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critiques, dans ce sens qu'un type particulier de parole ou de récit correspond à une certaine fonction de la vie de l'Eglise et à celle-là seulement. On ne voit pas au nom de quel principe on pourrait affirmer que tel morceau qui pouvait être utilisé pour la prédication ne pouvait pas l'être en même temps pour l'instruction, pour la controverse ou pour la mission et peut-être aussi tout simplement pour la satisfaction de l'imagination et de la curiosité pieuses.

Plus arbitraire encore, ce sera notre troisième critique, est l'affirmation que, dans la correspondance entre le récit ou la parole et la fonction, c'est la fonction qui est l'élément premier et que c'est elle qui a déterminé la constitution du récit ou de la parole. Il nous semble que les relations les plus vraisemblables sont retournées par la formgeschichtliche Schule et qu'en tout cas, à la réalité complexe, est substituée une construction théorique abstraite.

La conséquence de ce qui vient d'être exposé c'est que, tandis qu'ils prennent pour mot d'ordre la formule du « Sitz im Leben» (1), les critiques de la Formgeschichte se placent en réalité hors de la vie et du réel. Ils n'opèrent plus sur les récits dans leur complexité vivante mais sur le schéma abstrait de leurs classifications et de leurs constructions théoriques.

C'est une affirmation théorique encore et des plus contestables que l'idée que dans l'histoire du christianisme primitif, c'est la communauté qui est le facteur essentiel, voire l'unique facteur du développement ce qui conduit à méconnaître peut-être parce qu'autrefois on l'a trop exclusivement souligné le rôle des grandes personnalités.

La prépondérance de l'esprit géométrique sur l'esprit de finesse et l'abus de la construction théorique paraissent être les caracté ristiques essentielles de la nouvelle école. C'est faire une construction théorique encore que d'affirmer que la considération de

(1) L'expression est de M. Gunkel, Theologische Rundschau, 1917, p. 266. (cf. Cullmann, Rev, d'hist. et de phil. rel., 1925, p. 564).

la forme des récits doit l'emporter sur celle de leur matière ou que de poser en principe que la tradition évangélique est, de tous points, assimilable à n'importe qu'elle autre tradition ou encore que d'admettre que les récits qui ont été utilisés pour certaines fonctions de la vie de la communauté ont été créés en vue de ces fonctions et n'ont servi qu'à elles.

Enfin, il serait intéressant de rechercher si ce ne sont pas, en partie au moins, des vues théoriques qui ont inspiré, à M. Bultmann notamment, l'agnosticisme auquel il paraît si volontiers se résigner en ce qui concerne l'histoire même de Jésus et si ce n'est pas parce que l'histoire, par sa nature même, n'est pas susceptible de lui fournir une certitude d'ordre absolu qu'il lui tourne le dos pour lui chercher une sorte d'Ersatz dans le témoignage religieux de la génération qui a produit les évangiles et pour demander que la simple exégèse historique et critique soit doublée d'une exégèse pneumatique ou théologique de manière à abolir la distincton, pour nous essentielle, entre la théologie systématique et la théologie historique (1). Pour répondre à ces questions, il faudrait examiner les théories d'une école qui, au premier abord, paraît être aux antipodes de l'hypercritique d'un Dibelius ou Bultmann mais qui doit cependant avoir la formgeschichtliche Schule quelque secrète affinité puisque M. Bultmann lui a donné son adhésion publique, nous voulons parler de l'école de Bahrdt. Il faudrait, d'autre part, envisager dans toute son ampleur la question de savoir comment peut aujourd'hui être posé le problème de Jésus et des origines du christianisme. C'est une question qui ne peut être traitée par quelques remarques générales mais qui demanderait de très amples développements. Elle n'a d'ailleurs avec celle sur laquelle nous désirions attirer l'attention que des relations indirectes.

Maurice GoGUEL.

(1) BULTMANN, Das Problem einer theologischen Exegese des Neuen Testaments, Zwischen den Zeiten, 1925, P. 334-357.

L'EVANGILE DE MARC

A-T-IL ÉTÉ ÉCRIT EN LATIN ?

En tête de beaucoup de manuscrits des évangiles se trouve une notice qui fait savoir que l'évangile de Matthieu a été écrit en hébreu (6pati), l'évangile de Marc en latin (patori), ceux de Luc et de Jean en grec (2λqvist) (1). En suscription à la vulgate syriaque (Peschitto), à la version syriaque héracléenne et à plusieurs manuscrits grecs (2) on lit que l'évangile de Marc «< a été écrit en latin, à Rome : ἐγράφη ῥωμαιστὶ ἐν Ῥώμη. » Je me propose de rechercher si ce renseignement sur la langue originale de l'évangile de Marc est exact.

L'origine romaine de cet évangile est admise par la plupart des critiques (3). Or, si à Rome le grec était familier à beaucoup de gens de toutes les classes, le latin était cependant la langue la plus généralement parlée. Normalement un ouvrage composé à Rome et, en premier lieu, pour des gens de Rome devait l'être en latin.

