Slike strani
PDF
ePub

étude sur la « pensée» de Da Costa et, tout en la confrontant avec celles de Spinoza et de Pascal, ils ne paraissent guère se dissimuler qu'elle reste bien inconsistante et se réduit à quelques formules inquiètes. Sachons gré aussi à MM. D. et K. de n'avoir pas posé ce pauvre homme, flottant et douloureux, en champion romantique de la liberté de conscience. Le philosophisme anglais du XVIIIe siècle en faisait déjà un eminent freethinker (v. Remarkable Life of U. A., Londres, 1740). Le drame de Gutzkow (Uriel Acosta, 1846) enthousiasma la « Jeune Allemagne » républicaine et anticléricale. On trouvera dans l'Exemplar un personnage plus humain, mais pour le moins aussi poignant.

P. A.

P. VULLIAUD. Joseph de Maistre franc-maçon, suivi de pièces inédites. Paris, E. Nourry, 1926. Un vol. de la Bibliothèque des Initiations Modernes. I. 260 p. in-8°.

La Franc-Maçonnerie, mémoire au Duc de Brunswick par JOSEPH DE MAISTRE, publié avec une introduction par Emile Dermenghem. Paris, 1926. F. Rieder et Cie. Un vol. in-12 de 127 pages de la Collection « Christianisme ».

Une saine application de la méthode étiologique, et voici que nous connaissons déjà mieux Joseph de Maistre, ce « catholique effrayant ». Il y a quelques années, le seul titre du livre de M. Vulliaud eût mis en défiance: on eût crié au paradoxe tapageur. Or, le livre se fonde sur des documents des plus sérieux, des procès-verbaux inédits de la Loge Martiniste de Lyon, le « Mémoire » sur la Franc-Maçonnerie adressé par De Maistre au Duc de Brunswick, une explication nullement conjecturale d'une grande partie des Soirées d'un point de vue martiniste, etc., surtout une psychologie très serrée de l'évolution de la pensée maistrienne avant, pendant et après la Révolution. En 1782, il écrit spontanément « avec la flamme d'un apôtre de vingt-neuf ans, un mémoire au Duc de Brunswick-Lunebourg, Grand Maître de la Maçonnerie écossaise de la Stricte-Observance, le même prince auquel Lessing, de son côté, dédiait ses Dialogues pour les Francs-Maçons » (p. 124). A cette date, Joseph de Maistre n'est pas « un franc-maçon pour rire »; il prend très au sérieux non-seulement la doctrine martiniste, mais aussi ses fonctions de « Grand-Profès » qu'il regarde comme une sorte de « haute magistrature intellectuelle et spirituelle ». Au surplus, il tient la Maçonnerie pour orthodoxe, conciliable même avec le respect du pontificalisme catholique.

M. E. Dermenghem nous a donné, dans la Collection Christianisme une excellente édition, annotée et précédée d'une étude concise sur Joseph de Maistre franc-maçon, de ce « Mémoire » qui est un plan de moralisation de l'humanité conçu et exposé avec cette faculté

lyrique de s'abstraire magnifiquement in divinis qui a toujours été dans le caractère de l'Aigle savoisien; M. Vulliaud dit justement: « Il est curieux de voir que Maistre, réputé esprit clairvoyant, s'est engoué de la littérature brumeuse du Martinisme, et que Ballanche, qui passe pour un cerveau nuageux, a observé une attitude prudente (p. 123. n.). Mais, tout vaticinateur qu'il fût et affligé tout au long de sa vie du << tic du conseil », de Maistre ne s'enteta jamais dans ses conceptions, on le sait aujourd'hui au surplus, ces variations, dit M. V., ne découragent pas ses disciples d'admirer la justesse de son coup d'œil ». Certes, mais en tenant compte des dates! Après la Révolution, le Grand-Profès, le chevalier de Jérusalem, le « Josephus a Floribus de 1782 devient l'adversaire déterminé de la Maçonnerie; il répète à tout moment les formules énoncées par les Barruel, Lefrano, Robinson, Starck, Cadet de Gassicourt, par tous les dénonciateurs des conjurations maçonniques ». Pourtant il continue à avoir une instinctive faiblesse à l'égard du Martinisme. En 1815, il tient que « chez les nations catholiques, les sociétés secrètes sont néfastes, et infiniment utiles pour les nations protestantes qu'elles protègent contre le Riénisme » (p. 202).

