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moines, a, dans le concile de Reims, (canon I) porté un décret en faveur des élections épiscopales (1). En 1058 le cardinal Humbert, ancien moine, a publié un livre violent contre les investitures (2). Quant à la simonie, contre laquelle les moines Gerbert et Abbon (3) avaient jadis protesté, elle a été condamnée par Léon IX à diverses reprises. Mais c'est Grégoire VII qui a livré la bataille décisive. Sans lui les apôtres de la liberté ecclésiastique se seraient consumés en de stériles récriminations. L'histoire a donc raison de considérer Grégoire comme l'unique artisan de la querelle des investitures. Voyons-le à l'œuvre.

Son action commence à se faire sentir sous les pontificats de Nicolas II et d'Alexandre II qui ne sont que les exécuteurs de ses volontés. Alors paraissent deux décrets du concile romain de 1059 l'un destiné à soustraire l'élection du pape à l'influence de la cour d'Allemagne et de la noblesse romaine; l'autre, (canon 6) qui, en termes volontairement imprécis, dénie aux laïques le droit de disposer des églises (4). Puis arrivent les conciles français de Vienne et de Tours (1060), présidés par un légat pontifical qui font un pas en avant et précisent la législation du concile de Rome mais réservent leurs menaces pour les ecclésiastiques et s'abstiennent prudemment de les étendre aux laïques. Puis viennent les deux affaires de Milan: celle de 1060 où l'archevêque Gui, après une lutte malheureuse contre la curie romaine, capitule et reçoit du pape Nicolas II l'investiture; celle de 1068 où la curie romaine excommunie l'archevêque Godfroy nommé par la cour d'Allemagne (5). Quelquesunes de ces mesures sont nettes mais localisées, d'autres ont une

(1) Mansi, XIX, 741, Hefele IV, 7-31.

(2) Adversus Simoniacos dans M. G. Libelli de lite I, 100-253; voir C. Mirbt, Die Publizistik im zeitalter Gregors VII, Leipzig, 1894, p. 463-468. (3) Imbart 370-373.

(4) Mansi, XIX, 898, Hinschius, II, 543; Mirbt, 475, Toutefois l'influence d'Hildebrand semble avoir été considérable dès le pontificat de Léon IX et c'est probablement à elles que l'on doit attribuer le décret du concile de Reims. (5) Mirbt 475, 476; Hauck III, 697; Delarc, Saint Grégoire VII et la réforme de l'Eglise au XIe siècle, II, 210.

portée générale mais sont enveloppées dans des formules ambigues toutes veulent émouvoir l'opinion publique, la préparer, mais en même temps éviter les cataclysmes. Hildebrand essaie ses forces.

Pendant les deux premières années de son pontificat Grégoire observe la même attitude faite de brutalité et de prudence. Il pousse des pointes vigoureuses, notamment contre le roi de France, Philippe, prince faible dont il n'a rien à craindre et qu'il outrage copieusement; mais il a soin de ne pas s'engager à fond. Il fait même parfois d'importantes concessions, par exemple quand il autorise Anselme de Lucques à recevoir du roi Henri IV l'investiture avant la consécration épiscopale (1). Enfin, dans le concile romain de février 1075, il se démasque, il prononce contre les investitures laïques une condamnation qu'il renouvelle dans les conciles de 1078 et qui reçoit sa forme dernière dans ce décret du concile de 1080: << Si quelqu'un reçoit un évêché ou une abbaye de la main laïque, il ne devra aucune façon, être compté au nombre des évêques ou des abbés. Nous le déclarons en outre exclu de la grâce de saint Pierre et exclu de l'Eglise... La même peine atteindra tout empereur, roi, duc, marquis, comte, tout dignitaire laïc, toute personne qui se permettra de donner l'investiture d'un évêché ou d'une autre dignité ecclésiastique...

en

(2).

Arrêtons-nous ici. Quelle est au juste la pensée de Grégoire ? Que veut-il? Où va-t-il? Il répond à cette question dans ses conciles. Il y répond aussi dans ses lettres. Les conciles nous donnent les déclarations officielles. Les lettres nous mettent en présence des faits. Interrogeons l'une après l'autre ces deux sources de renseignements.

Dans les conciles Grégoire promulgue deux lois l'une qui condamne l'investiture laïque, l'autre qui à l'investiture laïque substitue l'élection. Et d'abord il condamne l'investiture laïque.

(1) Jaffé 4792, 4807, 4808, 4855; Mirbt 491. Grégoire a, dès le début, des idées bien arrêtées, mais il les réalise progressivement.

(2) Mirbt 492, 497.

Non pas tel mode d'investiture, mais l'investiture elle-même. Ce qu'il défend aux laïcs, ce n'est pas seulement de remettre à l'évêque la crosse et l'anneau, c'est de lui donner l'évêché. L'interdiction porte sur ce que le concile de Poitiers de 1078 appelle le don de l'évêché : donum episcopatus. D'ailleurs le décret du concile romain de 1080, qui vient de passer sous nos yeux, est par lui-même assez clair. Il condamne quiconque « reçoit un évêché » d'une main laïque. Grégoire défend donc aux laïcs de donner aux évêques la juridiction sur les âmes. Son interdiction s'arrête-t-elle là? Non. Elle va plus loin. Elle atteint les biens temporels annexés à la fonction. La distinction du temporel et du spirituel sera faite plus tard. Les contemporains de Grégoire n'en ont pas l'idée; Grégoire lui-même l'ignore. Il déclare aux laïcs que les églises leur échappent totalement, qu'ils n'ont sur elles aucun droit de propriété, et qu'ils ne peuvent, par conséquent, faire, à leur égard, acte de propriétaires. Pour donner plus de poids à sa mesure, il la présente comme l'écho des règlements portés par les Pères.

