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elles sont d'ordinaire pratiquées par un groupement naturel ou artificiel au bénéfice et pour le compte de la communauté. De ces deux formes d'initiation, il est impossible d'affirmer laquelle est la plus ancienne. Mais la seconde est de beaucoup la plus importante, non pas seulement parce qu'elle constitue dans les sociétés primitives un rouage nécessaire de la vie des individus et des communautés; mais encore parce qu'elle est la seule susceptible d'évoluer parallèlement aux modifications qui s'opèrent dans la structure du corps social.

Les individus qui n'ambitionnent de pénétrer dans le domaine du sacré que pour y trouver le moyen de satisfaire leurs convoitises personnelles risquent d'entrer en conflit, et non sans raison, avec la communauté qui finira par les proscrire, le jour inévitable où elle aura établi la distinction entre la sorcellerie et le sacerdoce. Cependant, au sein des sociétés rudimentaires, et, plus tard, dans les couches arriérées des populations plus avancées, les prérogatives du magicien seront acceptées ou subies, non, seulement à cause de la crainte qu'il inspire, mais encore à raison des services qu'il peut rendre soit à la généralité des individus, soit à la collectivité elle-même : guérir les maladies, faire tomber la pluie, favoriser la multiplication des animaux et des plantes utiles; assurer la périodicité des phénomènes célestes, découvrir les coupables, exorciser les mauvais esprits, enfin remplir des véritables fonctions sacerdotales dans les rapports de la peuplade avec certains personnages ou certains compartiments du monde. supérieur. Néanmoins le soin d'agir sur la nature est fréquemment assumé tantôt par des groupements d'initiés qui représentent une subdivision de la tribu, tantôt par des sociétés secrètes qui se recrutent par cooptation. Là où s'est maintenue la division en clans, ce sont ceux-ci qui se chargent des principales opérations magiques au profit de la communauté, chaque clan agissant sur son totem particulier. Ainsi parmi les indigènes de l'Australie, c'est le clan de l'émou qui accomplit les rites supposés capables d'assurer la multiplication ou la capture

de cette espèce; c'est le clan de la pluie qui procède aux incantations de nature à provoquer la formation des nuages, etc. La participation à ces rites implique toujours une initiation préalable.

Dans toute les sociétés rudimentaires, les individus du même sexe et du même âge, ayant les mêmes intérêts, les mêmes goûts, les mêmes occupations, ont une tendance à se grouper en sociétés particulières au sein de la société générale. Ce sont comme autant de classes juxtaposées qui comprennent respectivement les impubères, les adultes, les célibataires; les hommes mariés; les vieillards; les femmes dans leurs diverses conditions physiologiques; les groupes totémiques, clans, phratries; les étrangers; même les morts; en outre, comme l'a fait observer M. Van Gennep, certaines catégories sociales constituées par des événements normaux mais particuliers et temporaires maladies, dangers. voyages, occupations saisonnières, etc.. Plus tard seulement viendront les distinctions basées sur les professions permanentes. Or tout passage d'un de ces états à un autre est accompagné par une modification dans la forme ou la nature des influences surhumaines avec lesquelles l'individu se trouve en rapport. Alors que ces influences, personnifiées ou non, sont inoffensives et mêmes hautement utiles pour ceux qui sont à l'intérieur du groupe et qui savent comment s'assurer leur concours, elles sont dangereuses et fatalement nuisibles pour les étrangers. D'autre part, ceux-ci, en pénétrant dans leur nouvelle société, risquent d'y apporter les effluves magiques et contagieuses de leur ancien milieu. Il faudra donc à la fois les purifier, les agréger et les instruire. Tel est le triple objet de l'Initiation.

Parmi les initiations de cette seconde catégorie, une des plus importantes et des plus fréquentes est celle qui marque l'avènement de la puberté, ou plutôt qui, vers cet âge, rompt officiellement les liens de l'adolescent avec les enfants et les femmes,

1) Van Gennep, Rites de passage, Paris, 1909, p. 1 et suiv.

pour l'agréger à la société des hommes. On la trouve, soit comme institution établie, soit sous forme de survivance, chez presque tous les non civilisés : parmi les indigènes des deux Amériques, depuis les Fuégiens jusqu'aux peuplades arctiques, en Australie, en Polynésie, en Mélanésie, dans la Nouvelle Guinée et dans l'Inde, sans compter les traces qui en subsistent chez les peuples civilisés de l'antiquité. Sa portée s'explique en ce qu'elle confère aux adolescents les droits et les obligations. de membre actif de la société; autrement dit, les met en mesure de participer à la guerre, fonder une famille, pratiquer efficacement les coutumes et les rites d'où dépend le sort de la tribu. Ainsi comprise, l'Initiation peut être considérée comme la plus ancienne forme de l'instruction publique. C'est ce qu'avaient vaguement senti les Tuscarora de la Caroline, quand ils expliquaient à Lawson, il y a plus de deux cents ans, que c'était la même chose que l'envoi de nos enfants à l'école pour y apprendre les bonnes manières et les lettres'. Ces rites n'en gardent pas moins un caractère magico-religieux et englobent souvent tout le culte officiel de la tribu.

