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mort du Seigneur n'était que mythe et manière de parler? Qu'il en fût ainsi, Paul ne l'a pas cru; j'attends que me dise le contraire un seul exégète ayant vraiment vécu dans sa familiarité. Et, s'il ne l'a pas cru, qui soutiendra que cela fut tout de même ?

Je m'arrête. Ce n'est pas que j'aie tout dit, mais il faut finir et je crois avoir donné une idée suffisante des divers genres d'objections que je fais à M. Couchoud pour que l'on comprenne les raisons que j'ai de rejeter entièrement son livre, mis à part, dans le détail, quelques réflexions suggestives et quelques remarques pénétrantes. Loin d'avoir contribué à éclaircir le Mystère de Jésus, il l'aura obscurci profondément, car son explication du phénomène chrétien demeure inconsistante, et il aura joué à l'exégèse, de sa nature circonspecte et prudente, incapable dono de frapper l'attention du grand public, le mauvais tour de la bafouer sur la place et d'offrir aux badauds une solution qu'ils jugent originale, simple et infiniment distinguée. Il faudra du temps pour les faire redescendre de cette gnose aussi illusoire que vertigineuse car la thèse positive de M. Couchoud sur la naissance vraiment surnaturelle du christianisme participe pleinement de la révélation gnostique pour les faire redescendre au plan terre-à-terre de la vraisemblance fondée et du bon sens modeste. Parti de définitions et d'affirmations qui sont autant d'a priori arbitraires, puis appuyé sur une erreur de chronologie (la priorité de la christologie paulinienne), fortifiée d'une erreur d'histoire (la confusion des milieux palestinien et syro-asiate), M. Couchaud a cru son paradoxe solide. Il a employé à l'étayer un esprit artificieux et fécond, une dialectique pressante et captieuse, un style élégant et nombreux. C'est, à mon sens, beaucoup d'efforts et de talent perdus. Perdus, du moins pour la science, car le vieil exégète se plaît au petit livre à partir du moment où, persuadé qu'il n'y faut voir que l'essai brillant d'un dilettante disert et ingénieux, il s'abandonne au plaisir de suivre en souriant les détours et les jeux d'une pensée subtile dont il sait qu'elle ne détruira rien et ne fondera pas davantage.

Ch. GUIGNEBERT.

M. GOGUEL. Jésus de Nazareth. Mythe ou histoire ? Paris, Payot, 1925, 313 p. in-8°.

M. Goguel a très soigneusement étudié le livre de M. Couchoud et il s'est efforcé, laissant de côté les théories, de ne considérer que les faits hors de toute idée préconcue. Ses réponses aux affirmations principales de son adversaire sont généralement très solides et la prudence avertie de son exégèse contraste avantageusement avec les audaces désespérées de M. Couchoud. On lira avec grand profit un ouvrage où s'est déversée, avec ampleur, une érudition et une expérience critique de premier ordre. Maintenant, l'éloge mérité que je fais de ce Jésus de Nazareth ne suppose point que j'en accepte toutes les conclusions de détail, ni que j'en suive toujours la direction. D'aucuns ont trouvé M. Goguel trop révolutionnaire et trop hardi : il m'arrive de le juger trop timide et trop consentant à la tradition. Il ne me semble pas, par exemple, qu'il se soit très bien tiré (p. 59) des difficultés que soulève l'attribution à Jésus de l'épithète de Nazaréen. Je fais les plus expresses réserves (p. 210 et s.) sur l'historicité de divers épisodes de l'histoire évangélique auxquels il accorde encore sa confiance, tels l'entrée messianique de Jésus à Jérusalem et la purification du Temple; la « déclaration authentique du Christ chez le Grand Prêtre, dont je me demande comment on a bien pu connaître et qui crie l'invraisemblance; la parole du crucifié expirant, dont je voudrais bien savoir qui l'a rapportée. Lorsque (p. 228) M. Goguel dit que l'auteur du IVe Evangile n'a pas prétendu substituer son œuvre à celle de ses devanciers, il avance une opinion à tout le moins très contestable. J'en dirai autant des affirmations que je lis p. 256, touchant l'état d'esprit de Jésus à la veille de son arrestation et l'effroi qui est censé le saisir quand il voit le danger se resserrer autour de lui. De même encore, je n'aperçois aucune raison valable de supposer (p. 292 et s.) que les disciples, épouvantés de l'arrestation de leur maître, aient attendu la conclusion du drame et la fin du sabbat pour s'enfuir de Jérusalem. N'étaient-ils point sortis de la ville pour se rendre au mont des Oliviers? Pourquoi y seraient-ils rentrés? Les récits de Lc. et de Jn. sont trop étroitement coordonnés à une représentation systématique et artificielle des apparitions pour prêter le moindre appui à une hypothèse de ce genre. Le principe de toutes ces critiques de détail est donc bien

