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CHRONIQUE

:

Sous le titre Un acte de donation de Marduk-zakir-šumi, M. Fr. Thureau-Dangin (Revue d'assyriologie, t. XVI (1919), p. 117-156) publie un texte intéressant gravé sur un remarquable koudourrou, témoin de l'art babylonien du milieu du xe siècle av. J.-C., entré depuis peu au Louvre, et, en appendice, deux textes importants: un koudourrou du Musée de Berlin (appendice I) et un rituel du kalu (appendice II) conservé au Musée de Bruxelles.

Le savant assyriologue montre que le koudourrou doit être le double d'un acte scellé en argile qui constituait le véritable titre de propriété. Le koudourrou était «< un objet consacré qui contribuait à donner au lien juridique la force d'un lien religieux. Le caractère religieux est particulièrement manifeste dans les longues imprécations qui forment, sur les koudourrous, l'habituelle conclusion du texte juridique ainsi que dans les représentations sculptées qui symbolisent les puissances divines auxquelles les imprécations font appel. >>

Nous signalerons, comme particulièrement intéressante, l'identification du balag, instrument de musique dont le kalu accompagnait son chant rituel, avec le tympanum de grande dimension figuré sur un des fragments d'une stèle de Goudea, celle du lilissu avec la timbale instrumentale. Le halhallatu qui accompagne la lamentation ir-šem-ma serait, comme le manzu, un instrument de percussion.

Le ritue du kalu conservé au Musée de Bruxelles est l'objet d'une étude approfondie. Ce document, qu'il est recommandé de cacher au profane, est, d'après le texte même, la « réplique d'une tablette de Nippur, écrite et revue conformément à l'original ancien ». C'est «< une sorte de résumé de la théologie du kalu sous la forme d'une énumération de dieux dont la nature et le rôle sont exprimés par des assimilations à d'autres divinités, par des épithètes ou gloses explicatives ». Les dieux énumérés se répartissent en trois groupes: 1° la triade; 2o les Gémeaux, 3° les sept enfants d'En-me-šar-ra. Les initiés du kalu font rentrer tous les dieux dans un système astrologique fort étroit, les dieux célestes étant aussi considérés comme des dieux infernaux. Il semble que par ce classement les prètres dits kalu, dont la fonction était d'apaiser le cœur des dieux, aient cherché à simplifier leur besogne.

M. Casanova (Journal asiatique), 1919, I, p. 134 et suiv.) tenant, peutêtre à juste titre, la ville de Damas pour une fondation arabe, demande à l'arabe le sens du terme Dimishq ash-Sham. Si nous signalons ici le résultat de cette recherche, c'est qu'elle se fonde sur des considérations mythiques fort intéressantes et qu'on pourra utiliser même si l'on hésite à comprendre le topo nyme en question : « le sang de la blessure de l'infortuné », c'est-à-dire d'Adonis.

- M. Pierre Roussel discute (Comptes-rendus Acad. des Inscript., 1919 p. 237 et suiv.) un curieux édit de Ptolémée Philopator relatif au culte de Dionysos, publié d'après un fragment de papyrus par M. W. Schubart. D'après M. Roussel, Philopator «< voulut attribuer une place propondérante à Dionysos. Pour y parvenir, il ne cherche pas à uniformiser la doctrine, mais il institue un culte officiel du dieu, d'abord en recensant et en organisant le clergé qui le desservira et peut-être, en second lieu, en revisant les titres des sanctuaires privés. » Les termes de l'édit paraissent impliquer le désir de mettre les ministres de Dionysos, dûment reconnus, sur le mène pied que les prêtres des dieux égyptiens. Comme complement à ces mesures, il est prescrit de déposer le hieros logos et M. R. explique qu'il ne s'agit pas d'instituer un dogme uniforme, mais simplement d'une enquête sur les titres des sanctuaires; il leur est prescrit de déposer les archives sacrées où l'on relate les origines du temple, sa tradition religieuse, notamment les oracles, les apparitions.

