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celui-ci transmet la requête à Hérode (4). La crucifixion de Jésus par les Juifs était d'ailleurs le terme logique auquel devait aboutir la tendance apologétique à innocenter les Romains (1).

La conclusion d'ensemble à laquelle nous aboutissons en ce qui concerne le fragment IV peut donc être formulée ainsi : 1o Par la manière dont il est inséré ce fragment a tous les caractères d'une interpolation.

20 Il ne contient rien qui puisse être considéré comme réellement indépendant de la tradition évangélique mais les divergences qu'il présente par rapport à elle s'expliquent comme des déformations dues à l'action des causes qui ont, d'une manière générale, déterminé une transposition et une élaboration apologétique de la tradition.

Le fragment VII qui traite de la résurrection est rattaché à la mention du katapetasma qui se trouve dans la description du Temple que Josèphe donne au livre V de la Guerre Juive (V, 5, 4).

<< Avant cette génération, dit ce texte, ce voile était intact parce que le peuple était pieux, maintenant il était lamentable à voir. Il s'était en effet déchiré depuis le haut jusqu'au sol quand, par prévarication, on avait livré à la mort le bienfaiteur de l'humanité, celui qui, par ses actions, n'était pas un homme. On pourrait raconter d'autres signes terribles qui se produisirent alors. On dit que cet homme après avoir été tué et enseveli ne fut pas retrouvé dans le tombeau. Les uns prétendent qu'il est ressus

(1) Sur l'idée de la crucifixion de Jésus par les Juifs dans la tradition chrétienne voir W. Bauer, Leb. Jes. i. Zeitalt. d. neut. Apkr., p. 199 s. Comme Bauer le fait justement observer (p. 199), plusieurs des témoignages qui se rapportent à la crucifixion par les Juifs, sont difficiles à interpréter avec précision parce qu'il n'est pas toujours possible de déterminer s'ils se rapportent à la responsabilité morale des Juifs ou à leur participation matérielle au supplice de Jésus. On doit ajouter que l'idée de l'exécution de Jésus par les Juifs se rencontre dans le Talmud (Bauer, p. 478).

cité, d'autres que son corps a été volé par ses amis... (1), d'autres encore qu'il ne fût pas possible d'enlever le corps parce qu'on avait mis autour de la tombe une garde de trente Romains et de mille Juifs ».

Une preuve décisive de l'interpolation de ce morceau résulte de ce qu'il est, si on peut s'exprimer ainsi, accroché à la mention du voile qui se trouvait dans la description du Temple (VII, 5, 4) en sorte qu'il se trouve bien loin après un autre fragment, le cinquième, inséré au livre II (11, 6), dans lequel il est question de poursuites contre les chrétiens c'est-à-dire de faits qui, en tout état de cause, sont sensiblement postérieurs à la mort et à la résurrection de Jésus, plus loin encore après le fragment IV, alors qu'il eut été, semble-t-il, tout naturel de placer la crucifixion. Cette disposition, pour le moins étrange, montre que nous avons affaire non à un auteur qui donne quelques indications sur l'histoire évangélique aux endroits où il était naturel d'en parler, mais à un interpolateur qui introduit des allusions là où le texte qu'il remanie lui fournissait des prétextes pour les introduire ou, si on peut ainsi parler, des clous auxquels il lui était possible de les accrocher.

Si de cette observation il résulte nettement que notre fragment est interpolé, il n'en ressort pas encore que l'interpolation soit due à une main chrétienne. Le développement patripassien qui s'y trouve ne suffirait pas à le prouver car il sépare malencontreusement les mots : « Les uns prétendent qu'il est ressuscité, les autres que son corps a été volé par ses amis »>, de ceux-ci : « D'autres disent encore qu'il n'était pas possible de voler son corps...», ce qui montre qu'il est lui-même une interpolation dans une interpolation.

(1) Suit un passage sur les conditions dans lesquelles peut se produire une résurrection. Nous ne nous y arrêterons pas car son caractère nettement patripassien déjà reconnu par Schürer (Th. Litzg., 1906, c. 265) et par Seeberg (Von Christus..., p. 59) a été bien mis en lumière par M. P.-L. Couchoud, Les textes relatifs à Jésus dans la version slave de Josèphe, dans Revue de l'Hist. des Religions, t. XCII, pp.

Le développement patripassien écarté, ce qui reste est-il dû à la plume d'un chrétien ou d'un juif? M. Seeberg (1) estime que le texte traduit une attitude trop sceptique à l'égard de la résurrection pour qu'on puisse l'attribuer à un chrétien. Il oublie que l'auteur du fragment prétendant écrire au nom de Josèphe était, par là, tenu au moins à une certaine réserve. Il pouvait bien insinuer les croyances chrétiennes mais non les afficher ou les affirmer ouvertement. Le texte d'ailleurs, tel qu'il est, est suffisamment catégorique pour qu'aucun doute sur son origine ne soit possible. Il commence par affirmer

non comme

un bruit qui a couru mais comme un fait certain la déchirure du voile du Temple au moment de la mort de Jésus. Par là est indiqué que cette mort a été quelque chose d'extraordinaire, une offense contre Dieu et cela prépare à attacher une grande importance aux bruits rapportés dans la suite, c'est-à-dire à l'histoire du tombeau vide. Pour expliquer le fait que le corps de Jésus n'a pas été retrouvé dans le tombeau l'auteur indique deux hypothèses: résurrection et vol du cadavre. La seconde étant éliminée par l'histoire de la garde mise au sépulcre, la première seule reste possible. Nous ne voyons pas comment, à propos de ce texte, on peut parler de scepticisme sur la résurrection et comment on peut hésiter à reconnaître que l'auteur de ce morceau ne peut être qu'un chrétien.