En même temps qu'il soustrait aux laïques les évêchés, Grégoire leur arrache la nomination des évêques. Il décrète que tous les évêques seront désormais élus par le clergé et le peuple. Pour obvier aux abus dont trop souvent les élections ont eu à souffrir par le passé, il décide que l'assemblée électorale sera présidée par un délégué du métropolitain qui aura sur elle un droit de contrôle. Au surplus il prévient les électeurs que, s'ils font de mauvais choix, leurs suffrages seront annulés et que le droit d'élection sera alors dévolué au métropolitain. En somme il prescrit des élections qu'il soumet au contrôle du métropolitain, et il réserve, en cas d'abus, un droit de dévolution à ce même métropolitain. S'il s'en tenait là, s'il n'allait pas plus loin il ne serait que le restaurateur de l'ancien droit.

Mais s'enferme-t-il dans ces prescriptions? C'est le moment d'étudier de près sa législation. Voici le sixième canon du concile romain de 1080 (1) « Quand, à la mort de l'évêque d'une

(1) Mansi, XX, 531.

:

église, on doit lui donner un successeur conformément aux canons, le clergé et le peuple, réunis par les soins du visiteur envoyé par le siège apostolique ou par le métropolitain,... éliront un pasteur selon le cœur de Dieu avec le consentement du siège apostolique ou du métropolitain. Si, cédant à quelque motif coupable, ils se permettent d'agir autrement, l'élection sera frappée de nullité et les électeurs perdront le droit de procéder à un nouveau choix. Ce droit sera alors dévolué au siège apostolique ou au métropolitain.» Remarquons cette mention du siège apostolique qui se présente trois fois et qui, à chaque fois, précède la mention du métropolitain. C'est le pape qui, par l'intermédiaire de son délégué, doit régulièrement présider, contrôler, et confirmer les élections épiscopales; c'est lui qui, en cas d'abus, possède le droit de dévolution. Le métropolitain n'intervient qu'à défaut du pape ; il est rejeté au second plan. Dans sa législation, Grégoire, qui semble vouloir restaurer l'ancien droit, travaille au contraire, à établir un droit nouveau. La tradition dont il se réclame est un paravent qui lui sert à masquer ses innovations.

Interrogeons maintenant ses actes. En 1076 quatre ans avant le décret de 1080 il annule l'élection de l'évêque de Dol, Gilduin et, séance tenante, au nom du droit de dévolution qui ne sera promulgué que dans quatre ans, il nomme à la place de Gilduin Ives, abbé de Saint-Melaine de Rennes. En 1078 l'élection de Wigold d'Augsbourg se fait sous le contrôle du légat romain. En 1080 les Rémois reçoivent du pape l'ordre de procéder à l'élection de leur archevêque sous le contrôle de son légat Hugues de Die. La même année l'évêque de Padoue est envoyé, en qualité de légat pontifical à Constance avec mission de présider une élection épiscopale. Quatre ans plus tard (1804) l'évêque d'Ostie, Otton, va dans la même ville remplir la même mission. En 1080 Hugues de Cluny est informé qu'aucune élection épiscopale ne devra être faite en Espagne sans l'assentiment du légat pontifical. En 1081 le roi de Castille reçoit un avertissement semblable; il est même prévenu qu'on pourra lui donner pour

évêques des étrangers (1). On le voit, Grégoire a, dans la pratique, largement appliqué sa législation sur les élections.

Il l'a même dépassée. Que voyons-nous, en effet? En 1073 à une époque où Hildebrand, simple cardinal, est déjà le maître de l'Eglise le trésorier de l'église de Langres, Hugues, se trouvant de passage dans la ville de Die, est abordé par le légat pontifical Gérald d'Ostie qui lui dit : « Tu viens à propos, avec l'aide de Dieu, nous allons te prendre pour évêque de cette église ».

Après un simulacre d'élection, Hugues est institué évêque de Die et, en 1074, il reçoit à Rome de Grégoire, devenu pape, la consécration épiscopale (2). Le même Hugues devient, peu après, légat pontifical. Comme tel il nomme Gebouin, archevêque de Lyon (1077); nomination qui est faite dans une séance du concile d'Autun mais qui est l'oeuvre du légat appuyé par le duc de Bourgogne (3). En 1080 le légat romain nomme, après un simulacre d'élection, Richard, archevêque de Ravenne; et le pape sait si bien ce qu'a été l'élection qu'il félicite les Ravennates d'avoir reçu de l'église romaine leur pasteur (4). La même année l'archevêque de Narbonne, Dalmatius, est nommé par Rome. En 1082 le légat Hugues reçoit du pape l'ordre de procéder à l'élection d'un archevêque de Lyon et, en cas de pénurie de candidats capables, de se mettre lui-même à la tête de cette église. En exécution de cet ordre Hugues devient archevêque de Lyon (5). Aux termes du décret conciliaire de 1080 le siège apostolique ne doit se substituer aux électeurs que dans des cas exceptionnels ; en pratique Grégoire nomme lui-même les évêques toutes les fois

1

(1) Imbart, 19; Mirbt 500; Delare III, 427, Bernold, Pro Gebhardo, 7 Migne 118, 1212; Registrum VIII, 2; VIII, 19; X, 2.

(2) Berthold, Annales, 1078, Migne CXLVII, 409.

(3) Lettre de Hugues à Grégoire, Migne CXLVIII, 744. Il avoue avoir fait l'élection « contra oblatrantes haereticos ». On connaît le nom de l'élu par Hugues de Flavigny; Delarc, III, 347.

(4) Registr. VIII, 13 et 14.

(5) Imbart, 420; Mirbt, 499.

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