Dans le Bulletin archéologique du Comité, 1919, p. CLXX et suiv., notre savant collaborateur M. J. Toutain apporte de nouveaux arguments à l'appui de son opinion que les mots Adonis (génitif) Adoni (datif) qui se lisent sur deux inscriptions découvertes en Tunisie, ne désignent pas le dieu syrien Adonis, mais la grande divinité africaine Saturne, parfois invoquée sous le nom de Dominus, traduction du mot punique « Adon ». En même temps, il relève la coutume d'offrir, dans le propre sanctuaire d'un dieu, un édicule ou petite chapelle consacrée à ce même dieu. M. Merlin qui a découvert un pareil édicule, sans doute votif, dans le temple de Baal-Saturne et de TanitCérès à Thuburbo majus, en a rapproché « les stèles de la Ghorfa... où est figuré souvent un temple flanqué de colonnes et surmonté d'un fronton ». « Ce rite, conclut M. Toutain, qui consistait à offrir à la divinité, dans son temple, une petite chapelle ou un édicule, paraît avoir été répandu dans les religions orientales où l'usage des naïskos, naï tia, était courant ».

a

- Une inscription de Madaure, en Numidie, a fait l'objet de deux communications de M. Franz Cumont (Comptes-rendus Acad. des Inscript., 1918, p. 312 et 1919, p. 256). Tout en admettant qu'il faut y voir la mention des cistiferi, fidèles qui avaient le privilège de porter dans les processions le ciste

mystique, et non celle des hastiferi, notre savant collaborateur maintient l'explication qu'il a donnée de ces derniers, à savoir que la confrérie de la Lance était une troupe d'apparat figurant dans les cortèges liturgiques de Bellone et jouant un rôle analogue à celui du collège de dendrophori parmi les fidèles de la Magna Mater. Dans le texte de Madaure, le terme de Virtus désigne la déesse Må, vénérée dans les temples célèbres des deux Comane, celles de Cappadoce et du Pont. Lorsque son culte fut introduit à Rome, du lemps de Sylla, Mâ fut assimilée à la Bellone italique, et aussi à Virtus, la Vaillance, adorée depuis longtemps avec Honos, l'Honneur militaire. » Date probable, la fin du 1° siècle ou la première moitié du n•.

On possède deux dédicaces d'un gouverneur M. Aurelius Decimus Deo patrio, praesenti numini, lovi Bazoseno. Ce vocable reste à identifier. « Le numen du Jupiter de Bazosè (?), dit M. Carcopino (Bulletin archéolog. du Comité, 1919, p. xxix) restait toujours présent aux côtés de M. Aurelius Decimus, qui adorait en lui le deus patrius de sa cité natale. Grâce à la piété de ce gouverneur dévot, ce dieu local a possédé, loin de ses origines, au centre de Lambèse non seulement la statue que portait la base précitée, mais probablement aussi un sanctuaire à la dédicace duquel le fragment qu'elle omplète de son libellé pourrait bien avoir appartenu ».

Rendant compte des recherches effectuées à Dougga par le service des Antiquités de Tunisie, M. Merlin signale (Bullet, archéol. du Comité, 1918, p. CLIII et suiv., pl. XXXVII et XXXVIII) une construction en petit appareil, orientée au Sud, comprenant trois chapelles accolées entre elles sans communication entre elles et précédées d'une cour entourée sur ses quatre faces d'un portique. C'est un sanctuaire du type oriental, comme il en existait un bon nombre en Afrique. Une dédicace Teluri Aug. sac., gravée sur un grand linteau, indique que le sanctuaire était consacré à cette divinité. « Le culte de Tellus, dit M. Merlin, représentant la force féconde du sol, a été assez répandu en Afrique et y avait des racines profondes et anciennes dans la population agricole ». Le sanctuaire de Dougga, heureusement préservé par une couche moyenne de cinq mètres de déblais, fut consacré en 261 par une flaminique perpétuelle du nom de Botria Fortunata.

M. Joly a découvert à Madaure, et M. Monceaux a publié d'après la copie de M. Gsell (Comptes-rendus Acad. des Inscript., 1919, p. 142 et suiv.) l'épitaphe d'un vétéran chrétien, Caecilius Amilianus, qui s'était retiré à Madaure, où il mourut à quatre-vingt-trois ans dans la foi catholique. Ce texte nous apprend l'existence d'un tombeau commun pour les vétérans qu'on sait avoir été nombreux et dont la cité était fière. Quant à la foi catholique du vieux soldat, le rédacteur y revient avec une insistance caractéristique : Catholica

Legi (ligne 7), fidelissima mente (1. 8), in pace fidelis (1. 9-10). Cette insistance, tout-à-fait exceptionnelle dans l'épigraphie chrétienne, est habituelle aux épitaphes de Madaure.

SOCIÉTE ERNEST RENAN

Séance du 24 avril 1920.

R. D.

La séance est ouverte à 4 heures 1/2. M. Ed. Pottier préside.

