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la rendre à sa mère éplorée. Cependant il semble bien que les initiés participaient à cette destinée tragique. A Eleusis, écrit Proclus. qui devait s'y connaître, « Proserpine, avec le concours de Pluton, restitue une âme à ceux qu'elle a préalablement frappés de rigidité et de mort ». Dans les Mystères de Mithra, le drame liturgique se rapporte plus particulièrement à la descente des âmes dans les corps humains, ainsi qu'à leur retour ascensionnel vers l'empyrée à travers les sept sphères planétaires. C'est sans doute à cette dernière partie du rite mithriaque que Tertullien fait allusion quand il écrit que ces Mystères comportaient « une scène de résurrection », imaginem Resurectionis'.

Comment agissent ces rites pour produire leur effet sur la personne du néophyte ?

1o Par une production d'influences mystiques qui modifient sa nature spirituelle et même physique. Chez les Australiens, ces influences se matérialisent sous forme de cailloux ou de morceaux de quartz qui sont censés s'introduire dans le corps du candidat-magicien '. Parmi quelques peuplades, on admettait même que ses entrailles étaient renouvelées. Ailleurs encore, c'est un serpent qui s'est introduit dans sa tête.

2o Ou bien, il y a substitution, voire superposition, d'une âme nouvelle qui descend du monde des esprits. M. Frazer a établi la fréquence de cette explication. Mais il a été trop loin en attribuant invariablement cette prise de possession à un totem qui communiquerait sa propre âme aux néophytes, tout en gardant sa propre individualité. En effet, il n'y a pas de raison pour que l'âme ainsi incarnée ne procède point d'une autre source. Il se peut très bien que cet agent nouveau ne soit pas une personnification ou une entité, mais simplement une

1) Proclus, In Plat. Theolog., 371.

2) Tertullien, De prescript, herætir., 40.

3) Mauss, Origine des pouvoirs magiques dans les sociétés australiennes. Paris, 1904, p. 16.

4; Ibid., p. 43.

qualité, une vertu, un affux de mana, un don de grâce, introduit dans le corps ou l'esprit du néophyte, par le sacrement de l'initiation, pour purifier et renouveler sa nature intime.

3. Par une application plus accentuée de l'idée de régénération, l'initié repasse à l'état d'embryon: Chez les Nosaïris du Liban, l'initiation était assimilée à un enfantement et le néophyte recevait l'appellation de foetus, alakali («< caillot de sang »). En Egypte, le Pharaon qu'on sacrait solennellement au cours de cérémonies qui avaient pour objet de l'assimiler à Osiris, devait s'envelopper dans la peau d'un animal, intitulée << la peau berceau », ou encore : « le lieu du Devenir, des transformations, de la vie renouvelée » ; cette peau remplissait aussi dans les funérailles des Egyptiens le rôle de linceul temporaire. Suivant M. Moret, une cérémonie analogue se célébrait au profit de certains personnages privilégiés dont on simulait ainsi le retour à l'état d'embryon, conformément à la légende de la résurrection d'Osiris ; c'est ce qu'on appelait « passer par la peau ». Nous retrouvons le même symbolisme dans l'Inde où le jeune brahmane devait également, au cours de son initiation, assumer l'attitude d'un embryon, en se plaçant sur une peau d'antilope noire qui représentait la matrice. A la suite de cette cérémonie, il était qualifié de dvi-ja «< deux fois né ». Notons que les Latins employaient un terme analogue pour désigner celui qui avait passé par le bain sanglant, dans la cérémonie du taurobole ou du criobole in æternum renatus. 4° Par le séjour temporaire du myste dans le monde des esprits.

Il n'est peut-être pas difficile, dans ce dernier cas, de reconstituer, en faisant appel aux constatations de la psychologie primitive, la filière des raisonnements qui ont conduit de la

1) René Dussaud, La religion des Nosaïris, Paris, 1900, p. 110.

2) A. Moret, Mystères Égyptiens, Châlons, 1911, p. 90.

3) Satapatha Brahmana, III, 2, 1, 6, (dans les Sacred Books of the East, t. XXVI, p. 27).

conception naturiste à la conception eschatologique de l'Initia

tion:

L'imagination, surtout dans les phases rudimentaires de la culture, est naturellement portée à faire de l'homme et de sa destinée le type et la mesure de toutes choses. Elle verra donc une mort suivie de résurrection dans le cours quotidien ou annuel du soleil, les phases de la lune, les vicissitudes périodiques de la végétation, voire les métamorphoses de certains animaux. Le folk-lore de nos campagnes était naguère rempli de génies agrestes et sylvains qui non seulement sont censés mourir en automne pour renaître au printemps, mais qui encore sont parfois représentés dans cette double opération par une victime réelle ou simulée, volontaire ou forcée'. Ici intervient la croyance, fondement de la magie imitative, que l'homme, en mimant les phénomènes ou les événements dont il désire la reproduction, en facilite la réalisation. Représenter la résurrection du génie à la suite de son trépas, c'est provoquer la renaissance de la végétation, de la lumière ou des autres forces périodiques qu'il personnifie. Mais alors se produit, par une nouvelle application de raisonnement analogique, une sorte de choc en retour : l'homme, en symbolisant les faits et gestes de ses dieux, croit s'identifier à leurs destinées. Un voyageur rapporte que certains peuples de l'Afrique centrale se prosternent devant la nouvelle lune en s'écriant: «Puisse ma vie être renouvelée comme la tienne vient de l'être » 2. Les Néo-Zélandais et dans une autre partie du monde, les Virginiens, croyaient que le soleil descend chaque soir dans une caverne, située à l'Occident, où il acquiert une vie nouvelle en se baignant dans une sorte de fontaine de Jouvence et que si l'homme pouvait en faire autant il deviendrait immortel3.