Parmi les femmes, on rencontre également des classes d'âge; mais l'initiation féminine, lors même qu'elle est calquée sur celle des hommes, y a moins d'importance, parce qu'elle confère moins de privilèges'. D'autres transitions encore donnent lieu à des rites qu'on peut considérer comme initiatoires, depuis la naissance jusqu'à la mort, par exemple : la naturalisation, l'adoption, le mariage, le sacre des chefs, les funérailles, etc... Ce sont toujours des passages d'un état à un autre. Le sacrifice, du moins pour les cultes qui en font un moyen de pénétration dans le monde sacré, assume également les formes et la portée d'une initiation. Toutes ces cérémonies se passent sur des emplacements qui ont un caractère de sanctuaire et dont l'accès est interdit aux non initiés. Leur organisation

1) Lawson, Voyage to Carolina, London, 1714, p. 380-382.
2) Webster, Primitive secret societies, New York, 1908, p. 45,

reste entre les mains des vieillards, gardiens naturels des traditions de la tribu, et ce qu'ils enseignent en premier ordre, c'est naturellement l'obéissance à la personne ainsi qu'aux instructions des Anciens.

A mesure que se développe l'autorité des chefs et que les institutions juridiques se dégagent des formes magico-religieuses où elles avaient été d'abord englobées, l'initiation des adultes perd son caractère général et obligatoire. D'autre part, la classe des initiés, tend à se subdiviser en une hiérarchie de degrés, qui se recrute sans toujours tenir compte de l'âge ou de l'ancienneté. Les initiés du degré supérieur entendent régir ceux des degrés inférieurs; parfois même ils réussissent à rendre leur monopole héréditaire, tout au moins sous la forme d'un droit à l'initiation de leurs enfants. La classe d'âge se transforme ainsi en une ou plusieurs sociétés secrètes, qui parfois prennent leurs membres dans diverses tribus et s'ouvrent même simultanément aux deux sexes, comme on le voit dans l'Afrique occidentale et l'Amérique du Nord, Au Gabon, on a constaté l'existence d'une société secrète exclusivement composée de femmes qui, comme les bacchantes antiques, célèbrent des rites orgiaques au fond des bois et sont très craintes des hommes; ceux-ci ne pourraient en surprendre les réunions qu'au risque de la vie'.

Le même individu peut désormais appartenir à plusieurs confréries, surtout quand elles poursuivent des buts différents. Quelques unes de ces sociétés deviennent de simples séminaires de féticheurs, rejoignant ainsi les sociétés de sorciers qui se groupent pour s'entr'aider dans l'exercice de leur art, et le maintien de leurs prérogatives. Cependant, la plupart d'entre elles continuent à jouer un rôle dans les affaires de la communauté. En Afrique, on les voit tantôt renforcer, tantôt limiter l'autorité des chefs. Elles exercent parfois, comme plus tard la Vehmgerichte de l'Alle

1) Wilson, Western Africa, London, 1856, p. 393.

magne médiévale, des fonctions de haute police ou de justice répressive, et sont d'autant plus redoutées qu'elles opèrent dans l'ombre. Celles qui se recrutent parmi les différentes tribus contribuent au maintien de la paix et constituent à l'occasion un premier germe d'institution arbitrale. Presque toutes, du reste, continuent à garder et à transmettre le dépôt des traditions et des coutumes, tant sociales que religieuses. Ainsi que l'écrit M. de Jonghe à propos du Bas-Congo, elles, forment ainsi, malgré leurs abus « un centre d'instruction religieuse et de formation civique'. » Une évolution analogue s'est accomplie chez les Cafres, les Polynésiens, les Mélanésiens, les peuplades de la Nouvelle-Guinée. Parmi les indigènes de l'Amérique Septentrionale, les sociétés secrètes, qui y sont très nombreuses, se sont reparti les opérations magiques qui influent sur le cours de la nature, la maturation des récoltes, la chute des pluies, le succès de la chasse et de la pêche, sans oublier le traitement des maladies individuelles. Dans les Iles de la Polynésie, comme chez les Peaux Rouges, les cérémonies de toutes ces sociétés sont en partie publiques, en partie secrètes, suivant qu'elles mettent en scène la mythologie, courante ou qu'elles expliquent à leurs néophytes le sens ésotérique de ces représentations.

II. ÉVOLUTION DU BUT DE L'INITIATION.

Quand la croyance à l'efficacité de la magie commence à disparaître, ou quand les cultes publics gagnent en importance, il arrive que les sociétés secrètes deviennent graduellement des simples clubs, d'où tout élément mystique a disparu; leurs anciens sanctuaires ne sont plus qu'un siège social, la maison commune des associés. Leurs rites dégénèrent alors en réjouis

1) De Jonghe, Les sociétés secrètes au Bas-Congo dans la Revue des Ques- . tions historiques (9° série) vol, XII (1907), page 511.

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