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Ils prennent

de M. Minocchi, d'une « reconstruction scientifique de la Bible ». tout leur intérêt si l'histoire biblique se fait du dehors, s'aide résolument de l'archéologie orientale, des traditions et des littératures sémitiques, de l'histoire comparée des religions.

D'autres articles ou notices seraient à citer dans les derniers numéros de Bilychnis : La réforme ecclésiastique dans le pays de J. Huss, par M. A. Fasul», La vision morale de la vie chez Léonard de Vinci, par M. M. delle Seta, etc.

Il nous est parvenu un petit livre de M. I. de Récalde intitulé Le Message du Sacré-Cœur à Louis XIV et le P. de La Chaise. Etude historique et critique. Paris, E. Chiron, éditeur, 1920, in-12. M. de Récalde prétend apporter seulement des « précisions documentaires » et en ce qui concerne la dévotion au Sacré-Cœur, ne toucher au fond ni de la question dogmatique ni des pratiques de piété dûment autorisées jusqu'ici par le Saint-Siège et par l'épiscopat ». Ce qu'il entend démontrer, c'est « l'indignité du P. de La Chaise comme agent de transmission du Message à Louis XIV », c'est « que la dévotion au Sacré-Cœur ne saurait être exclusivement le propre de tel ou tel ordre religieux bien que la Compagnie de Jésus ait paru s'en attribuer une sorte de monopole officieux. Les arguments de M. de Récalde sont soutenus de textes et de faits qui indiquent une rare intimité avec l'histoire ecclésiastique des trois derniers siècles. Mais ce sont là des controverses d'un caractère si privé, qui ressemblent si fort à des dissentiments de famille qu'on a quelque scrupule à y appliquer une indiscrète analyse historique.

SOCIÉTÉ ERNEST RENAN

Séance du 31 janvier 1920

La séance, qui a lieu dans les locaux de l'Ecole du Louvre, est ouverte A 4 heures 1/2. M. Ed. Pottier préside.

Présents MM. Pottier, Acollas, Alphandéry, Barrau-Dibigo, De Faye, De Ridder, R. Dussaud, Ferrand, Geuthner, H. Girard, P. Girard, Goguel, Guignebert, Kindberg, Mayer Lambert, Lods, Omont, Pommier, Van Gennep. Excusés: MM. P. Boyer, G. Calmann-Lévy, Gaudefroy-Demombynes, Macler, Meillet, Moret.

La Société Ernest Renan, sur la proposition du Président, décide d'adresser des remerciements à Monsieur d'Estournelles de Constant, Directeur des Musées Nationaux et, l'un de ses membres, qui a bien voulu mettre à la disposition de la Société la grande salle de l'Ecole du Louvre.

Lecture est donnée par le Secrétaire général du Procès-verbal de l'Assem blée générale du 18 décembre. Ce Procès-verbal est adopté sans observations. Le Président informe la Société de l'impression d'une circulaire-programme

tirée à 3.000 exemplaires, qui sera notamment envoyée aux Facultés et Lycées de province.

Le Président rappelle, sur la question posée par un des membres, que Mm. N. Renan a bien voulu accorder aux membres de la Société l'autorisation de consulter à la Bibliothèque Nationale les manuscrits d'Ernest Renan. Il est décidé sur la proposition de M. Omont, que l'assentiment du Bureau de la Société sera en outre nécessaire, ainsi qu'un avis envoyé par lui au département des manuscrits de la Bibliothèque Nationale.

Le Président donne la parole à M. HENBI GIRARD pour l'exposé d'un plan de Bibliographie de l'oeuvre d'Ernest Renan. M. Henri Girard fait ressortir dans les termes suivants la portée philosophique de cette bibliographie :

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Ce fut un grand humaniste qu'Ernest Renan, un homme qui laissera dans l'histoire de la pensée humaine une trace comparable à celle d'Erasme, par exemple, ou de Goethe, et c'est comme une magnifique contribution à la formation et au développement de l'humanisme moderne que nous désirons présenter son œuvre.