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une divergence d'opinion entre M. Goguel et moi sur l'étendue et la sûreté de notre information au regard de Jésus. Il accorde encore à beaucoup de textes évangéliques une valeur d'histoire que je me sens de moins en moins disposé à leur reconnaître.

Peut-être me séparerais-je encore de lui sur des points de plus grosse importance que ceux dont je viens de parler. Je prends pour exemple l'explication qu'il donne de la résurrection (p. 288 et s.). Selon lui, ce phénomène capital et d'où le christianisme est né, repose, si je puis ainsi dire, sur la conscience messianique de Jésus et sur la conviction des disciples que leur maître est bien le Messie. Ce serait alors cette conviction, profondément inconciliable avec l'abandon de toute espérance d'avenir, qui aurait déposé dans l'âme des disciples le premier germe de la foi en la résurrection. C'est là une opinion, à la vérité assez répandue; je ne trouve pourtant pas qu'elle s'impose. Aucun des textes où s'affirme la prétendue conscience messianique de Jésus et, par suite, la foi des disciples à la messianite de leur maître, ne me paraît capable de résister à la critique négative. D'autre part, je crois que si les disciples avaient été persuadés que Jésus était le Messie dont Israël attendait la merveille immédiate de son revival et comment en humbles Galiléens auraient-ils pu se le représenter d'autre sorte? Son arrestation, sa condamnation par un paien et son supplice, dans l'immobilité et le silence de Dieu, auraient arraché cette foi de leur cœur jusqu'aux racines. Je conçois aisément, tout au contraire, qu'ils aient gardé confiance en sa personne, je veux dire en son enseignement, s'il leur avait seulement annoncé la proche venue du Messie. Sans doute en irait-il autrement s'il était possible d'accepter qu'il ait prédit aux siens sa mort et son prochain retour dans la gloire messianique; mais..., qui, ayant lu sans parti-pris nos textes << évangéliques», arrivera à se persuader que pareille hypothèse soit soutenable? L'explication de M. Goguel : << la foi des disciples a subi une éclipse, elle n'a pas connu une faillite totale », pourrait bien être toute subjective et arbitraire. Comment accepter, avec lui (p. 302), que les disciples aient pu croire avant toute apparition que Jésus crucifié était devenu le Messie transcendant? Je n'en vois pas le moyen.

On comprend, sans que j'insiste davantage, où et pourquoi je me sépare de M. Goguel; il n'en reste pas moins, à mon avis, incontestable qu'il a gain de cause contre M. Couchoud, que sa méthode

est la bonne et qu'on peut, tout au plus, lui reprocher de ne pas en avoir partout poussé le jeu à fond.

Ch. GUIGNEBERT.

MARK LIDZBARSKI.

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Ginza, Der Schatz, oder das grosse Buch der Mandäer übersetzt und erklärt (Quellen der Religiongeschichte, Band 13 Gruppe 4), Göttingen (Vandenhoeck u. Ruprecht), 1925, in-8°, XVI-619 p. Prix: 36 mark.

On sait le grand intérêt que présentent pour les historiens des religions les livres sacrés des Mandéens. Ce dernier mot dérive de manda qui veut dire « gnose ». Il est donc synonyme de « gnostiques». Dans quelle mesure les Mandéens conservent-ils la tradition des anciens Gnostiques? Ils sont aussi désignés très souvent sous le nom de Sabéens ou « Baptistes et se réclament d'un « Jean » qui baptisait dans le Jourdain. Quel rapport historique leur secte peut-elle avoir avec le Baptiste de nos évangiles ?

