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moins elles furent loin de jouir de l'indépendance. D'abord elles n'eurent lieu qu'avec la permission du prince. Les électeurs français ne purent se rassembler qu'après avoir reçu du roi « l'autorisation d'élire!» (1). En Allemagne la sujétion fut encore plus grande. Là le choix d'un nouvel évêque doit être fait en présence de l'empereur ou d'un délégué impérial: ainsi le voulait le concordat de Worms. Dans ces conditions l'élection devait fatalement être influencée par la volonté du prince. C'est ce qui eut lieu généralement les électeurs se trouvaient en présence d'un candidat officiel que, bon gré mal gré, ils acceptaient. D'ailleurs ils ne gagnaient rien à braver l'autorité; car le prince pouvait toujours, par le refus de l'investiture, annuler pratiquement une élection qui lui déplaisait (2).

Parallèlement à l'action royale se déroula l'action pontificale. Action progressive et variée dans ses formes. Etudions-la.

Pendant tout le douzième siècle les papes ne songèrent pas à imiter la manière hardie de Grégoire VII, leur rôle se borna à examiner et à juger les élections déférées à leur tribunal. Rôle modeste, si on le considère du point de vue de la théorie, puisqu'il consistait seulement à écarter les sujets indignes ou incapables. Mais rôle laborieux, car nombreuses furent les élections irrégulières; plus nombreuses encore celles qui furent contestées parce qu'elles lésaient les intérêts d'une coterie. Ajoutons que cette intervention, théoriquement modeste avait en pratique une importance considérable. Arbitre suprême des élections le pape, par sa sentence, mettait fin aux conflits. Le candidat pour lequel il se prononçait était « confirmé », c'est-à-dire assuré de la possession de « l'évêché, garanti contre toute attaque. Et cette confirmation était si précieuse que ceux-là même dont l'élection n'était pas contestée, prirent l'habitude d'aller la demander à Rome. Une élection non confirmée était toujours précaire, toujours susceptible d'être attaquée par des envieux. La confirmation

(1) Imbart 441-447.

(2) Hauck IV, 117, 146, 195, 276, 297.

pontificale lui garantissait la stabilité. Elle était une assurance contre le naufrage (1).

A partir du treizième siècle l'action électorale du saint siège revêtit un caractère nouveau. Jusque-là les papes s'étaient bornés à casser les élections irrégulières et à confirmer les choix irréprochables. Désormais ils ne craignirent pas de se substituer aux électeurs et de nommer eux-mêmes les évêques. L'auteur de cette évolution autoritaire est Innocent III (2). C'est ce pape qui, transformant en maximes juridiques les précédents audacieux posés par Grégoire VII, s'est arrogé le droit de faire des nominations épiscopales. Son intervention la plus célèbre en ce genre est celle par laquelle il régla l'affaire de Cantorbéry (3). En 1205 deux candidats au siège de cette église arrivèrent à Rome, l'un élu par les moines à l'insu du roi Jean-Sans-Terre, l'autre soutenu par ce prince. Innocent cassa les deux élections et imposa Etienne Langton (1207). Il n'exerça d'ailleurs son nouveau droit que rarement, avec beaucoup de discrétion. Et aussi avec une grande habileté. Il masqua, par exemple, la nomination d'Etienne Langton derrière un simulacre d'élection qu'il fit faire au Latran; il se crut ensuite autorisé à dire qu'Etienne avait été canoniquement élu.

Comme il fallait s'y attendre l'arbre planté par Innocent III grandit, se développa, poussa des rameaux vigoureux; surtout à partir d'Innocent IV. Tous les papes de la seconde moitié du treizième siècle nommèrent eux-mêmes en Allemagne, en Italie, en Sicile, en Angleterre, de nombreux évêques qu'ils choisirent principalement parmi les dominicains et les franciscains (4). Au cours de sa lutte avec Philippe le Bel Boniface VIII soumit à ce système la France qui, jusqu'à lui, avait été à peu près épargnée. Puis vint Clément V qui réserva à la nomination du saint siège

(1) Imbart, 482-499; W. Stubbs, III, 310. (2) Hauck, IV, 728-730.

(3) Matthieu Paris, Chronic-majora, 1205, Luard II, 492; Hefele, V, 819. (4) Hinschius, II, 574; III, 127, 129; Hauck, IV, 838; P. Viollet, Histoire des institutions politiques et administratives de la France, Paris, 1898, II,

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tous les évêchés dont les titulaires mouraient en cour de Rome (1305). Puis vinrent Jean XXII, Benoit XII et Clément VI qui élargirent le principe posé par Clément V (1). Bref au milieu du quatorzième siècle les papes avaient mis la main sur un nombre considérable d'évêchés. Ils faisaient une concurrence redoutable aux chapitres et aux rois.

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Cette concurrence s'exerça sans entraves sérieuses pendant tout le quatorzième siècle. Pourtant elle souleva de bonne heure en Angleterre de vifs mécontentements (2). Dès 1307 le parlement anglais fit entendre des plaintes qu'il renouvela en 1343, en 1351, en 1365, en 1376, en 1390. De ces plaintes dérivèrent le « statute of Carlisle » (1307) et le « statute of provisors >> >> (1351) qui faisaient revivre le droit électoral. Mais les papes eurent bientôt fait de gagner les rois en donnant quelques évêchés à leurs favoris. Et, assurés de la protection royale, ils purent dédaigner l'opposition du parlement. Il faut attendre le grand schisme pour les voir reculer. Alors, la situation est changée. La papauté est faible, elle ne dispose plus que de vaines menaces. La loi du plus fort fait son œuvre les rois mettent de nouveau la main sur les évêchés; ils regagnent lentement mais progressivement le terrain qu'ils avaient perdu.