Une première division pourrait offrir au lecteur curieux de s'informer de la nature intellectuelle de ce grand esprit, ce qu'il conviendrait d'appeler sa philosophie, le monde de sa pensée, ses idées sur Dieu, sur l'univers et sur l'homme, sa conception d'un transformisme universel, d'une sorte de nisus divin qui explique à ses yeux les métamorphoses de la nature, la perpétuelle évolution des êtres et la démarche de l'histoire. Devenu capable, à sa sortie du Séminaire, grâce à la solide culture philosophique qu'il avait reçue tant à Saint-Sulpice qu'à Issy, de critiquer les rapports que les maîtres de la Scolastique avaient cru établir entre le péripatétisme grec et les dogmes chrétiens, il a été plutôt frappé de l'irréductible différence qui sépare Aristote et la pensée grecque de leurs audacieux disciples du moyen âge. Il a su dissocier des dées que l'arbitraire inhérent au génie théologique avait impérieusement soudées ensemble; telle est selon nous une des formes originales de l'activité proprement philosophique de Renan. Elle remonte à ses années de séminaire ; c'est pendant ces années fécondes que s'élabora ce monde d'idées dans lequel le grand historien, qui allait paraître, devait puiser et se retremper toute sa vie. Derrière l'apparent matérialisme d'Aristote, derrière son rationalisme absolu, sa négation de la Providence au sens vulgaire, derrière sa théorie de l'âme pleine d'hésitations et sa théodicée restreinte, Renan remontant jusqu'aux origines orientales de la pensée grecque (voyez le Mémoire sur l'origine et le caractère véritable de l'histoire phénicienne qui porte le nom de Sanchoniathon), a retrouvé l'antique sagesse de Thalès et d'Héraclite. Cette philosophie du mouvement universel et de l'éternelle métamorphose, il la modernisait, à l'âge de 25 ans, avant d'avoir lu Lamarck, Geoffroy saint Hilaire et Darwin, dans ce livre étonnant qui s'appelle l'Avenir de la Science, avant même d'avoir

lu Hegel, s'il l'a jamais lu comme fit Taine, ce que nous ne croyons pas. Il suffit en effet à ce grand esprit intuitif et génialement assimilateur de l'étude approfondie qu'il avait faite au séminaire de la philosophie scolastique et du péripatétisme chrétien (ainsi qu'en témoignent son Commentaire sur la philosophie péripatétique des Syriens qui est de 1852 et son étude sur Averroes et l'Averroïsme 1861), pour remettre à leur place et rendre à leurs sources réciproques les éléments distincts de cette majestueuse et fragile synthèse de la scolastique. I pressentit Hegel avant de le connaître, à travers les seuls cours de Victor Cousin, comme il lui fut aisé, à la fin de sa carrière, de retrouver les idées mères de sa propre philosophie, dans les œuvres de Schopenhauer, telles qu'elles lui apparurent, dès 1860, dans les fragments publiés par la Revue Germanique et les commentaires de Charles Dollfus: Tout passe et rien ne demeure, et la force divine de la vie, cette force inconnaissable qui entraîne le monde, ce dynamisme mystérieux sacrifie indéfiniment les individus et les espèces vivantes à des desseins que nul cerveau humain n'est capable d'interpréter, ni même de concevoir. Schopenhauer, devant cette force irrésistible et, semble-t-il, indifférente de la vie, fait figure de grand révolté. Il pénètre la duperie essentielle qui fait de l'abeille la proie de la ruche. Il refuse d'entrer pour une part quelconque dans ce monde de la Volonté où l'individu est toujours exploité et se réfugie dans le monde de la Représentation ou de la pensée qui est le nirvana du sage. Cette sorte d'attitude de boudhiste intellectuel ne sera pas celle de Renan, et, de la même conception pessimiste de l'univers et de la vie il fera jaillir, par un miracle de désintéressement, et de sympathie de l'individu pour l'œuvre divine, le seul miracle que son rationalisme admette, par un effet du pur amour » de l'abeille pour la ruche qui est son berceau, son atelier et sa tombe, une morale et une esthétique profondémen optimistes. Cette gaieté d'énergie, qui vient du fond du tempérament du bre ton Renan, anime la pensée du savant et du philosophe, féconde sa sagesse. Elle lui fait comprendre l'histoire de cette pauvre grande race humaine que Schopenhauer raille et bafoue. Renan admire la vertu autant que la beauté, parce que Renan croit à l'Amour ; et c'est ce qu'il a répété sans cesse à ceux qui ne voulaient pas croire à quel point il était demeuré profondément religieux. Souple et flexible comme l'était son intelligence, ce n'était pas assez de toutes les formules de la philosophie stoïcisme ou quiétisme, épicurisme même, pour exprimer toutes les nuances de la vérité aux aspects innombrables, telle qu'il l'apercevait; mais si ce merveilleux esprit était complexe comme l'infini qu'il réfléchissait dans son œuvre, son cœur était bon. Subtil et raffiné comme un Athénien, tout pénétré d'atticisme, il avait conservé, de sa profonde éducation chrétienne, le goût de la simplicité exquise et le sens de l'humilité. Voilà ce qu'il faut faire entendre à ceux qui ont taxé d'égoïsme intellectue] l'attitude, au fond très claire et parfaitement justifiée, de ce grand humaniste.

