit aient eu la même attitude vis-à-vis des tatouages et vis-à-vis de la repré

1) Cf. Tarafat. Mo'allaqah v. 1; Nabighah Dzobyani, Diwan Appendice XXVI, 42; Labid, Mo'allaqah v. 9; Zohaïr Mo'all, v. 2; Antarah. Diwan XXXII, 1.

sentation de la figure humaine. Dans les deux cas, autant le Livre Saint avait été discret, autant la Tradition fut prolixe. Il s'était fait entre la rédaction des deux textes une évolution doctrinale dont il faut rechercher la cause, avec le P. Lammens, dans l'influence considérable exercée par les prosélytes juifs, très nombreux dans la primitive église médinoise, la plus ancienne officine dogmatique de l'Islâm 1 ».

1

Cette remarque dépasse assurément les limites de la question des rapports du tatouage et de la religion, au Maroc, mais elle souligne la différence qui sépare les Juifs des Arabo-berbères, les Juifs étant éloignés du tatouage par d'anciennes traditions, les Arabo-berbères (d'une islamisation plus ou moins ancienne, plus ou moins fruste) restant soumis aux influences ancestrales plutôt qu'aux règles de la religion.

J. HERBER.

1) H. Lammens, L'attitude de l'Islám primitif en face des arts figurés Journ. Asiat. T. VI, pp. 239, 279. MDCCCCXV. Au cours de ce dernier paragraphe, mon argumentation s'est souvent inspirée du travail de P. Lam

mens.

REVUE DES LIVRES

ANALYSES ET
ET COMPTES-RENDUS

Les Psaumes.

Extrait de la BIBLE DU CENTENAIRE, traduction nouvelle d'après les meilleurs textes avec introductions et notes. Un vol. gr. in-8° de 192 pages. Paris, Société Biblique de Paris, 1920. Prix: 3 fr. 50.

A côté de l'édition réservée aux souscripteurs et présentée avec plus de luxe, la Société biblique de Paris met en vente un extrait ou plutôt un tirage à part des Psaumes, de format moins grand.

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Cette nouvelle traduction a été préparée par MM. Charles Mercier (Ps., 1-29), Paul Humbert (Ps., 30-72 et Note générale sur les indications musicales, littéraires et liturgiques qui accompagnent les Psaumes), Louis Randon (Ps., 73-106), A.-B. Henry (Ps., 107150). M. Adolphe Lods a revisé l'ensemble du travail; puis, sous sa direction, le texte a été examiné à nouveau et définitivement arrêté par la Commission de l'A. T. de la Société biblique de Paris.

du

Cette traduction des Psaumes ne fera que confirmer l'excellente impression produite par le premier fascicule de la Bibie du Centenaire qui comprenait la Genèse et partie de l'Exode. Dès maintenant on peut dire que la nouvelle Bible marquera une date pour les études bibliques en France, surtout si, comme nous le souhaitons vivement, elle se répand dans le public et lui apprend qu'il y a traduction et traduction. Celle-ci met très heureusement à la portée lecteur le meilleur texte que de longues recherches ont établi, tout en lui permettant, par le système de doubles notes que nous avons expliqué (RHR, 1917, I, p. 129 et suiv.), de juger de la valeur des conjectures. Elle constitue donc aussi un excellent instrument de travail pour une première orientation. Les traducteurs ne se sont pas contentés, d'ailleurs, de choisir entre les diverses leçons pro

posées; ils ont fait œuvre personnelle et ont apporté leur contribution pour la solution des difficultés que soulève l'étude des Psaumes. C'est ce qui nous autorise à discuter quelques points accessoires.

Le fait qui domine aujourd'hui l'établissement du texte des Psaumes est la métrique dont les grandes lignes, après beaucoup de tâtonnements, sont aujourd'hui fixées. Les difficultés ne se présentent que dans le détail; elles proviennent principalement de ce que le texte est mal conservé ou a subi des remaniements. Le rythme est marqué par le nombre des accents, par la césure, par le parallélisme et les strophes égales. On peut soulever des objections contre l'un ou l'autre de ces termes, trouver ces règles trop absolues; mais pour être latente ou pour être violée, la règle n'en existe pas moins; il suffit, pour la justifier, de constater les heureux. résultats auxquels elle aboutit souvent. Ainsi le parallélisme n'est pas toujours très net; parfois même il semble faire défaut; mais la poésie hébraïque est à ce point modelée sur lui, qu'il l'a soumise à la coupe en strophes d'un nombre égal de stiques ou, si l'on veut, de membres de vers. Il faut naturellement éviter de soumettre à cette coupe régulière les psaumes formés de morceaux différents, mis bout à bout, et aussi les psaumes dans lesquels l'auteur a intentionnellement changé le rythme. Mais ici encore, il ne faut pas que l'exception nous cache la règle et nous prive de son bénéfice quand il suffit, pour la retrouver, de modifications très légères qu'appuient parfois les versions.

La nouvelle traduction des Psaumes tient compte de ces données, comme il est facile de le constater, par exemple au Ps., 3; toutefois, de par son caractère de vulgarisation, elle était tenue, en présence des difficultés les plus graves, à une attitude prudente. Nul ne l'en blâmera; c'est pourquoi les considérations qui suivent ne sont pas présentées comme des corrections, mais comme des suggestions que nous soumettons à la discussion. Elles tendent généralement à montrer que, dans la plupart des cas, il y a profit, aussi bien pour le texte que pour le sens, à adopter les strophes égales.

Ainsi pour Ps., 2, M. Ch. Mercier compte des strophes de sept, six, huit et sept stiques, sans que ressorte la raison qui lui fait adopter cette coupe. Duhm adopte tout simplement la strophe de sept. stiques et il n'est pas douteux que ce soit le dernier état du psaume.

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