Présents: M E. Lambert, M. M. Brunot, MM. Pottier, P. Alphandery, Belot, Bémont, H. Berr, P. Boyer, A. Cahen, R. Dussaud, Gaudefroy-Demombynes, Geuthner, P. Girard, Glotz, Goguel, Guignebert, Huet, Kindberg, Mayer-Lambert, Lebègue, Lods, Macler, Masson-Oursel, Moret, Parodi, Pommier, Théodore Reinach, Sartiaux, Toutain, Van Gennep, Vignon. Excusés MM. Barrau-Dihigo, Meillet, Picavet.

Plusieurs membres de l'enseignement notamment, MM. Beaulavon et Moniot, membres du Conseil supérieur de l'instruction publique ont été invités à prendre part à cette séance et ont bien voulu répondre à l'appel du Bureau.

M. H. Berr signale la présence à la séance de M. Antoine Guilland, professeur à l'École polytechnique de Zurich dont il rappelle les beaux travaux hisriques. Le Président souhaite la bienvenue à M. Guilland et dit avec quelle satisfaction la Société Ernest Renan verra les savants de Suisse s'intéresser à ses travaux.

M. A. Van Gennep termine sa communication sur l'histoire en France de la méthode ethnographique. Cette troisième partie consacrée à l'étude des principes comparatistes posés par l'abbé Claude Fleury sera publiée avec les deux premières, lues à la précédente séance, dans la Revue de l'Histoire des Religions.

La parole est donnée à M. G. Belot, pour l'exposé suivant sur le sujet : Quelle place est-il possible de faire à l'histoire des Religions dans l'Enseignement secondaire?

Messieurs,

Votre bureau m'a fait l'honneur de me demander quelle pourrait, suivant moi, être la place de l'histoire des Religions dans l'enseignement secondaire. Je ne pouvais me refuser à essayer de répondre à son invitation, bien que, à vrai dire, je ne me flatte pas de fournir à la question une réponse bien précise ni surtout bien positive. Le problème avait déjà été posé quelques années avant la guerre, et je me souviens qu'alors j'avais dû faire plus d'une réserve.

Ce n'est pas, bien entendu, que je méconnaisse aucunement l'inté-,

rêt qu'il pourrait y avoir à initier d'une manière moins tardive, et surtout plus générale, les esprits de nos élèves à l'histoire religieuse de l'humanité, et plus particulièrement à celle du Christianisme; mais ce sont des difficultés extrinsèques qui pourraient nous entraver.

Tout le monde ici, quelle que soit la diversité respectée des opinions, est bien convaincu de l'utilité intellectuelle et morale d'une telle initiation. Présenter, fût-ce sous la forme la plus élémentaire, une histoire des religions dans un enseignement secondaire, c'est d'abord, bien entendu, fournir un élément important de cette culture générale, de ces « humanités », qui sont l'objet propre de cet enseignement; mais c'est, plus précisément, réintégrer la fonction religieuse dans le système des fonctions mentales et sociales dont la connaissance et l'intelligence sont l'essentiel de l'histoire. Isoler cette fonction religieuse, comme on le fait trop souvent, ce serait d'abord rendre inintelligible une énorme portion des autres éléments de l'histoire humaine. Ni la vie politique ou morale, ni la vie artistique ou littéraire, ni la pensée philosophique [elle-même de chaque temps et de chaque société ne se pourraient comprendre, si l'on faisait abstraction de ce que la religion leur a fourni de matériaux ou leur a donné d'impulsions. Une telle abstraction est donc vraiment impossible à l'historien. Mais en outre, maintenir un tel isolement et détacher la religion du reste des phénomènes humains ne pourrait avoir d'autre effet que de la faire considérer comme une sorte d'anomalie, où les uns verront un scandale, les autres un miracle; deux conclusions aussi fâcheuses l'une que l'autre et qui, d'ailleurs, à certains égards se rejoignent.

Tant, en effet, que l'on a pu tenir pour un principe inébranlable l'hétérogénéité radicale du Christianisme et de toutes les autres religions, tant que cette opposition subsistait à l'état de croyance incontestée ou d'habitude inébranlée, on pouvait espérer que tout discrédit jeté sur ces autres religions rehausssait d'autant la valeur et l'autorité du Christianisme. Il pouvait donc sembler qu'on n'eût rien à craindre, et encore moins à espérer de l'étude des religions primitives ou païennes. Mais la situation a bien changé. L'idée de la continuité et de l'homogénéité de l'histoire humaine a pénétré les esprits; l'étude même des religions non-chrétiennes et des religions élémentaires en particulier, a fait apercevoir entre elles et le Chris

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