Renan a reflété les différents états d'esprit de cet admirable xix siècle si intelligent tout ensemble et si généreux, il les a fondus en un seul, et c'est la courbe de cette noble activité philosophique que dessinera la liste chronologique des ouvrages intitulés : l'Avenir de la Science (1848). De Philosophia peripatetica apud Syros 1852. - Les Dialogues et fragments philsophiques, 1876. L'étude sur Amiel, 1884 l'Examen de conscience philosophique,

1886, et la Préface des Feuilles détachées, 1890.

La deuxième division sera consacrée aux travaux du linguiste et du philologue qu'a été Renan. Un esprit philosophique ainsi fait devait s'adonner à l'Histoire et la considérer même comme la science unique.

« Les langues, a-t-il écrit, étant le produit immédiat de la conscience humaine et se modifiant sans cesse avec elle, la vraie théorie des langues n'est en un sens que leur histoire ».

Et encore: « La science des littératures et des philosophies, c'est l'histoire des littératures et des philosophies; la science de l'esprit humain, c'est l'histoire de l'esprit humain. » Telle est bien, donnée par Renan lui-même, une définition de l'œuvre qu'il a voulu faire c'est une histoire de l'esprit humain.

Une troisième division sera consacrée aux travaux de traductions auxquels s'est livré Renan sur quelques-uns des plus beaux livres de la Bible : Job, le Cantique des Cantiques, l'Ecclésiaste. Viendront ensuite les deux divisions capitales de notre bibliographie, celles qui regarderont l'histoire religieuse. Nous emprunterons à Renan lui-même ces subdivisions devenues désormais classiques entre les religions sémitiques ou dérivées du sémitisme, et les religions non sémitiques. Ainsi ses deux puissants efforts de synthèse bistorique qui s'appellent les Origines du Christianisme et l'Histoire du peuple d'Israël, comme ses belles études sur Mahomet et l'Islamisme prendront place dans la première subdivision, et nous classerons dans la seconde ses travaux sur le Bouddhisme et ses études sur le Paganisme et les religions de l'Antiquité gréco-romaine, que l'on considère, à bon droit, comme des généralisations de premier ordre. Ces généralisations sont caduques, dira-t-on. Pas tant qu'on pourrait le croire. Renan, comme les grands réorganisateurs des sciences historiques au xix siècle, les Silvestre de Sacy, les Max Muller, les Bopp, les Fauriel, les Kuhnen, les Dozy, les Mohl, les Burnouf, appartient à l'âge Léroïque de l'exégèse hébraïque ou orientaliste et de la mythologie comparée. Qu'importe si dans mille détails les conclusions ou plutôt les conjectures de ces esprits généralisateurs sont infirmées aujourd'hui. Nul ne conteste le rôle de l'hypothèse dans la science. A côté d'un déchet inévitable, que d'intuitions justes et profondes! Ces esprits vraiment philosophiques ne se faisaient pas d'illusion sur le sort réservé à leurs conjectures les plus chères; bon nombre d'entre elles sont demeurées solides et toutes ont servi le progrès de la pensée en ces difficiles recherches.