Jusqu'ici ces questions, si intimement liées à celle des origines du christianisme, pouvaient être posées plutôt que discutées, faute de documents utilisables. On savait depuis le xvIIe siècle que les Mandéens possédaient un recueil important de livres saints comprenant des textes liturgiques, un livre dit de Jean et surtout un ouvrage intitulé Ginza ou « le Trésor ». Des manuscrits en avaient été apportés par des missionnaires et se trouvaient dispersés en diverses bibliothèques, à Paris, à Londres, à Oxford, à Leyde et à Munich. Mais ils étaient à peu près inintelligibles.

En 1815, un orientaliste suédois, Matthias Norberg avait publié le texte de la Ginza, transcrit par lui en syriaque, il l'avait accompagné d'une traduction latine. Mais la transcription et la traduction étaient très fantaisistes. En 1867, H. Petermann édita une reproduction exacte d'un manuscrit de Paris, accompagnée de toutes les variantes, d'ailleurs peu importantes, qu'il put relever dans les autres. Une étude linguistique du texte ainsi établi permit à Nöldeke de donner, huit ans plus tard, une « Grammaire mandéenne », qui permettait d'en aborder le déchiffrement avec quelque assurance. En 1893, W. Brandt publia une traduction du début et de plusieurs extraits, qui, malgré d'inévitables méprises, avait une valeur réelle

taisiste, mais, sous ses pires extravagances, elle a pu conserver des bribes de vérité. Est-ce que ces << histoires », recueillies par le « bonhomme » Marc se rapportaient toutes à un personnage imaginé pour les besoins d'une cause, ou illustraient, en les déformant plus ou moins, les souvenirs laissés par un homme véritable? Tout est là. Il ne s'agit nullement de se demander si l'Evangéliste s'est pris pour un historien et si ses « histoires » sont de l'histoire, car, alors même que pas une seule d'entre elles ne répondrait à un fait exact, le seul fait qui nous intéresse pour le moment, celui de l'existence de Jésus, ne s'en trouverait pas nécessairement infirmé. Nous n'aurions plus sur Charlemagne d'autres documents que les poèmes épiques qui le conduisent à Constantinople et à Jérusalem, qu'il n'en serait pas moins le fils authentique de Pépin-le-Bref. Plus près de Jésus, la Vie d'Apollonius de Tyane, par Philostrate, n'est qu'un roman calqué, plus ou moins, sur la légende de Pythagore: en peut-on légitimement conclure, en a-t-on conclu que cet Apollonius n'a jamais existé?

C'est entendu si nos Evangélistes : et pas seulement Mc. ni leurs lecteurs n'attachaient d'importance aux faits, sinon comme support d'idées, ils ont ramassé pêle-mêle mythes, rêveries, prophéties, anecdotes plus ou moins vraisemblables; mais, s'il faut conclure de leur incohérence comme de leur crédulité, qu'ils ne nous laissent point la possibilité de nous représenter la vie de Jésus, cette conclusion n'entraînerait légitimement la négation de l'existence même du personnage en cause que si les récits évangéliques eux-mêmes, je ne dis pas imposaient, mais seulement permettaient cette négation. Et je soutiens qu'il n'en est pas ainsi; que leur effort visible pour hausser la maigre tradition au niveau d'une histoire opulente échoue, et que leur désir ardent de grandir démesurément Jésus n'arrive pas à l'arracher à l'humanité. En irait-il de même si cette tradition parlait de la représentation d'un dieu? J'en doute. Admettre que la substance de Mc. soit tout entière une suggestion de l'Esprit (p. 39), ce serait, je pense, singulièrement rogner les ailes de l'Esprit et empêtrer ses élans parmi de bien médiocres contingences, où il ne lui est pas ordinaire de s'embarrasser. M. Couchoud sait de science sûre (p. 37) que l'incipit de Mc. était Commencement de la Bonne Nouvelle sur Jésus Messie, FILS DE DIEU. Je n'ignore pas que tous les grands témoins, hormis le Sinaïticus grec, donnent les mots vioù zou, qui,

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