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mais seulement « qui se contentèrent d'un tel », ce qui est une claire expression de mépris. Appeler les Chrétiens « une race » (po) n'a de parallèle que dans la « natio lucifugax et tenebrosa » «la race fuyant la lumière et se cachant dans les ténèbres des catacombes» de l'antichrétien Minucius Félix.

C'est pour cela qu'on a déjà conclu il y a plus d'un siècle (Gieseler en 1824) qu'un texte original de Josèphe insupportable aux Chrétiens, a subi par cela même des retouches chrétiennes plus ou moins fortes. C'est notamment M. Théodore Reinach - - après Ernest Renan et Albert Reville qui a le plus nettement établi cette théorie tout à fait convaincante.

En effet un chrétien composant de toutes pièces et d'une façon absolument libre le paragraphe entier n'avait aucune raison d'employer des mots et des phrases désobligeantes pour ses coreligionnaires. Supposer qu'un faussaire les ait ajoutées pour faire croire à l'origine juive de ce récit, serait une hypothèse qui méconnaîtrait entièrement la tendance du récit christianisé tel que nous le possédons. Pour les chrétiens anciens il ne s'agissait nullement de fabriquer un témoignage sur la simple historicité de Jésus dit le Christ car celle-là n'a jamais été niée par qui que ce soit dans l'antiquité, même pas par les docètes. On a constaté tout simplement, que Juste de Tiberiade avait omis de parler de Jésus, mais on n'a pas tenté de suppléer à cette lacune. Tout au contraire, la raison pour laquelle on n'a pas copié les chroniques de Juste et pour laquelle on a toujours copié et recopié Josèphe, est tout simplement que dans Josèphe on trouvait le témoignage voulu sur la vie et la passion de Jésus. Mais on ne voulait et on ne pouvait se contenter d'un témoignage hostile et méprisant, on voulait qu'en dépit de son judaïsme Josèphe témoignât correctement de l'historicité non de Jésus, à quoi bon cela alors? - Mais de ses exploits miraculeux et avant tout de sa résurrection. Si pour

avoir un témoignage de ce genre, on avait ajouté un paragraphe inventé de toute, pièce, à quoi bon inventer un Josèphe, admettant volontiers que Jésus enseignait la vérité, qu'il était le Christ, qu'il était ressuscité des morts, mais qui pourtant se serait moqué de lui comme d'un quidam faiseur de miracles, d'un rabbin de quelques gens qui acceptent << avec volupté » des choses de ce genre?

Il me semble donc parfaitement impossible de supposer une origine purement chrétienne du paragraphe en question. Mais il y a en outre un indice très important pour l'authenticité d'une partie de ce texte : si Joseph parle au 20o livre de la mort de Jacques le Juste en l'appellant « le frère de Jésus le soi-disant Messie » (to λsyoμévou XpistoŬ), tout eritique qui n'est pas entièrement dépourvu du sens de la technique de narration, admettra, qu'un auteur aussi soucieux de l'opinion de son public que Josèphe ne peut pas exciter de cette façon la curiosité de ses lecteurs par une courte et obscure allusion, s'il ne l'a pas satisfaite plus amplement dans un chapitre précédent de son livre. Le chapitre ne pouvait être, selon l'ordre chronologique des choses, que celui du livre XVIII dont nous parlons. L'allusion au livre XX est donc clairement un renvoi à un paragraphe du XVIII plus explicite sur Jésus.

Les raisons pour lesquelles M. Eduard Norden a plaidé en 1912 avec un très grand succès, du moins en Allemagne pour le rejet total de ce témoignage de Josèphe sur Jésus si contradictoire en soi-même, sont faciles à réfuter. Si M. Norden se heurte au fait que le paragraphe en question est défiguré par trois « hiatus» ou collisions de voyelles inadmissibles dans la grécité cultivée du temps, il a oublié d'observer que le reste du chapitre dont on n'a jamais songé à contester l'authenticité contient dix-huit autres. cacophonies de la même sorte. La seconde objection plus grave, déjà soulevée par Tanneguy Lefèvre au XVIe siècle, serait que ce paragraphe sur la passion de Jésus, un événe

ment aussi tragique que dépourvu de tout caractère turbulent, semblerait entièrement déplacé dans son entourage présent, c'est-à-dire au milieu d'une longue liste d'émeutes (fópubo!) ou révoltes (a) des Juifs survenus sous Ponce Pilate et finissant chacune par un massacre d'une multitude de Juifs coupables et innocents. Cette objection ne vaut certainement que pour le texte traditionnel, c'est à dire remanié par les chrétiens. Que resterait-it de cet argument, si l'on pouvait prouver que l'original intact a dù en effet contenir le récit d'un mouvement révolutionnaire à Jérusalem, rattaché par Josèphe directement ou indirectement, à tort ou à raison, à l'influence de Jésus sur les masses?