Je ne puis entrer ici dans le détail de tous les rites qui

1) Voir Mannhart, Die Korndaemonen, Berlin, 1866; Frazer, The golden Bough, Londres, 1900 passim.

2) Merolla, Congo, cité dans E. B. Tylor, Civilisation primitive, t. I, p. 389. 3) E. B. Tylor, mème ouvrage, t. I, p. 385.

achèvent d'agréger le néophyte au monde surhumain. Parmi eux figurent ceux que j'ai signalés plus haut à la suite d'Andrew Lang. Il est bizarre que presque partout, au dire des non-civilisés, on croie entendre la voix des esprits dans le bruit produit par la crécelle ou par quelque autre instrument analogue au jouet ronflant que nos enfants intitulent un diable; mais il reste à démontrer qu'un engin de ce genre était d'un emploi général dans les initiations des mystères classiques. Le badigeonnage d'argile, de craie ou d'autres substances colorantes est un rite très-fréquent; mais il ne faut pas confondre le lavage qui s'ensuit avec les lustrations qui ont pour objet de débarasser le candidat de ses effluves pernicieuses et qui rentrent plutôt dans les rites de séparation. D'autre part, les mutilations que j'ai rangées parmi ces derniers (circoncision, extirpation d'une dent, ablation d'une phalange, etc.) peuvent former également des rites d'agrégation, en tant qu'ils ont pour objet d'éprouver le courage des néophytes et leur force de résistance, ou de leur imposer une marque par laquelle ceux-ci se reconnaîtront La danse, comme le fait déjà observer Lucien, quand il écrit que « on ne trouve pas un mystère où l'on ne danse point >>', peut, en effet, être regardée comme d'un emploi universel dans les initiations, à condition d'y comprendre tous les mouvements rythmés, depuis les corroboris où les Australiens imitent les faits et gestes de leurs totems jusqu'aux circumambulations qui tracent un cercle pour séparer les deux mondes, quand elles ne constituent pas un procédé magique, pour agir directement sur le cours de la nature. L'application d'un nouveau nom à l'initié est souvent accompagnée de l'emploi d'une nouvelle langue, formée soit d'expressions et de tournures archaïques, soit de mots usuels qui emprutent une nouvelle intonation. Signalons encore le fréquent recours à la communion, par laquelle les néophytes, parti

entre eux.

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1) Lucien, Пept 'Opzńoews, chap. XV, 277.

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cipant à la nourriture des initiés, s'assimilent à leur nature, ou s'il s'agit d'un sacrifice, à la nature des dieux eux-mêmes.

C) Communication des sacra, -La communication des sacra, est à la fois le complément et l'objet essentiel des rites agrégatoires. Elle embrasse: a) des exhibitions; b) des actes; c) des instructions, triple distinction déjà établie par les anciens (à Eleusis devúμevx, ce qu'on montre; t Spúuevz, ce qu'on

fait; theyμevz, ce qu'on dit.

a) Les exhibitions comprennent, soit des instruments magiques ou évocatoires (amulettes, charmes, reliques, les churingas des Australiens, certains coquillages, la crécelle des Peaux-Rouges et des Nègres, le contenu des sacs-médecine, le sistre des Egyptiens, le van, le ciste, le tympanon des Grecs), soit des objets représentatifs ou symboliques (simulacres et effigies diverses, masques d'animaux, épis de blé, etc), soit enfin des tableaux dessinés ou mimés qui figurent tantôt les aventures des êtres surhumains, tantôt des scènes empruntées à l'autre monde. De la sorte, l'initié apprend à connaître les habitants de ce monde supérieur, à se familiariser ou à s'identifier avec eux, à vivre leur vie.

6) Les rites varieront selon le but poursuivi, mais il faut distinguer ceux qui, ayant pour objet l'initiation proprement dite, ne s'appliquent qu'une fois à chaque initié lors de son affiliation au groupe, et ceux qui renouvelés périodiquement avec le concours des membres déjà initiés, constituent le but essentiel de l'institution. C'est la différence qui existait, dans la Discipline du Secret entre le Baptême et la Cène, au sein des premières Ecclésies'.

c) L'instruction. qui se distribue parfois entre plusieurs degrés porte nécessairement sur le parti que les néophytes peuvent tirer de leur initiation. Mais elle s'étend généralement à

1) Peut-être est-ce à une distinction de ce genre que fait déjà allusion le vers 481 de l'hymne homérique à Déméter, où l'auteur semble mentionner succesivement l'initiation et la participation aux mystères "O; ô' åteλn;s lapāv suuopos (Rev. de l'Hist. des Rel., 1902, t. II, p. 339).

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