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plutôt que la possession de certaines connaissances déterminées et définitives?

Mais cela même m'amène à remarquer une autre direction qu'il me paraît bon de donner aux études dont nous parlons. C'est précisément, par opposition à tout effort de négation, la règle et l'habitude d'insister toujours plutôt sur l'aspect positif des faits ou des idées religieuses. Ces idées vraies ou fausses, ces faits, légendaires ou historiquement prouvés, sout en tout état de cause, des croyances qui ont régné, qui ont agi. Ces croyances sont donc elles-mêmes des faits qui ont leurs causes et qui ont leurs effets. Elles ne sauraient être ni arbitraires dans leurs origines ni indifférentes dans leur action. Si les plus grossières superstitions totémistiques ont eu pour les consciences primitives l'importance et la signification qui viennent d'être si amplement établies, il en est de même de tous les faits de l'histoire religieuse. La valeur sociale et morale de faits aussi généraux que le sacrifice, l'ascétisme, les cérémonies et les épreuves de l'initiation, ne permettent pas de les traiter comme de pures aberrations. Et si l'on examine dans le même esprit, à l'autre extrémité de la gamme religieuse, certaines subtilités des théologies plus raffinées, on trouvera aussi qu'elles comportent des interprétations positives des plus précieuses. Je ne serais pas éloigné de penser, par exemple, si l'on pose le difficile problème de l'éducation morale de l'humanité, de penser que ce sont les théoriciens de la grâce qui, réserve faite de leurs formules, sont arrivés le plus près de la vérité. Ni l'innéité, ni la contrainte extérieure n'expliquent l'acquisition de la moralité. En un sens il faut qu'elle nous vienne du dehors, et pourtant elle n'est moralité que si elle est intérieure; il faut la revouloir, mais il faut y être aidé. La grâce est à la fois gratuite et pourtant méritée; car la Société préexiste à chacun de nous et cependant elle ne peut rien pour nous sans notre collaboration.

Voilà un exemple entre bien d'autres de cette méthode à la fois libre et bienveillante, qui s'efforce de ressaisir sous les faits religieux ce qu'ils contiennent de vérité positive et humaine. Méthode autrement efficace pour la culture et la libération des esprits, qu'une négation brutale et sans tact ou que le silence, d'ailleurs presque impossible, de l'indifférence ou de la timidité. En replaçant la Religion sur le terrain de l'humanité, elle permet d'éliminer sans susciter d'inopportunes et d'inefficaces querelles, ce qui est supers

tition, et de rendre justice aux efforts spontanés, quelquefois sublimes, souvent malheureux, de la conscience religieuse de l'humanité. Si malgré tout la polémique reste nécessaire, comme je le crois, c'est ailleurs, mais ce n'est pas dans l'enseignement secondaire qu'elle peut trouver sa place.

A la suite de cet exposé de la question, M. Guignebert fait observer combien il est difficile à un professeur de lycée, sí objectif que soit son enseignement, de n'éveiller aucune susceptibilité de la part des parents des élèves ou de la part des représentants des différentes confessions, soit à l'intérieur soit hors de l'établissement où il enseigne. De là vient que certains maîtres, même très sûrement informés des questions religieuses et décidés à ne les traiter que d'un point de vue rigoureusement scientifique, sont retenus par quelque timidité et par la crainte d'incidents pénibles.

M. P. Boyer fait remarquer que plusieurs professeurs d'histoire et de philosophie (M. P. Boyer rend particulièrement hommage à Auguste Burdeau) ont depuis longtemps attiré l'attention de leurs élèves sur les questions d'histoire des religions et des doctrines. Mais ces très louables exemples ne sauraient rester à l'état de cas isolés : une circulaire ministérielle dont M. Boyer souhaite que la rédaction soit confiée à M. Belot pourrait recommander aux professeurs de l'enseignement secondaire de faire connaître à leurs élèves, avec tout le tact nécessaire, les principaux résultats de l'histoire des religions, lorsque l'occasion s'en présenterait, dans les classes de philosophie, d'histoire ou de littérature.

M. Guignebert n'estime pas qu'une intervention officielle puisse être d'une grande efficacité, tant que l'étude critique du passé religieux n'aura pas fait partie de la formation des professeurs de l'enseignement secondaire. Il souhaite donc que, dans les questions d'examens, dans la préparation à l'agrégation, on fasse une place beaucoup plus large qu'elle n'est actuellement aux sujets intéressant l'histoire des cultes et des dogmes.