Un chapitre important nous servira de transition pour faire passer le lecteur, des travaux de Renan sur l'Antiquité judéo-chrétienne ou hellénique, travaux de philologie ou d'exégèse qui ont fait sa gloire, à ses études sur les temps modernes qu'il a le plus souvent publiées sous le titre d'Essais ou de Mélanges, qui sont trop peu connues et méritent un renouveau d'intérêt. Ce chapitre de transition pourrait passer sous la rubrique : Etudes celtiques.

C'est là, dans cette liste encore restreinte (mais que nous espérons voir grossir au cours de nos dépouillements) d'études intitulées : les Origines de la langue française, la Poesie des races celtiques, les Gallois en Bretagne, que nous espérons faire ressortir la riche compréhension de la critique renanienne. On connait assez le culte qu'il avait gardé de ses «< vieux pères» de race bretonne, c'est au monde celtique qu'il prétendait être redevable de la meilleure partie de lui-même; le sentiment de l'infini et le penchant pour le rêve, le goût de l'Aventure » et le sens profond de l'Amour, le respect des pauvres, des petits, l'adoration de la femme, toute la complexité de l'àme humaine moderne, sa profondeur et ses nuances, tout cela serait d'origine celtique, selon lui; c'est le monde celtique qu'il se plaisait à opposer à l'imposante tradition du rationalisme grec, à l'esprit pratique et juridique des Romains, et si nous sommes encore capables, en Occident, de comprendre quelque chose à l'éternel mysticisme oriental, ce serait aux mystérieux rapports qui unissent l'âme celtique à l'Asie antique et lointaine que nous le devrions. Or, ce celtisant convaincu que fut Renan, quand il s'agit des choses de la littérature et de la pensée n'en est pas moins en matière de linguistique le plus ardent des romanistes: la révolution qui, du latin a tiré le français, n'est pour lui, le fait ni des Celtes, ni des peuples germaniques; elle est le fait de l'esprit humain. Il a aussi fortement marqué que Gaston Paris par exemple les origines latines de notre langue et pour tout concilier, il s'exprime ainsi : « Un vieux fonds de mots celtiques, mots humbles, bas, relatifs presque tous à la vie du paysan, ou bien mots obscènes et frappés d'un certain caractère de trivialité, se conserva dans le langage du peuple. La prononciation d'ailleurs, élément capital dans la transformation des langues, resta bien réellement celtique, en sorte que le français pourrait être défini du latin prononcé à la gauloise. » Et encore : «< Ainsi une langue latine d'extraction plébéienne, martelée ensuite, durant des siècles, par des gosiers barbares, à demi dévorée par des mangeurs de syllabes, voilà notre langue, ce qui n'empêche pas que longtemps encore quand l'etranger voudra dire de fines et gracieuses choses, il se croira obligé de les dire en français. >>

C'est avec cet esprit si compréhensif, en qui l'érudition ne gênait ni l'ironie ni la grâce, c'est avec ce vigoureux bon sens et cette exquise puissance de sympathie que Renan étudia le moyen âge. On trouvera dans la division que nous réserverons aux ouvrages de cet ordre, une sorte de tableau en raccourci du moyen âge tout entier. Nous avons dit à quel point il était préparé par sa

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