(1) H. von Soden. Die Schriften der Neuen Testaments, 2e éd. Göttingen, I, p. 297 [51].

(2) Entre autres deux manuscrits de la Bibliothèque Barberine de Rome (actuellement à la Bibliothèque du Vatican): 160 (Sod. ɛ 213) et 161 (ɛ 1005), d'après H. B. Swete, The Gospel according to St Mark, 3 éd., London, 1920, p. XLI.

(3) Voir en particulier B. J. Bacon, Is Mark a Roman Gospel? (Harvard Theol. Studies), 1919.

Il est vrai que les plus anciens documents de l'Eglise romaine qui soient venus jusqu'à nous, la lettre de Clément, le Pasteur d'Hermas, les apologies de Justin sont en grec. Mais la lettre de Clément est adressée à des Grecs. Hermas était, selon toute apparence, un esclave grec. Le grec était la langue maternelle de Justin et les empereurs auxquels il s'adressait avaient une chancellerie grecque. Il n'est pas prouvé par ces exemples que le grec fût la langue exclusive, ni même principale, des groupes chrétiens de Rome.

L'original de Marc est-il grec ou latin? Seul l'examen du texte peut en décider. Et il n'y suffit pas d'un coup d'œil.

En 1914, H. C. Hoskier, surpris des divergences anormales des textes grecs, émit l'hypothèse que l'évangile avait été écrit à la fois en deux langues. L'auteur en aurait donné simultanément deux éditions, une latine et une grecque (1). Cette hypothèse n'est qu'un compromis. A supposer qu'une traduction eût été faite dès la première heure, ce que rien n'assure, il n'en resterait pas moins qu'un des deux textes était l'original, l'autre la traduction.

Il s'agit de comparer entre elles les plus anciennes formes latines et les plus anciennes formes grecques de Marc qui nous soient parvenues.

Parmi les latines, les plus anciennes, sans conteste, sont celles qu'on désigne par les lettres k et e.

k Codex Bobiensis (Ive ou ve siècle) à la Bibliothèque Nationale de Turin. Il contient la seconde moitié de Marc (VIII à XVI) sauf quelques lacunes dans le chapitre VIII. Edition J. Wordsworth et W. Sanday (Old-latin biblical Texts no II) Oxford, 1886. Nouvelle collation par C. H. Turner et F. C. Burkitt (Journal of theological studies, octobre 1903). Edition phototypique, Turin, 1913.

e Codex Palatinus (ve siècle) au Palais épiscopal de Trente. Il contient Marc I, 21-VI, 9 (quelques lacunes) et de courts fragments des chapitres VII-XIII. Edition C. Tischendorf. Evangelium palatinum

(1) H. C. Hoskier. Codex B and its Allies, London, 1914, Part. I, p. 126, 172. M. Robert Stahl a le premier attiré mon attention sur la possibilité d'un original latin de Marc.

ineditum, Leipzig, 1847. Etudié par H.-J. Vogels. Evangelium palatinum, Münster 1926.

«

Ces deux manuscrits donnent pratiquement le même texte. On l'appelle africain » parce que c'est celui dont se servait saint Cyprien, au milieu du me siècle (1) et bien que son origine africaine ne soit pas autrement prouvée. C'est le seul qu'il soit utile de comparer au texte grec. Les autres anciennes versions latines ont pu retenir quelques éléments du texte « africain» mais elles ont été manifestement conformées au grec. Pour elles, la question d'antériorité ne se pose pas.

Le texte latin qui sera examiné est celui de e pour Marc I, 21-VI, 9, celui de k pour Marc VIII, 9-XVI, 8. Il ne sera pas fait état des parties de l'évangile qui manquent dans ces deux manuscrits.

Parmi les formes grecques, les plus anciennes paraissent être celles que donnent les manuscrits B, D et W:

B Codex Vaticanus (Ive siècle) à la Bibliothèque du Vatican. Edition Vercellone et Cozza, Rome 1868. Edition phototypique Codices e Vaticanis selecti, IV, Nouum Testamentum, Milan, 1914.

D Codex Bezae gréco-latin (ve ou vie siècle) à la Bibliothèque de l'Université de Cambridge. Edition phototypique Codex Bezae Cantabrigensis. Tome II, Cambridge 1899.

W Manuscrit de Washington (ve siècle) à la Bibliothèque de Washington. Collation de H. A. Sanders The Washington manuscript of the four Gospels (University of Michigan Studies IX) New-York 1912. Edition phototypique 1913.

Les textes fournis par ces trois manuscrits présentent dans Marc des divergences bien plus nombreuses et accentuées que dans les autres évangiles. Ils se comportent comme s'ils étaient dérivés de versions grecques indépendantes, plus ou moins corrigées l'une sur l'autre (2).

(1) Ce qui a été démontré par W. Sanday (Old-latin biblical texts, no II, P. XLII-XLVII) et par H. von Soden. Das lateinische Neue Testament in Afrika zur Zeit Cyprians. Leipsig, 1909, p. 106-220.

(2) Les onze derniers chapitres de W ont été corrigés de plus près que les cinq premiers.

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