Le livre de M. Vulliaud, riche d'une documentation très neuve et constamment animée par des rapprochements originaux et lucides, se lit avec beaucoup d'intérêt. Sur l'ensemble de la pensée maistrienne, il reprend, en concluant, le mot si juste de Frédéric Morin : « Dans le système autoritaire, Maistre jette une quantité énorme d'illuminisme... ›

JULES DE GAULTIER.

P. A.

Nietzsche, tome XIV de la Collection Les Maistres de la Pensée antichrétienne, Paris, Editions du Siècle, 1926. Un volume de xvi-308 pages. Pet. in-8° carré.

trace,

ou

« Qu'est-ce qui est bon? Tout ce qui exalte en l'homme le sentiment de puissance, la volonté de puissance, la puissance elle-même. Qu'est-ce qui est mauvais ? Tout ce qui a sa racine dans la faiblesse ». Or, l'on sait que cette faiblesse, « ces petites vertus de bêtes de troupeau » sont pour Nietzsche, la marque morale — que dis-je? l'invention exclusive du judéo-christianisme, judaïsme et chris tianisme sans nuances, sans évolution historique, sans presque, des tempéraments individuels qui les ont vécus ou repensés au cours des àges. Il y a, aux yeux de Nietzsche, le Païen, le Juif, le Chrétien, comme il y a le Pape, l'Empereur, l'Abbé, le Marchand pour un peintre de Danse Macabre. Avouerons-nous que la très remarquable étude qui forme ce second volume de la collection Rougier nous paraît faire honneur à Nietzsche de plus de psychologie historique que n'en comporte sa conception surtout esthétique du passé,

sur

du présent et de l'avenir religieux? Le pénétrant découvreur et analyste du « Bovarysme » a organisé en un système cohérent les intuitions éparses du prodigieux artiste du Zarathustra. Aux premières pages de son admirable ouvrage, si malheureusement interrompu, le Nietzschéisme, M. Ch. Andler écrivait : « La philosophie de Nietzsche est construite comme s'il y avait eu dans tout le passé humain trois plans naturels et étagés que la pensée a gravis l'un après l'autre, et qu'il faut dépasser pour en atteindre un quatrième, d'un immense coup d'aile » (Les Précurseurs de Nietzsche, p. 9). Peut-on assurer qu'il y ait dans cette construction plus de consistance historique que dans la théorie des « empires », avec leur architecture toute en arètes vives, avec leur succession automatique ? Si l'on parlait de « messianisme nietzchéen », le paradoxe ne serait peut-être que dans les mots.

P. A.

Julien WEILL. La Foi d'Israël. Essai sur la doctrine du Judaïsme. Paris, 1926, Les Presses Universitaires de France. Un volume in-12 de 178 pages.