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Rien de plus facile en effet que de démontrer avec une très grande vraisemblance qu'il devait en être ainsi. Si Josèphe a raconté du point de vue d'un juif Pharisien partisan de la hiérarchie nationale et écrivant pour un public. romain, l'entrée triomphale de Jésus à Jérusalem, sa proclamation comme « roi d'Israël », la soi-disante « purification du Temple par l'expulsion des banquiers, comment pouvaitil du double point de vue de la théocratie pharisienne et de l'empire romain ne pas caractériser ces événemenls comme une révolte (σtás) ou du moins comme une émeute (ópuboc)? puisque même le chrétien Marc (15, 7) les qualifie de « révolution » (σtάots) là où il dit que Barabbas et ses corévolutionnaires (Gustaσttasz!) avaient commis un meurtre « dans la révolution » (vt Tise:) - phrase qui ne peut que (ἐν στάσει). viser les événements susmentionnées dans le contexte où nous la trouvons et où elle a causé beaucoup d'embarras aux commentateurs et mème aux chrétiens paulinisés, rendus dociles à l'empire romain par la longue et vaine attente du retour en gloire de leur roi messianique c'est Luc qui le premier a obscurci la signification de ces mots si caractéristiques en les remplaçant par la phrase vague « dans une certaine révolution survenue en ville » (ἐν στάσει τινὶ ἐν τῇ πόλει) ce qui pourrait à la rigueur être interprété « dans une

certaine rixe survenue en ville» et ce qui a été interprété de cette façon tout récemment par MM. Couchoud et Goguel, qui appellent « Barabbas » — le brigand (s), le bandit, le komitadji, comme on disait dans la Macédoine turque << un criminel de droit commun ».

Si donc Josèphe a parlé de Jésus comme l'auteur ou seulement comme le centre de ce tourbillon de passions religieuses et politiques, son récit tout pareil à ceux qu'il donne d'autres mouvements analogues, ceux de Judas le Gaulanite, de Theudas, du Juif Egyptien etc. - ne pouvait pas montrer le plus faible signe de sympathie, ni même de compréhension raisonnable.

Par conséquent l'analyse critique doit suspecter a priori d'origine chrétienne toute expression tant soit peu favorable et ne considérer comme authentiques que les phrases plus ou moins clairement hostiles ou méprisantes. Du moins on pourra toujours voir ce qui résultera d'un tel procédé, et en tous les cas cette hypothèse expliquera d'une façon très simple et Josèphe n'est nullement un personnage très compliqué le fait qu'il y a dans le texte de naives pro! fessions de foi chrétienne voisinant paisiblement avec des paroles désobligeantes pour les chrétiens que ceux-ci ont laissé subsister bon gré mal gré, probablement parce qu'ils ne saisissaient plus très exactement les nuances et correspondances de certains mots comme par exemple saint Jérôme qui traduit « se contenter » par « diligere ».

Pour reconstituer selon le susdit principe le texte original anti-chrétien du Josèphe on dispose de plus de matériaux qu'on ne le croirait au premier abord. Il y a

1° les citations textuelles et directes d'Eusèbe et de Jérôme, conservant des variantes anti-chrétiennes dont M. Théodore Reinach a déja su tirer tout le profit possible.

2° toute la littérature pseudo-païenne que les chrétiens ont fabriquée pour combattre l'effet du récit de Josèphe et dans laquelle on retrouve à cause de cela des réminiscences

très caractéristiques dérivées du Josèphe non encore épuré et remanié notamment les soi-disant actes, rapports ou lettres d'un Pseudo-Pilate, d'un Volusianus ou d'un Lentulus inventés de toutes pièces par la fraude pieuse des croyants. Pour trouver un exemple de l'importance de cette catégorie de citations involontaires Vous pouvez feuilleter notamment les « Actes de Pilate» où l'on a fait invoquer le Christ par Joseph d'Arimathie dans les termes suivants : «O très doux (λuxúτate) Jésus, ô toi, l'homme le plus extraordinaire (saótate) de tous les hommes, s'il faut appeler un homme celui qui a fait plus de miracles que tout autre homme dans le monde entier ». Le vieux M. Zahn d'Erlangen a déjà attiré l'attention sur le parallélisme frappant de cette phrase avec le témoignage de Josèphe « un homme, s'il faut appeler un homme » etc. Le mot aicos ce qui est en dehors de lais, du sort assigné par la divinité à l'homme - done l'inoui, l'extraordinaire, l'incroyable connote toujours pour un ancien grec une 6s du sujet auquel le mot s'applique, et on ne s'en sert correctement que pour désigner des ètres ou des événements catastrophiques : une tempête, un orage, un tremblement de terre, un grand crime tout cela peutetre ἐξαίσιος οι meme ἐξαισιώτατος au superlatif, mais jamais, dans aucun cas le mot n'a le sens d'« admirable ». L'auteur tardif des Acta Pilati, peu familier avec les finesses de la langue grecque ne savait plus cela. Il appelle au commencement de ces « actes » les miracles de Jésus totótaтa Ozúμzta

et ne croit par conséquence pas manquer de respect au Seigneur en l'appelant comme on ne peut plus douter, d'après Josèphe - « l'homme le plus extraordinaire » (fatottatos) du monde, nous conservant ainsi en toute naïveté l'expression la plus irritée dont la rancune du Pharisien Josèphe ait pu se servir dans son récit. On voit donc que le paragraphe corrigé commençait à l'origine par les mots suivants : « vers ce temps. apparut un certain Jésus, le plus extraordinaire des hommes, si d'ailleurs on doit appeler un homme celui... qui aurait

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