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de l'incapacité des prédicateurs et du manque d'enthousiasme, n'est prêchée que mollement et sans ardeur.

Note du traducteur. J'espère ne pas avoir trahi mon auteur en le traduisant, et la communication pourrait, à la rigueur, se limiter à la traduction intégrale de l'article de M. Adjarian. D'autant que ce savant a proposé quelques explications et quelques identifications qui paraissent fondées.

Et cependant, sans dépasser les limites normales d'une communication, on pourrait ajouter quelques observations complé

mentaires.

Cet exposé doctrinal de M. Adjarian offre un bel exemple de syncrétisme religieux et montre comment, je ne dirai pas toutes, mais une bonne partie des religions naissent et se propagent.

M Adjarian observe fort justement que la doctrine des Thoumaris tient plus du christianisme que de l'islamisme. Il a apparemment raison; mais trois points, dans cet ordre d'idées, me paraissent péremptoires :

1o C'est d'abord le mot même de toumar que le savant arménien rapproche du grec tomarion; c'est exact, mais on pourrait encore pousser le rapprochement en recourant à l'arménien toumar; ce mot est fréquemment employé par les écrivains arméniens du moyen âge pour traduire le tomos de Léon, c'est-à-dire la lettre que le pape Léon Ier écrivit pour servir de norme aux Pères du concile œcuménique de Chalcédoine (451). Quand on sait le rôle énorme qu'a joué le concile de Chalcédoine et la lettre de Léon, dans les questions dogmatiques qui partageaient les chrétiens d'Orient, on ne sera pas surpris de voir que ce mot toumar désigne un ouvrage très à part, et qu'il ait été utilisé par un fondateur de religion natif de Tauris, où l'élément arménien fut de tout temps nombreux et prépondérant, pour désigner le livre sacré par excellence.

2o En second lieu, on observera le nom de Sahak donné au

prophète chargé d'annoncer l'arrivée de Sim 950 ans auparavant. Sahak est la forme arménienne courante du nom propre Isaac ; d'où, apparemment, influence de l'arménien sur l'élément chrétien de la religion thoumari. En outre, si l'on retranche 950 ans du début du dix-neuvième siècle de notre ère, on arrive à la seconde moitié du Ixe siècle, époque à laquelle vivait Sahak Mrhout, surnommé Apikourêch, qui fit beaucoup parler de lui par sa violence et qui est surtout connu par la réponse qu'il adressa à la lettre de Photius.

30 Enfin, en ce qui concerne le sacrifice des Thoumaris, M. Adjarian le rapproche des agapes des premiers chrétiens. La chose, en soi, n'est pas impossible, mais il paraît plus vraisemblable de rapprocher ce sacrifice de celui que pratiquent encore de nos jours les Arméniens, sous le nom de matagh et où l'on offre soit des fruits, soit des animaux tels qu'un coq ou un agneau.

Si l'on quitte le domaine chrétien pour l'arabe, on remarquera que plusieurs des noms cités par M. Adjarian, sont d'origine arabe; c'est ainsi que Remzibar signifie dans cette langue : << secret du Créateur » ; et on rappellera, à ce propos, que, dans

parler druze, la particule bar sert à désigner la divinité. Zoulfigar ou Zoulfiqar pourrait être une réminiscence du nom de l'épée d'Ali; ce mot, en arabe, signifie « celui qui possède des vertèbres » ; c'est, dans le texte thoumari, « celui qui répand la mort parmi le peuple»; cela s'accorderait assez bien avec l'épée d'Ali, à moins qu'il ne faille voir dans cette dénomination le souvenir d'un des officiers de Chah-Abas, Zoulfiqar Khan, qui se fit remarquer, au siège de Nakhitjewan, par son sang-froid et ses actes d'héroïsme, et dont parle en détail Araqêl de Tauris dans ses livres d'histoires.

Quant à Soulthan, le quatrième personnage de la quaternité Thoumarie, je serais assez porté à voir dans ce mot, un vocable arabe, emprunté à l'araméen, et désignant la force, la puissance; il figure avec ce sens dans le Coran. Dans la suite seulement, ce mot a été employé dans l'empire arabe pour désigner le chef du pouvoir exécutif; et c'est de là que la chancellerie

de Bagdad a donné le nom de sultan à Mahmoud Ghaznévide.

Quant à l'élément persan, c'est-à-dire iranien, il n'est pas davantage douteux. M. Adjarian a fort bien expliqué les mots tcharten et tchilten, signifiant respectivement les quatre corps et les quarante corps. On ajoutera que le mot yadigar signifie en persan << souvenir » et s'accorde assez bien avec le rôle que lui fait jouer la religion thoumarie, à savoir d'être la lumière de Dieu. Enfin, et sans quitter le domaine iranien, on remarquera que Hadjer ou Vézaver, en faisant sortir de lui-même ses premiers ministres, sans recourir à l'intermédiaire féminin, procède comme Zerwan qui donna lui-même le jour à Ahriman et à Ormazd, avec cette différence que ces derniers sont tous deux créateurs, l'un du bien, l'autre du mal, alors que cette notion de dualisme n'existe pas chez les Thoumaris.