Ce n'est point ici le lieu de discuter le bien-fondé des conclusions auxquelles aboutit M. Julien Weill, car son livre, s'il comporte des éléments historiques discernés et mis en valeur avec une scrupuleuse objectivité qui ne saurait surprendre de la part du savant éditeur de Josèphe, est dans son essence un exposé apologétique, et par ses fins échappe au jugement de cette Revue. En voici tout au moins l'économie, qui est fort claire: Le chap. I donne des aperçus généraux sur la doctrine du Judaïsme, pose la question des « éléments permanents de la conscience juive ». Les chap. I et II (dont M. J. Weill avait donné la substance dans une importante communication au Congrès d'Histoire des Religions de 1923) étudient les sources du Judaïsme et surtout l'existence d'une dogmatique juive : y a-t-il, dans l'Israël ancien et moderne, un credo, un << symbole >>, un catéchisme (le Schéma, l'Emouna biblique, le cathéchisme de Philon, les treize articles de Maimonide)? Les chapitres suivants envisagent les notions fondamentales de la théologie juive: -Dieu la Révélation (et connexement le prophétisme) la Rémunération. Le chapitre VII forme une conclusion très nourrie où les espérances et l'avenir d'Israël et même de l'humanité en fonction d'Israël sont méditées avec une foi sans ceillères. C'est d'ailleurs un éloge qui peut s'étendre à tout le livre outre son agrément et sa limpidité de style, cet ouvrage d'un penseur religieux qui est aussi un historien et un philosophe de mérite, se signale par une sincérité foncière à l'égard des problèmes de la conscience moderne. M. J. W. reconnait « qu'on peut juger diversement le Talmud» (p. 25), que la Tora traditionnelle a été parfois mettons que ces temps soient loin de

nous

comme une

<< entourée d'un certain fétichisme >> (p. 35). Et s'il admet << armature conservatrice >> (p. 113) le ritualisme juif, et le défend (cela est plus spécieux) comme une discipline librement acceptée par le croyant pour son perfectionnement moral, du moins M. J. W. se garde-t-il de lancer l'anathème sur les dirigeants du judaïsme », surtout séfardi, qui ont en plein Moyen âge senti le besoin de réagir contre ce système d'observances minutieuses « en accordant ou en restituant plus de place à l'idée et au sentiment » (pp. 55-56).

D. L.

CHRONIQUE

Albert Houtin: Le 28 juillet dernier est mort à Paris Albert Houtin. Il a conté sa vie dans une autobiographie d'une admirable loyauté (Une vie de prêtre. Mon expérience. Paris, 1926). Jeune prêtre plein d'enthousiasme, épris de sincérité, d'absolu moral au point d'avoir voulu, sitôt entré dans l'Eglise, se faire moine, il devint professeur de séminaire, se forma seul une méthode critique, s'intéressa ardemment aux origines des diocèses de France, puis à l'histoire et à la vie politique de l'Eglise. Bientôt suspect, isolé, il ne quitta cependant l'Eglise qu'après que sa situation y eut pris un caractère presque tragique. Il la quitta sans provoquer aucun scandale, sans demander aucun apitoiement, avec cette dignité un peu froide et distante qui fut la marque de toute sa vie morale.

Laïque, il poursuivit les travaux entrepris, sans un à-coup, sans un changement de ton dans la phrase. Une longue maladie l'éloigna voici un an de sa table de travail; elle ne lui enleva pas un instant sa lucidité, son ardeur intellectuelle. Il est mort sous un dernier choc, brutal, lorsque lui-même et ses amis croyaient que des années d'activité scientifique à peine un peu ralentie pouvaient lui être permises encore.

Il n'est guère d'homme pour qui l'histoire fut plus près de la vie, et d'abord de sa vie, de ce qui à ses yeux en faisait la force et le sens. Sa méthode ne fit qu'un avec son caractère pour ce grand cœur rigoureux, tout acte, toute parole prenait valeur de témoignage. Et c'est ce qui donne à son œuvre historique son mérite et son utilité permanente: elle est le miroir d'une époque particulièrement significative de l'Eglise de France. Houtin a été c'est le point de départ de son évolution critique le mémorialiste des disputes sur les légendes diocésaines: Les origines de l'Eglise d'Angers. . S. René (1901). La controverse sur l'apostolicité des Eglises de France au XIXe s. (1903).puis de la question biblique dans l'Eglise au XIXe s. (1902) au xxe s. (1906), deux livres, le premier surtout qui rendaient un son tellement franc et neuf que le retentissement n'en est pas encore éteint. Il a écrit la grande histoire de la crise

« PrejšnjaNaprej »