M. Henri Berr ne croit pas que l'histoire des religions soit absente, comme on paraît vouloir le dire, de l'enseignement secondaire actuel. La part qu'on lui accorde, surtout en histoire littéraire, est déjà considérable. Toutefois, M. H. Berr estime qu'elle gagnerait à l'être encore davantage et qu'une invitation, soit due à l'initiative ministérielle, soit partie d'une société comme la nôtre, appellerait utilement l'attention des professeurs de lycée sur l'intérêt et l'importance de ces questions pour leur enseignement.

M. Albert Cahen a été frappé de rencontrer, chez nombre de professeurs de l'enseignement secondaire, une ignorance et surtout un manque de curiosité à peu près complet à l'égard des questions d'histoire religieuse. La mème indifférence se constate d'ailleurs dans la plupart des éditions d'auteurs classiques,

où les allusions à des faits religieux souvent considérables sont commentées avec beaucoup moins de développements que telle particularité grammaticale ou stylistique.

M. Glotz établit une distinction entre les questions d'histoire religieuse qu'il est possible de traiter sans éveiller aucune susceptibilité dans cette catégorie rentrent la presque totalité des religions antiques et celles que le professeur

ne peut aborder sans être entouré de défiance et d'hostilité. Le moyen âge religieux est particulièrement difficile à exposer, si résolument objectif que l'on soit. Le xvi siècle lui-même, avec ses nombreuses controverses dogmatiques, renferme moins de pièges, ne fournit pas matière à autant d'incidents scoaires que le xu ou le xnr° siècle occidental.

Toutefois, M. Glotz estime qu'il est possible de tout dire dans une classe normale, sans provoquer de réclamation de la part des familles ni de personnes étrangères à l'enseignement officiel. Il paraît donc bien qu'il y ait lieu d'encourager les professeurs d'histoire et de philosophie à élargir sensiblement la part qu'ils font à l'exposé des questions d'histoire religieuse. Trop de lacunes subsistent encore: on ne peut qu'être étonné en constatant, à la fin de la plupart des cours de philosophie, l'absence de toute allusion aux grands mouvements religieux actuels.

Comme M. Guignebert, M. Glotz estime que les futurs maîtres de l'enseignement secondaire auraient tout à gagner à être initiés au moins sommairement aux méthodes et aux principaux résultats de l'histoire des religions. MM. Parodi, Guignebert et Toutain présentent différentes observations. M. Toutain fait ressortir que la Section des Sciences religieuses à l'École des Hautes Études peut suppléer pour une large mesure, dans la formation des futurs agrégés, à la pénurie de chaires d'histoire des religions dont souffrent incontestablement encore les Universités françaises.

La séance est levée à 18 h. 10.

TABLE DES MATIÈRES

DU TOME QUATRE-VINGT-UNIÈME

ARTICLES DE FOND

Comte Goblet d'Alviella. L'Initiation, institution sociale, magique et

religieuse

Fr. Macler. Le texte arménien de l'Évangile d'après Matthieu et Marc
Fr. Cumont. A propos des Écritures manichéennes.
Clermont-Ganneau. Une nouvelle inscription nabatéenne datée du règne
de Rabbel II. .

Ad. Lods. L'« École de Strasbourg » et son influence sur l'étude des

sciences religieuses en France au xix siècle..

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Ch. Picard. L'ancien droit criminel hellénique et la Vendetta albanaise. 260
A. Causse. Le jardin d'Elohim et la source de vie.

289

G. Contenau. De la valeur du nom chez les Babyloniens et de quelques-

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Rendel Harris. Testimonies (Ch. Guignebert).

D. Le Lasseur. Les déesses armées dans l'art classique grec et leurs
origines orientales (R. Dussaud).

G. Maliandi, La fase attuale degli studii di storia religiosa (J. Toutain).

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.

S. Baronian et F. C. Conybeare. Catalogue of the Armenian manuscripts
in the Bodleian library (F. Macler). .

Ch. Sifflet. Les Évêques concordataires du Mans (A. Houtin).

F. Laurec. Le Renouveau catholique dans les lettres (A. Houtin).
St. Gsell. Histoire ancienne de l'Afrique du Nord. T. IV. (R. Dussaud).
F. Macler. Le texte arménien de l'Évangile d'après Matthieu et Marc
(Ch. Guignebert).

P. Cerosa. Sant, Agostino e la decadenza dell' Impero romano (J. Tou-
lain).

187

195

361

367

J. Laurent. L'Arménie entre Byzance et l'Islam depuis la conquête arabe
jusqu'en 886 (J. Ebersolt).

370

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J. Laurent. Byzance et les Turcs Seldjoucides en Asie occidentale jus-
qu'en 1081 (J. Ebersolt)

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P. Masson. Élements d'une bibliographie française de la Syrie (R. Dus-
saud)

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