D'ailleurs l'histoire de la déchirure du voile du Temple et celle de la garde mise au sépulcre, histoire dans lesquelles il est impossible de reconnaître des faits historiques suffiraient, à elles seules, à établir la dépendance de notre fragment par rapport à la tradition chrétienne.

*! **

Il nous faut maintenant examiner un autre aspect de la question puisque M. Eisler a invoqué en faveur des fragments slaves de Josèphe la lumière dont ils seraient susceptibles d'éclairer certains textes évangéliques.

(1) Seeberg, Von Christus..., p. 55.

Rappelons d'abord que si l'on veut faire de la critique évangélique avec quelque chance de succès, il faut savoir pratiquer l'art d'ignorer. Rien n'est dangereux comme de vouloir tout expliquer. Le tenter c'est se donner l'occasion de mettre en œuvre la virtuosité et l'ingéniosité que l'on peut avoir et M. Eisler en est certainement plus richement doué que qui que ce soit, mais c'est aussi l'occasion d'édifier des châteaux de cartes. C'est à cela en effet qu'on est bien obligé de comparer la construction qu'il nous propose. Elle ne nous paraît pas susceptible d'affronter un examen critique et l'interprétation qu'il donne de quelques textes nous laisse profondément sceptiques.

M. Eisler explique par l'agression de Pilate contre les partisans de Jésus les histoires racontées dans Luc, 13, 1-4 (Les Galiléens dont Pilate a mêlé le sang à celui de leurs sacrifices et les dix-huit personnes écrasées par la tour de Siloé). C'est une conjecture terriblement aventureuse. Si l'œuvre de Jésus avait eu le caractère politique que suppose M. Eisler d'après ce qu'il retient comme authentique du fragment IV, comment expliquer que la tradition chrétienne, malgré le soin qu'elle a pris de transposer toute l'histoire de Jésus et d'effacer complètement son caractère primitif, ait conservé le souvenir de ces deux épisodes mais en les amputant du lien qu'ils avaient avec l'histoire de Jésus. C'est trop, nous semble-t-il, ou c'est trop peu.

Si les deux brigands crucifiés avec Jésus (Mc., 15, 27 et par) avaient bien été deux de ses partisans, saisis auprès de lui les armes à la main, comment se fait-il que du rang d'associés de Jésus ils aient été ravalés à celui de criminels de droit commun et comment expliquer que la tradition ait si bien réussi à expurger l'histoire du procès de Jésus qu'il n'y reste aucune trace de complicités et que pourtant l'exécution des complices en même temps que Jésus ait été conservée mais déformée ?

Bien plutôt que le souvenir d'un fait historique, l'épisode des brigands crucifiés avec Jésus nous parait être l'illustration de la parole d'Esaïe: « Il a été mis au rang des malfaiteurs » (53,12). L'interprétation de la péricope de Barabbas (Mc., 15, 6-15)

appelle de plus graves réserves encore. Pour qu'elle puisse être admise telle que la propose M. Eisler, il faudrait qu'il soit d'abord établi que l'épisode est historique. Cette démonstration faite, il faudrait encore qu'il fût expliqué comment, si l'entreprise faite autour de Jésus avait été marquée par une échauffourée dans laquelle des meurtres auraient été commis, il pourrait se faire que l'on ait immédiatement fait le procès de celui qui aurait été le prétexte -involontaire d'après le texte slave de l'affaire, alors que l'on se serait borné à mettre en prison des meurtriers et des émeutiers pris les armes à la main. Cette mansuétude, au moins relative, à l'égard de gens dont la culpabilité ne pouvait être mise en doute, ne serait guère dans la manière de Pilate. Est-il possible enfin de reconnaître quelque chose que l'on pourrait qualifier d'« émeute » (5) dans ce qui nous est raconté de l'entrée de Jésus à Jérusalem (Mc., 11, 1-10 et par.) et de la purification du Temple (Mc.. 11, 15-18 et par.)? Ces événements ont sans doute passé inaperçus et, en tout cas, ont eu infiniment moins de portée et d'éclat que les évangélistes ne paraissent l'indiquer puisqu'ils n'ont provoqué ni de la part des autorités juives ni de la part de la police romaine de réaction immédiate. D'un côté il s'agirait d'une tentative violente organisée par les partisans de Jésus pour massacrer Pilate et la garnison romaine, tentative que les Juifs dénoncent au procurateur et qui est, de sa part, l'objet d'une répression sanglante. De l'autre côté il s'agit d'une simple manifestation dont-Jésus prend lui-même l'initiative mais qui n'a aucun retentissement parce qu'elle n'a de sens que pour un tout petit groupe d'initiés. Il nous paraît décidément impossible d'identifier les deux choses et d'éclairer l'un par l'autre le fragment slave et le texte évangélique.

Il faut ajouter que si Jésus avait été réellement condamné pour avoir participé à un mouvement politique ou pour en avoir été le prétexte, même involontaire, on ne comprendrait pas que lorsque, tout de suite après sa mort, ses partisans recommencèrent à se grouper, les autorités romaines aient longtemps regardé ce fait avec indifférence.

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