Quant à voir, comme le fait M. Adjarian, dans le Turkestan la patrie de la religion thoumarie, on se permettra d'avoir des doutes. Les habitants du Turkestan ne sont pas créateurs de religions, eu égard à la profusion de religions qui naissent chez les Iraniens et chez les Slaves. La croyance en la transmigration des âmes était très répandue partout et elle peut aussi bien procéder des vieilles doctrines de la Grèce que des théories plus récentes de l'Inde. M. Adjarian voit dans la Quaternité thoumarie ou un élargissement de la trinité chrétienne ou une adaptation de la doctrine similaire de l'Inde. La chose peut être vraie, mais alors, je serais plutôt porté à croire à une influence hindoue en l'espèce; la trimourti hindoue, avec Brahma comme créateur, Vichnou comme conservateur et Siva comme destructeur n'est pas rigoureusement fixée; elle n'a jamais été l'objet d'un dogme.ni d'une véritable théorie (1); le nombre trois n'est pas absolu, et l'on sait fort bien qu'un des Pouranas ajoute à cette trimourti un quatrième personnage, Krichna, comme incarnation de Vich

(1) Cf. P. D. Chantepie de la SAUSSAYE, Manuel d'histoire des religions... (Paris, 1904), in-8o, p. 418.

nou (1). C'est là peut-être qu'il faut chercher l'origine de la quaternité thoumarie.

En résumé donc, si la religion des Thoumaris doit beaucoup au christianisme, comme l'avance M. Adjarian, il ne faut méconnaître ni les influences iraniennes, ni les musulmanes arabes. Si le thoumar était au ciel, à côté de dieu, avant de descendre sur la terre, il ne faut pas oublier que le Coran, lui aussi, fut créé et écrit au ciel, sur des tables de chrysolithe placées en face du Trône sublime. Et si l'un des principaux noms de la divinité thoumari est Hadjer, on peut à bon droit se demander s'il ne convient pas de rapprocher ce mot de l'arabe hadjir « celui qui émigre », ou bien plutôt d'un autre mot arabe hachir qui, comme l'a bien établi le regretté Paul Casanova (2), désigne «< celui qui rassemble », « celui qui prépare la fin du monde », c'est-à-dire l'« assembleur », soit le Prophète qui « a été envoyé avec l'heure pour vous avertir avant un terrible châtiment ».

Enfin, lorsqu'on voit chez les Thoumaris le nom et le rôle de Résoul, on ne saurait s'empêcher de songer au Resoul Allah, l'envoyé d'Allah », c'est-à-dire au prophète Mohammed lui

à «

même.

Ce ne sont là que quelques suggestions et qui n'ont nullement la prétention de remplacer l'étude exhaustive que mériterait la religion nouvellement connue des Thoumaris. Je n'avais d'autre but, ce soir, que de faire connaître le travail intéressant de M. Adjarian et je m'estimerais heureux si j'avais atteint ce but, au travers d'une simple traduction, que je me suis efforcé de faire aussi fidèle que possible.

Frédéric MACLER.

(1) Cf. Nathan SÖDERBLOM, Manuel d'histoire des religions... (Paris, 1925), in-8°, p. 340.

(2) Cf. Paul CASANOVA, Mohammed et la fin du monde... (Paris, 1911), in-8°, p. 18.

REVUE DES LIVRES

Analyses et Comptes Rendus

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G. H. LUQUET. L'Art et la Religion des hommes fossiles.
Paris, Masson, 1926, in-8°, 231 p.; prix: 26 fr. +20 %.

Livre clair, sobre, judicieux, savant sans pédantisme, copieusement illustré des images nécessaires à la justification des thèses. La partie relative à la religion se compose de deux chapitres. Le premier, qui traite du culte des morts, passe soigneusement en revue les principales trouvailles funéraires. En voici les conclusions : « L'incinération ne paraît pas avoir été pratiquée à l'époque paléolithique... Encore problématique et contestée, mais selon nous fort vraisemblable, est la pratique du décharnement présépulcral ou sépulture en deux temps.... Les faits constatés à propos des sépultures paléolithiques donnent à penser que, dans les croyances d'alors, les morts conservaient après le décès une vie analogue à celle des vivants. soumise aux mêmes besoins auxquels il devait être pourvu de même façon, et pendant laquelle ils conservaient avec les vivants des relations que ceux-ci semblaient redouter et dont ils prenaient des précautions pour se garantir. »

Le deuxième chapitre, intitulé « la religion et la magie », conclut que ce serait en vain « qu'on chercherait à discerner si l'attitude religieuse des Paléolithiques, sur lesquels nous ne sommes renseignés que par des vestiges peu nombreux et ambigus, mérite plutôt le

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