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Les Français et les Allemands mirent, eux aussi, à profit la crise du grand schisme pour se soustraire aux empiètements de l'autorité pontificale. Les Allemands procédèrent avec modération. Ils n'interdirent pas totalement au pape de se réserver la nomination de certains évêchés, ils lui demandèrent de se renfermer dans les limites du droit que Jean XXII et Benoît XII avaient tracées. Martin V leur donna satisfaction et rédigea conformément à leurs désirs le Concordat de Constance (3) (1418). Les

(1) Raynaldi, 1303, 39; Hinschius III, 130; Stubbs III, 316-320; F. Rocquain, La Papauté au moyen age, p. 215; C. Eubel, zum päptlichen Reservations und Provisionswesen: Römische Quartalschrif, t. VIII (1893), 173, 349.

(2) Stubbs, III, 321, 338, 340.

(3) B. Hübler, Die Constanger Reformation und die Concordate von 1418, Lepzig 1867, p. 115, 192, 205, 315.

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Français furent plus radicaux. Dans les conciles nationaux de 1398 et de 1408 ils prononcèrent ce qu'on appelle « la soustraction d'obédience », ils refusèrent la soumission au pape français, à celui qui, à leurs yeux, était le vrai pape; par voie de conséquence ils rétablirent dans toute sa vigueur le système des élections épiscopales contrôlées et confirmées par le métropolitain (1). Et quand, à Constance, le pape leur proposa un concordat analogue au concordat accepté par les Allemands, ils le refusèrent. Malheureusement les Anglais dominaient alors, sur une partie de la France. Le duc de Belfort, qui gouvernait au nom du jeune Henri VI et qui tenait à avoir les sympathies de Rome, autorisa le pape à choisir les évêques sur une liste de trois candidats présentée par le pouvoir civil (1425), le faible Charles VII céda alors de peur d'être sacrifié par le pape, aux Anglais. Martin V triompha en France comme en Allemagne (2).

Mais la bataille n'était pas finie. En 1433 le concile de Bâle supprima tous les droits que le saint siège s'était octroyés relativement à la collation des évêchés et rétablit le système des élections. Or le décret de Bâle fut admis successivement par les Etats généraux de Bourges (1438) et par la diète de Mayence (1439). Il entra dans la Pragmatique Sanction de l'église gallicane et dans l'Instrumentum acceptationis de l'église allemande (3). Au bout de vingt ans il ne restait rien des victoires remportées par Martin V: tout était à recommencer.

La papauté recommença et travailla énergiquement à relever sa fortune écroulée. En Allemagne quelques années lui suffirent pour obtenir un résultat satisfaisant. Elle l'obtint par le Concordat de Vienne que le pape Nicolas V signa avec l'empereur Frédéric III (1448) et qui remettait en vigueur la convention de

(1) Noël Valois, la France et le grand schisme, Paris, 1896, III, 164; 607614; IV, 178.

(2) Hubler, 284, 292, 298; Noël Valois, IV, 420-435; Histoire de la Pragmatique Sanction de Bourges, Paris 1906, p. vi, xxxIII.

(3) Noël Valois, Pragmatique Sanction, p. LXXVII-XCII; Pastor, I, 252; Hinschius III, 138.

Constance (1). Or on se rappelle que cette convention consacrait la situation juridique créée par Jean XXII et Benoît XII. En France la situation fut beaucoup plus difficile. Pendant plus de soixante ans les papes réitérèrent les plus vives protestations contre l'odieuse Pragmatique Sanction sans parvenir à l'abroger. Enfin en 1516 Léon X obtint de François Ier l'abrogation tant désirée c'est l'objet du Concordat de Bologne. Mais le rusé roi de France n'avait songé en faisant cette convention qu'à ses propres intérêts; il n'avait lâché la Pragmatique Sanction que pour être le maître de l'église gallicane, pour enlever à cette église l'indépendance dont la dite Pragmatique était le soutien. Aussi est-ce avec une grande parcimonie qu'il mesura la part de Rome dans le recrutement de l'épiscopat. Il se réserva à lui et à ses successeurs les rois de France la nomination des évêques, il ne laissa au pape que le droit de confirmer le choix royal. Désormais la France ne recevra plus ses évêques des chapitres, mais aussi elle ne les recevra plus de Rome; l'église gallicane privée des élections épiscopales, affranchie en partie de la tutelle romaine, sera entre les mains de ses rois.

Armand DULAC.

(1) Hinschius III, 138.

(2) Noël Valois, Pragmatique Sanction, p. cxXVIII, CXLVIII, CLIII, CLXXXV; CLXXXVI; Combet, Louis XI le Saint-Siège, Paris 1903, p. 2, 16.

(3) Madelin, De Conventu bononiense, Paris 1900, p. 65; Pastor, IV, 578. 591.

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